Une proposition de loi modifiant le fonctionnement des conseils municipaux en discussion au Parlement
Par Franck Lemarc
Comment répondre à « l’essoufflement démocratique » , dont la démission de plusieurs milliers d'élus locaux depuis 2020 est le symptôme ? C’est pour tenter de répondre à ce défi que des députés du MoDem ont cosigné la proposition de loi élaborée par Frédéric Zgainski, député de la Gironde. Cette proposition de loi vise à la fois à faciliter et simplifier le fonctionnement des conseils municipaux, et à donner plus de pouvoir « à tous les élus, y compris ceux qui ne font pas partie de la majorité ». Le texte du MoDem est, expliquent ses auteurs, « un complément » aux travaux actuellement menés sur le statut de l’élu.
L'AMF, qui a été auditionnée sur ce texte, se montre en revanche « très réservée » sur ce texte, et a inspiré plusieurs amendements de suppression en vue de la discussion en séance publique.
Les principales mesures
En premier lieu, le texte vise à restaurer et pérenniser certaines règles qui avaient été mises en place pendant l’épidémie de covid-19 : permettre à chaque conseiller municipal d’être porteur de deux pouvoirs au lieu d’un seul, et abaisser le quorum à un tiers des effectifs pour les délibérations du conseil.
Afin de permettre aux conseillers municipaux de « mieux s’organiser » , il est également proposé d’augmenter le délai de convocation des conseils municipaux, en le faisant passer à 10 jours (au lieu de trois) pour les communes de moins de 3 500 habitants et 20 jours (au lieu de cinq) pour les autres. Le MoDem propose par ailleurs que les notes explicatives sur les affaires soumises à délibération soient adressées « au plus tard sept jours francs » avant la réunion du conseil municipal et non, comme c’est le cas aujourd’hui, en même temps que la convocation.
La deuxième partie du texte vise à renforcer les pouvoirs des conseillers municipaux y compris d’opposition.
L’article 4 du texte initial permettrait aux conseils municipaux de décider d’une « participation au financement des frais des membres du conseil municipal qui se rattachent directement à l’exercice de leur mandat » (frais de documentation, d’avocat, de notaires, d’huissiers de justice et d’expert-comptable). Cette mesure serait limitée aux communes de plus de 3 500 et moins de 100 000 habitants.
L’article 5 prévoit d’instituer de façon obligatoire, à la manière de ce qui existe à l’Assemblée nationale, une « commission relative aux finances de la commune » , obligatoirement présidée par un membre de l’opposition (sauf dans le cas où il n’existe pas de majorité municipale, et donc pas d’opposition). Inspiré là aussi du fonctionnement du Parlement, l’article 6 vise à nommer, dans les conseils municipaux des communes de plus de 3 500 habitants, un « questeur » , issu des rangs de l’opposition, dont le rôle serait de « veiller à la bonne application du règlement intérieur et à la résolution des problèmes matériels et de communication des conseillers n’appartenant pas à la majorité municipale » .
Modifications en commission
Ce texte a été examiné en commission des lois le 10 janvier. La commission l’a modifié, en ajoutant certaines dispositions nouvelles et en en supprimant d’autres.
Première modification importante : un nouvel article vise à renforcer la fréquence des réunions du conseil municipal, en passant le nombre minimal de séances annuelles de quatre à six. Par ailleurs, en commission, la proposition de porter le quorum au tiers des effectifs a finalement été supprimée, une majorité de membres de la commission estimant qu’une telle mesure risquait de « favoriser l’abstentéisme ».
Les propositions de modification des délais de convocation ont été amendées, les membres de la commission estimant qu’il convient de laisser « davantage de souplesse aux maires » . Dans le texte qui sera débattu en séance publique, les délais proposés sont de 5 jours pour les communes de moins de 3 500 habitants et 7 jours pour les autres. Les notes explicatives sur les délibérations devraient être adressées trois jours francs avant la réunion (contre cinq à ce jour).
La commission a ajouté plusieurs dispositions supplémentaires concernant les élus d’opposition. La première fixe à 4 mois le délai maximal sous lequel le maire met à disposition de ceux-ci un local et ce, conformément à la jurisprudence. Par ailleurs, le texte propose d’inscrire dans la loi la jurisprudence concernant les « espaces d’expression » des conseillers d’opposition : « Cet espace d’expression est réservé sur toute publication d’informations générales sur les réalisations et sur la gestion du conseil municipal, quel qu’en soit le support. Cet espace doit présenter un caractère suffisant et être équitablement réparti eu égard aux caractéristiques de la publication. »
La commission a en revanche supprimé la proposition de nommer obligatoirement un questeur, estimant qu’il s’agit d’une « sophistication inutile » et trop complexe. Elle a rappelé que les conseils municipaux sont d’ores et déjà libres de nommer un questeur s’ils le souhaitent, et a jugé « qu’il est préférable de laisser au maire la police de l’Assemblée délibérante ».
Concernant les commissions, et en particulier la proposition de nommer une « commission des finances » de la commune, l’article a été récrit, rendant le dispositif finalement plus ambitieux. Rappelons que le Code général des collectivités locales dispose aujourd’hui que les conseils municipaux « peuvent » former des commissions « chargées d’étudier les questions soumises au conseil » . Le texte qui sera débattu jeudi propose de rendre la création de ces commissions « obligatoires » dans les communes de 3 500 habitants et plus. Ce ne seraient donc pas uniquement les commissions dédiées aux finances qui deviendraient obligatoires.
Dernière disposition nouvelle proposée par la commission des lois : rendre obligatoire, dans les communes de plus de 10 000 habitants, « l’enregistrement et la diffusion par des moyens audiovisuels » des réunions du conseil municipal.
L'AMF « très réservée »
Beaucoup de dispositions de ce texte ne convainquent pas l'AMF. L'association s'interroge par exemple sur la pertinence d'augmenter la fréquence des conseils municipaux, alors que les maires sont tout à fait libres d'organiser plus de 4 réunions dans l'année, et en tenant compte du fait que la multiplication des séances a une incidence importante sur les revenus des élus salariés. Elle s'oppose également à la systématisation des deux pouvoirs, qui pourrait donner lieu à « des abus ». L'association n'est pas plus convaincue par les commissions obligatoires dans les communes de plus de 3 500 habitants, ce qui constituerait « une contrainte d'organisation » et une atteint à la libre administration. Elle est également opposée à rendre obligatoire l'enregistrement et la diffusion des séances dans les communes de plus de 10 000 habitants, ce qui créerait « une nouvelle dépense obligatoire pour une pratique déjà possible en droit ».
En revanche, l'AMF est favorable à l'allongement des délais de convocation au conseil municipal, qui répond selon elle à un objectif « louable » .
Il reste maintenant à savoir quel sort sera réservé à ce texte en séance publique, jeudi. Près de 200 amendements ont été déposés sur ce texte, qui devrait donc notablement évoluer. Maire info rendra naturellement compte des débats sur ce texte dans ses prochaines éditions.
Accéder au texte de la commission.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2