Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 23 mars 2020
Coronavirus

L'état d'urgence sanitaire va bouleverser les règles pour les collectivités

Même si Maire info n’a rendu compte que de cet aspect jusqu’à maintenant, le chapitre sur les mandats, les conseils municipaux et les EPCI n’est qu’une petite partie de la loi « urgence covid-19 », dont l’essentiel est consacré à la création d’un « état d’urgence sanitaire ».
Absolue innovation dans le droit français, cet état « d’urgence sanitaire »  est pour partie calqué sur l’état d’urgence plus « classique », si l’on peut dire, tel qu’il a été mis en place par exemple après les attentats de 2015. Il donne au gouvernement des prérogatives très étendues dans un grand nombre de domaines. Il s’agit en partie de donner a posteriori un cadre juridique clair aux mesures qui ont déjà été prises, et à celles qui seront prises par la suite tout au long de cette crise sanitaire inouïe. 

Généralités
L’état d’urgence sanitaire pourra être déclaré sur « tout ou partie du territoire »  pour une durée d’un mois, par décret pris en Conseil des ministres. La prolongation au-delà d’un mois ne peut être décidée que par le Parlement, pour une durée fixée par la loi. 
Mais pour ce qui concerne la présente crise liée au covid-19, l’état d’urgence sanitaire est déclaré, dès promulgation de la loi, pour une durée dérogatoire de deux mois.
Dans les parties du territoire concernées (ou le cas échéant sur tout le territoire), le Premier ministre pourra, une fois l’état d’urgence sanitaire décrété, prendre par décret les mesures « permettant de garantir la santé publique »  dans un très grand nombre de domaines : restrictions ou interdictions de circulation, confinement, quarantaines, placement ou maintien en isolement de personnes infectées, fermeture totale ou partielle des ERP, limitation ou interdiction des rassemblements, réquisitions, contrôle des prix, ainsi que « toute autre mesure limitant la liberté d’entreprendre »  jugée nécessaire.
Les préfets pourront être habilités pour prendre « toutes mesures »  permettant de mettre en œuvre les décisions décidées par le Premier ministre. Ces mesures pourront faire l’objet de recours devant le Conseil d’État. Tout le temps que durera l’état d’urgence sanitaire, un « comité de scientifiques »  sera appelé à se réunir et à rendre « périodiquement »  des avis sur l’état de la catastrophe sanitaire – avis qui seront rendus publics « sans délai ». 

Sanctions
La loi redéfinit le régime des sanctions. On se rappelle qu’un décret a modifié le montant de l’amende pour violation des mesures de confinement (sortie sans attestation dérogatoire, ou attestation non recevable), la portant à 135 euros. La loi dispose à présent qu’en cas de récidive dans les 15 jours, l’amende passera à une contravention de 5e classe (1 500 à 3 000 €). En cas de triple récidive en trente jours, elle deviendra un délit, puni de six mois de prison et 3 750 euros d’amende. 
Mesure essentielle à retenir pour les maires : les policiers municipaux et les gardes champêtres (ainsi que les agents de sécurité de la Ville de Paris) sont désormais habilités à dresser des procès-verbaux sur ces infractions.

Suppression des jours de carence
Le texte acte la suppression des jours de carence. Cette disposition (« les prestations (…) sont versées ou garanties dès le premier jour d’arrêt ou de congé pour tous les arrêts de travail (…) à compter de la date de publication de la présente loi » ) s’applique, selon le gouvernement, « au public comme au privé pendant la période d’urgence sanitaire ».

Droit du travail, y compris pour les employeurs publics
La suite du texte comporte de nombreuses mesures visant à soutenir l’économie pendant la crise. Le gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toutes mesures « d’aide directe ou indirecte »  permettant la continuité de l’activité des entreprises et des associations « dont la viabilité est mise en cause ». Un fonds de soutien va être mis en place par l’État, « dont le financement sera partagé avec les régions »  mais également avec toute autre collectivité ou établissement public volontaire. 
Il est également permis aux employeurs, là encore pendant le temps de la crise, « d’imposer ou de modifier les dates de prise d’une partie des congés payés dans la limite de six jours ouvrables », et « d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates de jours de RTT (…) et des jours de repos affectés sur le compte épargne temps du salarié ». Il sera également permis aux entreprises des secteurs jugés « indispensables à la sécurité de la nation ou à la continuité de la vie économique et sociale »  de déroger aux règles conventionnelles sur la durée du travail, le repos hebdomadaire et le repos dominical. 
Ces mesures, est-il clairement précisé (article 7 b) s’appliquent également « en droit de la fonction publique ». 

Marchés publics et loyers
Des ordonnances sont également autorisées par cette loi pour « adapter les règles de passation, de délais de paiement, d’exécution et de résiliation, notamment celles relatives aux pénalités contractuelles, prévues par le Code de la commande publique ainsi que les stipulations des contrats publics ayant un tel objet ». Également pour déroger « aux dispositions (…) relatives à la responsabilité personnelle des comptables publics ». 
Une ordonnance va également permettre le report intégral ou l’étalement des « loyers, factures d’eau, de gaz et d’électricité »  pour les locaux commerciaux loués par des microentreprises. 
Les ordonnances vont également modifier en profondeur les règles en matière d’autorisations d’urbanisme – sujet sur lequel Maire info reviendra plus précisément dans son édition de demain.

Mesures sociales
En matière sociale, les décisions qui ont déjà été prises vont là encore trouver un fondement a posteriori. Une ordonnance va légaliser l’extension « à titre exceptionnel et temporaire »  du nombre d’enfants « qu’un assistant maternel agréé (…) est autorisé à accueillir simultanément ». De nombreuses dérogations vont être prises dans le domaine de l’accompagnement des personnes en situation de handicap, des personnes âgées, des mineurs et majeurs protégés, afin par exemple que les établissements et services sociaux et médico-sociaux puissent « prendre en charge des publics destinataires figurant en dehors de leur acte d’autorisation », ou encore pour prolonger certains droits et autorisations à toucher des prestations.
Enfin, la loi précise qu’il ne peut être mis fin, pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire, « à la prise en charge par le conseil départemental, au titre de l’aide sociale à l’enfance, des majeurs ou mineurs émancipés précédemment pris en charge (…) en tant que mineurs, mineurs émancipés ou jeunes majeurs de moins de vingt et un ans ».

Franck Lemarc

Accéder au texte adopté par la CMP.

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