Un maire peut être élu par le conseil municipal sans avoir présenté sa candidature, rappelle le Conseil d'ÉtatÂ
Par Franck Lemarc
Est-il obligatoire de s’être présenté pour être élu maire par le conseil municipal ? Aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, la réponse est non, comme l’a établi définitivement le Conseil d’État dans une décision du 18 novembre.
L’affaire sur laquelle devait se prononcer le Conseil d’État s’est déroulée en décembre dernier dans la commune nouvelle de Rives-de-l’Yon, en Vendée, au moment de l’élection du maire délégué de la commune déléguée de Saint-Florent-des-Bois. Les deux premiers tours de vote mettent les deux candidats (appelons-les M. Claude et M. Denis), à égalité. Au troisième tour, M. Denis l’emporte d’une voix. Il est donc sensé être élu maire délégué… sauf qu’il n’a jamais manifesté le souhait d’être élu et ne s’est pas formellement présenté. En conséquence, le bureau de vote décide de déclarer nuls l’ensemble des bulletins de vote qui se sont portés sur son nom, et proclame la victoire de son concurrent, M. Claude, qui est déclaré élu maire délégué.
Quelques mois plus tard, le préfet de la Vendée demande au tribunal administratif de Nantes d’annuler cette décision. Le tribunal le suit, annule les opérations électorales et déclare M. Denis élu maire délégué.
En mai 2024, M. Claude dépose une requête devant le Conseil d’État pour faire annuler la décision du tribunal administratif.
Pas d’obligation de se présenter
Le Conseil d’État s’est donc prononcé sur le fond, à savoir répondre à la question : des suffrages qui se portent sur un membre du conseil municipal ne s’étant pas déclaré candidat doivent-ils être comptés comme nuls ?
Réponse claire du Conseil d’État : non. Les magistrats rappellent les conditions posées par le Code général des collectivités territoriales à l’article L2113-12-2 : l’élection du maire doit se dérouler au scrutin secret, à la majorité absolue au premier et deuxième tour et à la majorité relative au troisième tour. En cas d’égalité des suffrages, le plus âgé est déclaré élu. Et c’est tout. Autrement dit, aucune disposition législative ne précise qu’un conseiller municipal doit faire acte de candidature pour pouvoir être élu maire.
Il en découle, écrit le Conseil d’État, « que des suffrages peuvent à chacun des tours de l'élection valablement se porter sur tout membre d'un conseil municipal sans qu'ait d'incidence la circonstance que celui-ci n'a pas déclaré son souhait d'être élu ». Plus encore, les magistrats rappellent que rien n’empêche, dans les textes, de voter pour un conseiller municipal qui a « manifesté le souhait de ne pas être élu ».
Insistons sur le fait qu’il ne s’agit pas ici de débattre de l’opportunité de ces votes, mais seulement de savoir si les bulletins considérés sont valables ou non. Ils le sont bien, tranche le Conseil d’État, et le bureau de vote, en l’espèce, a commis une erreur de droit manifeste en décidant du contraire.
Les magistrats rappellent qu’un maire – ou un maire délégué – peut présenter à tout moment sa démission au préfet s’il ne souhaite plus exercer son mandat. Il peut même « refuser d’accepter les fonctions auxquelles il vient d’être élu » pendant la séance lors de laquelle il est procédé à l’élection. Mais il n’est pas possible d’annuler les bulletins de vote qui se sont portés sur son nom au motif qu’il n’a ne s’est pas porté candidat, ou même s’il a déclaré qu’il refusait de l’être.
Le Conseil d’État énumère d’ailleurs tous les motifs conduisant à déclarer des bulletins de vote non valables dans ce type d’élection : bulletins sans enveloppe, bulletins marqués ou signés, etc. Mais dans cette liste, une fois encore, ne figure pas le fait de donner sa voix à un candidat qui ne s’est pas présenté.
Pas de QPC
Les juges ont estimé enfin que cette question, contrairement à ce que souhaitait M. Claude, ne peut faire l’objet d’une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) : « En n'imposant pas la présentation de candidatures pour l'élection du maire au sein du conseil municipal, le législateur a (…) entendu donner la plus large latitude au vote des conseillers municipaux afin de faciliter la désignation des exécutifs communaux. » Ce choix ne méconnaît aucun des « droits et libertés garantis en matière électorale » par la Constitution, pas plus que le principe de libre administration des collectivités territoriales.
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