Conseil national de la refondation : l'opposition boycotte, l'AMF demande des « précisions »
Par Franck Lemarc
Instance permettant de « refonder la démocratie » ou « bidule macronien », comme l’a surnommée un parlementaire d’opposition ? Avant même son lancement officiel, le 8 septembre, le Conseil national de la refondation (CNR) fait débat et ne trouve pour l’instant pas de réel soutien en dehors des partis de la majorité présidentielle.
« Partager les diagnostics »
Le nom choisi par Emmanuel Macron est un clin d’œil évident au Conseil national de la Résistance de 1944-45, voulu par le général de Gaulle et initialement dirigé par Jean Moulin. Cette instance, regroupant tous les courants de la Résistance, les syndicats et une alliance de partis politiques allant du PCF à la droite conservatrice, a été fondatrice de la politique de l’État après-guerre. C’est elle qui a élaboré un programme de réformes ambitieuses comprenant notamment la création de la Sécurité sociale, le droit de vote des femmes ou la nationalisation de l’énergie.
Le nouveau CNR voulu par Emmanuel Macron se veut une instance de dialogue réunissant, elle aussi, le plus possible d’acteurs de la vie publique. Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, en a détaillé la composition au mois de juillet : « Le CNR va associer les responsables des partis politiques, les responsables des groupes parlementaires, des représentants d'associations d'élus des territoires, des représentants des corps intermédiaires, les syndicats ». Il ne s’agit évidemment pas « d’un substitut au Parlement, d’une structure qui va voter des textes, (mais) d’une structure qui va produire des données », a poursuivi Olivier Véran, afin de « partager les diagnostics à l'échelle de la Nation sur des grands enjeux ».
Ce qui, dès l’abord, interroge, puisqu’une telle structure, avec exactement les mêmes objectifs, existe déjà : il s’agit du Conseil économique, social et environnemental (Cese), dont les 175 membres représentent aussi bien le monde associatif que socio-professionnel. Le CNR sera-t-il un Cese-bis, comme le craignent certains ? Ou une répétition du Grand débat national post-Gilets jaunes, dont les résultats concrets n’apparaissent, pour le moins, pas très clairs ? Ces questions sont pour l’instant sans réponse.
L’opposition absente
De nombreux parlementaires craignent également une volonté du gouvernement de « contourner le Parlement ». C’est la raison pour laquelle la plupart des partis d’opposition entendent boycotter la nouvelle instance. Côté LR, la consigne est claire : « Il est hors de question de participer à tout cela, a déclaré le président du groupe, Olivier Marleix. Le président doit respecter le Parlement que les Français ont désigné. » Lui aussi LR, le président du Sénat, Gérard Larcher, a officiellement décliné l’invitation, dans un courrier adressé au chef de l’État : il y exprime les « réticences » de la plupart des présidents de groupe au Sénat et les « risques de confusion » que recèle le projet de CNR, « perçu comme une forme de contournement du Parlement ».
Même son de cloche à gauche : les Insoumis dénoncent « une expression du mépris du président pour le Parlement », « un simulacre », « une usine à gaz ». Le PS dénonce, lui, « un gadget » (Patrick Kanner). Boris Vallaud, président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, rappelle que « trois instances existent déjà pour débattre des idées : l’Assemblée nationale, le Sénat et le Cese ». Aucun des partis de la Nupes ne se rendra à la réunion du 8 septembre.
Le « oui mais » de l’AMF
Les associations d’élus sont elles aussi conviées à participer au CNR. David Lisnard, président de l’AMF, a adressé un courrier, hier soir, au président de la République, non pour annoncer le boycott de l’AMF mais pour demander des précisions sur le rôle de cette instance.
David Lisnard ne déborde pas d’enthousiasme sur le principe même du CNR : le maire de Cannes rappelle, lui aussi, le rôle du Parlement « élu au suffrage universel » et dénonce les prises de décision par un « gouvernement des experts (…) qui amplifie la crise civique et démocratique (…) et semble au cœur de la conception de l’outil proposé ». David Lisnard « s’interroge » donc sur « l’opportunité de la création du CNR ».
Il pointe également la trop grande limitation des sujets qui seront abordés au CNR (système de soins, formation, transition écologique et autonomie). « Les enjeux de sécurité, de finances, de pouvoir d’achat, de logement, de bureaucratisation, de services publics de proximité, de compétitivité du pays, et d’instruction publique, pour citer des préoccupations prioritaires, ont ainsi été exclus du périmètre », déplore le maire de Cannes.
Enfin, David Lisnard fustige « la méthode » choisie par le chef de l’État : une approche « très conformiste et verticale », insuffisamment « participative », sans « diagnostic conjoint ». Exemple parlant du problème souligné par le président de l’AMF : à une semaine de la réunion, son ordre du jour n’a même pas été communiqué aux participants.
L’AMF, soucieuse d’un « dialogue loyal avec l’exécutif », souhaite dès maintenant « connaître les modalités de fonctionnement du CNR, les suites réservées à ses travaux, et avoir l’assurance du caractère partagé des analyses de la situation comme des solutions à mettre en œuvre ».
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