Centres de vaccination : encore des interrogations sur la prise en charge de leur coût par l'État
Dès le mois de janvier, les maires ont répondu présent lorsqu’il leur a été demandé de monter, parfois en urgence, des centres de vaccination dans leurs communes. Mais depuis le début de la campagne, la question de la prise en charge du coût de ces centres a été posée, notamment par l’AMF, qui a adressé un courrier à la ministre Jacqueline Gourault sur le sujet.
Une revendication récurrente des collectivités
Il y a aujourd’hui près de 1300 centres de vaccination dans le pays. Dans beaucoup d’entre eux, la commune a mobilisé des agents – ne serait-ce que pour l’aménagement et l’entretien des lieux, mais y compris pour la prise de rendez-vous, par exemple. D’autres communes ont mis à disposition du matériel : informatique, tables, chaises… Certaines communes, ayant les moyens suffisants, ont même acheté des « super-congélateurs » pour pouvoir stocker le vaccin Pfizer à - 80 ° C. Par ailleurs, beaucoup de maires ont mis en place des solutions de transport pour véhiculer les personnes âgées qui en avaient besoin vers les centres de vaccination.
Tout cela a naturellement un coût. Celui-ci sera-t-il pris en charge intégralement par l’État ? Rien n’est moins sûr aujourd’hui. À plusieurs reprises, les associations d’élus se sont inquiétées de cette situation : le 4 février, au début de la campagne de vaccination, l’AMF et l’AMRF (maires ruraux) publiaient par exemple un communiqué commun pour réclamer « que les dépenses engagées par les collectivités locales dans le cadre de la campagne de vaccination soient intégralement compensées par l’État ». Cette demande a été réitérée plusieurs fois depuis, au niveau national comme au niveau local. Mais le flou continue de régner : début mars encore, en Vendée par exemple, l’association départementale des maires a demandé à être reçue par le préfet pour discuter de cette question et demander des garanties quant au financement des neuf centres de vaccination du département. Preuve que l’État n’a toujours pas apporté de réponse claire et ferme sur ce sujet.
Le dispositif prévu
Quelles sont les sommes que l’État accepte de prendre en charge ? La réponse se trouve dans une note de la DGS (Direction générale de la santé) diffusée le 10 février, relative aux « modalités de rémunération des établissements et des professionnels de santé ». Cette note n’évoque que la question du paiement des professionnels de santé qui officient dans ces centres, et ne prend donc pas en compte tous les frais annexes. Sur ce sujet, la DGS explique, pour le cas où les collectivités territoriales sont directement gestionnaires du centre de vaccination : « C’est auprès de l’ARS qu’elles devront demander le financement par l’intermédiaire du fonds d’intervention régional par le biais d’un conventionnement et elles devront passer par un contrat de travail avec le professionnel de santé. » Le fonds d’investissement régional (FIR), précise ensuite la DGS, peut être mobilisé « via une convention avec les structures portant les centres de vaccination », afin de financer « les surcoûts pour des postes de dépenses identifiés ». La DGS estime, dans ce document, que ces surcoûts sont estimés à « 50 000 euros pour six mois pour un centre de taille moyenne ».
Réponses floues
Sauf que cette somme serait bien éloignée du coût réel supporté par certaines collectivités, a souligné, hier, la sénatrice LR des Hauts-de-Seine, Christine Lavarde, lors de la séance de questions au gouvernement. La sénatrice a donné des chiffres impressionnants : le coût réel du fonctionnement de certains centres de santé peut être 20 fois supérieur à l’estimation de la DGS ! « À Boulogne-Billancourt, 985 000 euros sur six mois, à Clichy, 714 000 euros, à Asnières, 457 000 euros », a listé la sénatrice. Elle a également critiqué le manque d’information des élus : « En Meurthe-et-Moselle, la ville de Saint-Max ne savait même pas qu'elle avait droit au soutien de l'ARS. »
Ajoutons que l’ouverture en urgence de nombreux centres de vaccination le week-end dernier et la volonté exprimée par le Premier ministre de voir les centres fonctionner désormais « sept jours sur sept » accentuent le problème : les coûts de fonctionnement sont mécaniquement plus élevés le week-end.
D’où une question simple posée par la sénatrice au ministre de la Santé, Olivier Véran : « Quels seront les modalités et les délais de remboursement ? »
On ne peut pas dire que les éléments donnés par le ministre aient été totalement rassurants. Après avoir rendu hommage à la mobilisation des élus – les déclarations ministérielles de janvier sur les maires qui ouvraient trop de centres ou trop de créneaux sont apparemment oubliées – le ministre a assuré que le principe du « quoi qu’il en coûte » vaut « aussi pour les centres de vaccination » et que le gouvernement « accompagnera les municipalités dans la durée ».
À quelle hauteur ? C’est là que le bât blesse. On a vu que la DGS prévoyait en moyenne 50 000 euros par centre sur six mois. Olivier Véran a confirmé que l’État avait alloué « 60 millions d’euros » aux ARS sur le fonds d’intervention général « pour le fonctionnement général des 1 300 centres de vaccination ». Cela correspond en effet, grosso modo, à 50 000 euros par centre (46 153 euros précisément) en moyenne. Des sommes sans doute suffisantes pour financer les plus petits centres de vaccination, mais très en dessous du coût réel des plus importants.
Olivier Véran a cependant assuré qu’il ne s’agit que d’une « amorce », et que « les fonds seront réabondés autant que nécessaire ». Mais quand ? Et combien ?
La sénatrice Christine Lavarde a enjoint le gouvernement à faire vite : « Faut-il rappeler que les communes ne peuvent présenter un budget déficitaire ? » Elle a espéré, tout du moins, que le gouvernement « ferait mieux que sur la question des masques » : un an après le début de la crise sanitaire, a-t-elle affirmé, « un quart des communes n’ont toujours pas été remboursées » … alors que les dernières demandes de remboursement ont été faites début novembre 2020.
Franck Lemarc
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