Conseil national du commerce : ne pas agir sans les collectivités locales
Par Franck Lemarc
Treize ans après le Conseil national de l’industrie, créé en 2010, voici celui du commerce. C’était une des préconisations issues des Assises du commerce, qui se sont tenues en janvier 2022 : « Créer un conseil interministériel permanent du commerce », afin de répondre à plusieurs grands défis qui se posent au secteur : résister à la concurrence du commerce en ligne, réussir la transition énergétique, continuer d’exister dans la ruralité…
Les élus « insuffisamment représentés »
Le commerce représente, rappelons-le, quelque 3,6 millions d’emplois en France et génère 1 450 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Il est, indiquait hier la ministre chargée du Commerce, Olivia Grégoire, « au cœur des territoires, (…) le pilier de notre vie en société. Dans les territoires, lorsque le dernier commerce ferme, c’est parfois la vie d’un village qui s’éteint ; dans les villes, la fermeture des enseignes alimente une dynamique de décroissance, de déclassement, de perte d’attractivité et de convivialité. »
Pour débattre de l’avenir de ce secteur, et « co-construire » les décisions futures, le Conseil national du commerce (CNC) se réunira chaque trimestre en séance plénière, afin de permettre « des échanges à haut niveau entre décideurs, pour obtenir les remontées du terrain, partager les informations et les enjeux, définir les lignes directrices d’une politique nationale du commerce, sujet par sujet ». De plus, 17 groupes de travail axés sur des thématiques spécifiques (décarbonation, déchets, baux commerciaux, ZFE, logistique, etc.) seront constitués.
Le CNC réunit des « acteurs publics nationaux » (ministres, directeurs des administrations centrales, ANCT, Ademe, Caisse des dépôts, BPI…), les fédérations professionnelles du commerce, des représentants de 33 grandes enseignes, et des représentants des associations d’élus : AMF, ADF, Régions de France, mais aussi France urbaine, l’APVF, l’AMRF et Intercommunalités de France.
André Laignel, maire d’Issoudun et premier vice-président délégué de l’AMF, qui représentait celle-ci lors de la réunion d’hier, estime que les collectivités n’occupent pas dans ce CNC « la place qui leur est due ». S’il se félicite de la création de cette nouvelle instance, il rappelle que dans le débat, « il n’y a pas deux parties – l’État et les commerçants – mais trois. Les collectivités locales ont un rôle essentiel à jouer, car il faut rappeler qu’il n’y a pas un commerce qui ne soit implanté dans une commune. Et que ce sont les maires qui créent un écosystème favorable à l’implantation du commerce ».
Il n’y avait pourtant que trois représentants des collectivités locales lors du lancement du CNC, « et tous n’ont pas pu parler », souligne André Laignel qui indique avoir dû « quelque peu insister » pour pouvoir s’exprimer.
« Injonctions contradictoires »
Dans son intervention, le maire d’Issoudun a rappelé que « 90 % des sujets qui préoccupent les commerçants sont du ressort des communes et intercommunalités et non de l’État : aménagement, environnement, gestion des déchets, rénovation des cœurs de ville, stationnement, transports… ». Ce qui aurait dû conduire, estime-t-il, à voir celles-ci « mieux représentées ».
André Laignel est également revenu dans son propos sur la question de la fiscalité et note qu’il a, étrangement, été le seul à aborder ce sujet majeur. Pourtant, au sortir des Assises du commerce, le gouvernement avait mis en première place de ses propositions pour un Plan France commerce 2022 « l’amplification de l’investissement via une baisse massive de la fiscalité ». On sait qu’un certain nombre de fédérations professionnelles –pas toutes – militent pour la suppression pure et simple de la Tascom (taxe sur les surfaces commerciales). L’AMF est naturellement totalement opposée à toute nouvelle suppression de fiscalité locale, après que les communes eurent déjà été privées de taxe d’habitation et de CVAE.
Mais André Laignel a également évoqué la question de la réforme des bases locatives des locaux commerciaux, dont le gouvernement a annoncé le décalage de deux ans. « Une fois de plus, nous sommes face à des injonctions totalement contradictoires, puisque d’un côté, on nous demande de développer les ‘’cœurs de ville’’, et de l’autre, on nous propose une réforme qui pénaliserait profondément les commerces de centres-villes par rapport aux commerces de périphérie ! ». En effet, la réforme envisagée part d’un calcul qui s’appuie « sur le prix du mètre carré de location, beaucoup plus cher en centre-ville qu’en périphérie », explique André Laignel. « Dans ma commune d’Issoudun, cela amènerait un transfert de charges de 40 % de plus pour les commerçants du centre-ville et 40 % de moins pour ceux de la périphérie… ». Le maire note au passage que l’AMF attend toujours le résultat des simulations opérées par les DDFiP dans tous les départements.
ZRR et commerce rural
D’autres grands sujets comme la ruralité et les ZRR n’ont pas figuré à l’ordre du jour de la réunion d’hier. L’AMF, quoi qu’il en soit, est décidée à porter dans les prochaines – et dans les groupes de travail – un certain nombre de « propositions fortes », comme celle de la création d’une « fiscalité commerciale locale équitable », avec une nouvelle taxe sur les livraisons issues du commerce électronique.
L’AMF entend aussi continuer à défendre le dispositif des ZRR, dont la nouvelle mouture devrait être présentée en mai par le gouvernement, et continuer de demander, dans le cadre du CNC, que les élus soient associés au choix des projets qui seront financés par le nouveau dispositif de « reconquête du commerce rural » (lire Maire info du 23 février).
Autant de sujets qui devraient être mis à l’ordre du jour des prochaines réunions de la nouvelle instance.
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