L'épidémie amorce une « décroissance », le Conseil scientifique appelle à « anticiper » face aux variants
Par Franck Lemarc
« Depuis cinq jours, nous amorçons une décroissance de l’épidémie. » C’est peut-être la première bonne nouvelle donnée par l’exécutif depuis longtemps, et elle est signée d’Olivier Véran, le ministre des Solidarités et de la Santé, dans une interview donnée hier au Télégramme. Le nombre moyen de cas quotidiens tourne en ce moment autour de 30 000 par jour, contre 40 000 par jour environ fin mars.
Lente « décroissance »
Dans les départements, les taux d’incidence (nombre de cas pour 100 000 habitants) diminuent peu à peu, tout en restant, dans beaucoup d’entre eux, à des niveaux très élevés. Plus aucun département ne dépasse le taux d’incidence de 700 (seule la Seine-Saint-Denis s’en approche, avec 691 cas pour 100 000 habitants). 17 départements dépassent encore les 400 cas pour 100 000 habitants, et une cinquantaine ont un taux d’incidence compris entre 250 et 400, ce qui est considérable. Il n’est donc pas question de crier victoire, d’autant plus que la situation dans les hôpitaux reste critique, avec presque 6 000 places de réanimation occupées (5 970 hier), soit un taux d’occupation de 114 % par rapport au nombre de lits disponibles avant la crise.
La courbe des cas positifs tend, cela dit, à décroître, ce qui constitue un motif d’espoir. Même si, comme le souligne ce matin le statisticien Guillaume Rozier (créateur du site CovidTracker) sur France info, « on ne peut être certain que le nombre de contaminations réelles baisse » : « On a observé depuis fin mars une baisse du dépistage. Les gens se font moins tester. C'est très difficile de savoir si cette baisse du nombre de cas détectés est directement liée ou pas à une baisse de l'activité épidémique. »
Olivier Véran reconnaît, quant à lui, que « la baisse n’est pas suffisamment rapide et tranchée » pour que le gouvernement puisse s’engager de façon formelle à une levée des restrictions dès la mi-mai. Le ministre se dit « ouvert à l'idée d'une approche territoire par territoire dans la levée des mesures de freinage, comme j'y étais favorable lors de leur mise en place ». Les allégements des mesures sanitaires – qu’il s’agisse des restrictions de sortie ou de la réouverture progressive des commerces, cafés, restaurants et lieux culturels – pourraient donc se faire à des dates différentes selon les départements.
Variant brésilien : fortes inquiétudes
Le Conseil scientifique, de son côté, vient de produire une note dans laquelle il alerte sur un risque de propagation du variant repéré au Brasil (dit BR-P1). Ce variant, qui s’est développé initialement dans la région de Manaus, proche de l’Amazonie, se diffuse « de façon non contrôlée » en Amérique du sud, écrivent les experts, après avoir ravagé le Brésil, qui compte en ce moment de 3 000 à 4 000 morts par jour.
Le variant BR-P1 a, selon le Conseil scientifique, une mortalité de 10 à 80 % supérieure au virus « historique » et il est deux fois plus contagieux. L’efficacité des vaccins sur ce variant n’est « pas connue ». Ce variant s’est déjà largement diffusé sur le continent sud-américain – notamment au Chili, en Argentine, en Colombie et au Pérou. Il se diffuse également en Guyane française, où le taux d’incidence vient d’augmenter de 69 % en une semaine, les hospitalisations augmentant, elles, de 160 %. « Le variant brésilien est le principal responsable » de cette situation, écrivent les scientifiques.
Les experts se montrent plutôt rassurants, pour l’instant, sur la situation en métropole, où « aucun signal d’une évolution particulière du variant BR-P1 n’a été observé à ce jour ». Le variant BR-P1 ne représentait qu’environ 0,3 % des infections au 30 mars, et « aucun cluster n’a été identifié ». Il est possible, pour les scientifiques, que la forte prévalence du variant « UK » protège le pays de la diffusion du variant brésilien. Mais précisément, si l’on assiste à une baisse du variant UK, cet été, « un risque d’extension du variant BR-P1 doit être pris en compte ». Le Conseil scientifique recommande donc des mesures d’anticipation – notamment en étendant l’interdiction des vols à d’autres pays d’Amérique du sud, en prêtant une attention particulière aux passagers arrivant en France en transit depuis d’autres aéroports mais qui pourraient être originaires d’Amérique du sud, et en précommandant en quantité suffisante des vaccins « ciblés sur les nouveaux variants ».
En Guyane, le Conseil recommande notamment de passer le couvre-feu de 19 à 17 heures et d’instaurer un confinement le dimanche. Et, surtout, d’y accélérer la vaccination, beaucoup trop faible en Guyane : seuls 15 % des plus de 50 ans sont vaccinés.
Au-delà, il faut également signaler que l’inquiétude grandit à propos d’un variant repéré en Inde, qui s’est déjà introduit en Grande-Bretagne avec un taux de diffusion jugé « effrayant » par un certain nombre de scientifiques. L’Inde connaît aujourd’hui, de très loin, le record du nombre de cas confirmés par jour – la courbe des cas étant quasiment verticale : il y a eu 233 000 nouveaux cas repérés hier dans le pays.
Un prolongement de l’état d’urgence qui ne dit pas son nom ?
On attend maintenant, en France, le projet de loi dit de « gestion de la sortie de crise sanitaire », qui devrait être discuté au Parlement dans les toutes prochaines semaines. Ce texte, qui vient d’être soumis en « extrême urgence » au Conseil national d’évaluation des normes, va balayer de nombreux sujets, dont l’organisation matérielle des élections de juin, mais aussi le fonctionnement des réunions des assemblées délibérantes des collectivités locales. Dans un grand nombre de textes, le gouvernement va proposer de remplacer la formule « jusqu’à la fin de l’état d’urgence » (c'est-à-dire le 1er juin) par « jusqu’au 31 octobre 2021 ». Ce devrait être le cas pour toutes les règles dérogatoires touchant aux réunions des assemblées délibérantes des collectivités locales et des EPCI.
Par ailleurs, selon nos informations, le gouvernement prévoit de permettre que les opérations électorales, en juin, puissent se dérouler, sous conditions, « en extérieur » et d’alléger les normes concernant le nombre d’isoloirs.
Ce texte devrait être présenté en Conseil des ministres la semaine prochaine, le 28 avril, et être examiné à l’Assemblée nationale le 10 mai et au Sénat le 18 mai.
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