Campagne vaccinale : quel rôle pour les collectivités locales ?
Trois phases
Le Premier ministre Jean Castex et le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, ont longuement détaillé les modalités de cette campagne qui se fera en trois phases, comme l’a recommandé la Haute autorité de santé. La première, entre janvier et février/mars, concernera les publics les plus vulnérables : les résidents des Ehpad et les professionnels de santé travaillant dans ceux-ci et présentant une vulnérabilité particulière. L’objectif est clair : bloquer le virus dans les lieux où il risque le plus de se diffuser sous des formes graves voire mortelles. Cette première phase devrait toucher environ un million de personnes.
Deuxième étape à partir de février ou mars, qui devrait elle concerner quelque 14 millions de personnes : seront d’abord vaccinées les personnes de plus de 75 ans, puis celles de plus de 65 ans, puis les professionnels de santé et du secteur médico-social âgés de 50 ans et plus et/ou présentant des comorbidités.
Enfin, à partir du « printemps », devrait commencer la campagne grand public, « la vaccination de masse », selon les termes du ministre. Elle se fera là aussi en hiérarchisant les priorités : certains personnels « indispensables » seront vaccinés en premier (enseignants, forces de l’ordre, personnel de santé…).
Les ministres l’ont répété plusieurs fois, et les choses sont claires : la vaccination ne sera pas obligatoire et elle sera gratuite pour tous.
« Un défi logistique immense »
Olivier Véran a souligné que cette campagne représentait un « défi logistique immense », bien plus complexe que les campagnes de vaccination habituelles, comme celle de la grippe, même si dans un premier temps le nombre de personnes à vacciner ne sera guère supérieur à celui d’une vaccination hivernale classique.
Ce qui change en revanche, c’est que les conditions de conservation du vaccin ne permettent pas de constituer des stocks dans les pharmacies, les Ehpad ou les cabinets médicaux : le vaccin qui sera utilisé en priorité (celui de Pfizer-BioNTech) doit être conservé à - 80 ° C et, une fois décongelé, il ne peut être conservé que cinq jours. Il faudra donc assurer un approvisionnement continue, à flux tendu entre les « super-congélateurs » que l’État est en train d’acquérir et les quelque 10 000 Ehpad concernés.
Cette noria de transports de vaccin sera testée à blanc dans la deuxième quinzaine de décembre.
L’autre défi tient au fait que la vaccination elle-même, pour chaque personne, se déroulera en trois étapes : une préconsultation « en amont », puis une première vaccination, puis une seconde 21 jours plus tard. Certes, Olivier Véran a indiqué que la préconsultation pourrait « le cas échéant » se faire en téléconsultation, mais on ne peut s’empêcher de s’inquiéter sur la façon dont se dérouleront les choses dans les zones les plus tendues du pays en matière d’offre médicale. Jean Castex comme Olivier Véran ont insisté sur le fait que « le réseau des médecins de ville », du fait de sa proximité avec la population et de la « confiance » dont il jouit auprès d’elle, serait particulièrement mis à contribution.
Mais quid des déserts médicaux, tant dans les zones rurales que dans les banlieues des grandes villes ? On ignore aujourd’hui les mesures que compte prendre le gouvernement pour pallier une éventuelle saturation du réseau des médecins de ville notamment lors de la troisième phase.
Une autre question va se poser, dès la première phase : celle du recueil du consentement, notamment pour les personnes âgées dépendantes voire sous tutelle. Le Premier ministre a assuré hier que les familles seraient « étroitement associées », mais des détails sont attendus sur ce qui peut devenir un véritable problème éthique.
Quel rôle pour les collectivités ?
Les collectivités locales seront « associées » à ce dispositif, ont assuré les ministres. Leurs représentants seront notamment partie prenante du nouveau Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, « chargé d’appuyer le gouvernement dans les choix qu’il sera conduit à faire ». Cette future instance sera finalement présidée par un médecin épidémiologiste, le professeur Alain Fischer. Les collectivités locales seront donc « parties prenantes tant à l’élaboration de la stratégie vaccinale qu’aux modalités de son déploiement », a assuré Jean Castex. Olivier Véran, lui, a déclaré « apporter une attention toute particulière à la communication vers les collectivités territoriales ». Elles seront « associées à toutes les modalités pratiques et d’organisation de la campagne vaccinale ».
Dans un communiqué publié ce matin, les trois associations regroupées sous la bannière de Territoires unis (AMF, ADF et Régions de France) se montrent relativement circonspectes sur ces déclarations et disent attendre « des éléments concrets ». Naturellement, les collectivités « ne revendiquent pas la compétence sanitaire assumée par l’État ». Elles demandent en revanche à agir « aux côtés de l’État » et à être « réellement parties prenantes à la décision et pas simplement informées ». La première phase, « déterminante », « impose la co-construction de l’organisation du dispositif », en tenant compte de « l’implantation territoriale en ressources de santé, aujourd’hui très inégale ». « Les élus municipaux, départementaux et régionaux estiment capital le renforcement de la coordination entre le préfet, l’Agence régionale de santé et les collectivités territoriales », concluent les trois associations.
Une première réunion a eu lieu, mardi dernier, entre le cabinet d’Olivier Véran et les élus référents, dans chacune des trois associations, sur ce dossier. Il s’agit, pour l’AMF, de Frédéric Chéreau, maire de Douai ; pour Régions de France de Jean Rottner, président de la région Grand-Est ; et pour l’ARF, du président du département de la Saône-et-Loire, André Accary.
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Dernière information, liée cette fois au déconfinement : dans sa conférence de presse, Jean Castex a évoqué le couvre-feu qui prendra effet à partir du 15 décembre, en parlant de « 21 h à 6 h du matin ». Jusqu’à présent, il était évoqué une fin de couvre-feu non à 6 h mais à 7 h du matin. S’agit-il d’un lapsus ou le gouvernement a-t-il changé son fusil d’épaule, et pourquoi ? On le saura sans doute rapidement.
Franck Lemarc
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