Résolution finale du 104e congrès : l'AMF appelle à « un nouvel âge des relations entre État et collectivités »
Par Lucile Bonnin
C’est devant les congressistes et la Première ministre Élisabeth Borne, qu’André Laignel, premier vice-président délégué de l’AMF, a présenté la résolution finale du 104e congrès des maires, votée à l’unanimité quelques heures auparavant.
Si le « climat stérile de défiance » qui avait été dénoncé lors du congrès de l’année dernière a été apaisé (lire Maire info du 19 novembre), l’AMF considère que l’État doit cesser « de considérer [les] collectivités comme des sous-traitants et leurs budgets comme une variable d’ajustement. » Pour cela, « il faut redonner à la libre administration de nos collectivités les moyens nécessaires pour « pouvoir agir » au service de nos concitoyens », comme l’explique le maire d’Issoudun.
Pouvoir agir, et vite
Cette édition du congrès des maires est marquée par un contexte lourd, complexe et anxiogène pour les élus et leurs administrés.
« La première crise est la crise civique » , a déclaré David Lisnard, président de l’AMF, dans son discours de clôture du congrès. Cette dernière « se traduit par un taux d’abstention record » ou encore par « des expressions très violentes dans le débat public ou sur les réseaux » . Pour le président de l’AMF, « une des causes de cela résulte de l’impuissance publique. » Il est indispensable que les collectivités retrouvent « les moyens d’action, le pouvoir agir » pour « recréer un renouveau civique indispensable à la dynamique de notre pays. »
Deuxième sujet incontournable : l’inflation. Les élus ont tous alerté sur le fait que si leurs capacités « d’autonomie continuent d’être reniées », la crise sociale du pays serait amplifiée. Le président de l’association a rappelé que « le total des dépenses de toutes les collectivités territoriales représente 19 % du total de la dépense publique en France. » Il a précisé que c’était bien en dessous la moyenne européenne et rappelé que les collectivités représentent 70 % de l’investissement public. « Nous demandons que la dotation soit constante et qu’elle suive l’inflation » , a-t-il rappelé sur scène face à la Première ministre. Les collectivités ne demandent « pas 320 millions mais 800 millions sur l’hypothèse 2023 d’une inflation à 4,2 %. »
Le contexte et l’urgence de la situation nécessitent donc une réaction rapide. C’est pourquoi André Laignel, avant d’énoncer les propositions de l’association, insiste sur le fait que la voie d'un nouvel acte de décentralisation « peut-être empruntée dès demain, simplement en utilisant les textes existants grâce à une impulsion sincère et un véritable changement de pratiques de la part de l’État. »
« Nous ne sommes pas des tiers exécutants »
« Tutellisation de l’État », « absurdités bureaucratiques », « absence de concertation » … David Lisnard le martèle : « nous [les collectivités] ne sommes pas des tiers exécutants ». Ainsi, la première préconisation de cette nouvelle résolution générale est de « laisser aux communes et à leurs intercommunalités le soin d’écrire la norme locale. »
Concrètement, l’AMF propose de mettre en place « un pouvoir réglementaire d’application des lois pour les communes. L’état du droit le permet, il n’est quasiment jamais mis en œuvre. » Les préfets pourront ainsi être davantage dans le conseil et l’accompagnement que dans le contrôle et la vérification. Le fameux couple maire-préfet dont l’État a pour habitude de vanter les mérites pourra repartir sur de nouvelles bases avec la fin de la tutelle juridique et « du pouvoir exorbitant du déféré préfectoral.»
L’AMF propose aussi d’abandonner « la logique d’appels à projets et de la multiplication des contrats locaux » qui ne font qu’amplifier les fractures territoriales et dénonce les décalages entre les annonces et la réalité des aides apportées, « le CRTE en est la dernière illustration » , a indiqué André Laignel.
Il a été rappelé à travers cette résolution le rôle indispensable du maire dans la transition écologique. Ainsi, « ce serait une faute de faire sans eux, de faire comme trop souvent contre eux ». L’occasion de rappeler que « l’AMF a présenté un projet de relance du dispositif des Zones de redynamisation rurale (ZRR) qui était appelé à disparaître. »
Indexer la DGF et ne pas supprimer la CVAE
C’est un sujet qui indigne et inquiète les élus depuis la rentrée : l’absence d’indexation de la DGF. Même si le projet de loi de finances pour 2023 prévoit une hausse de la dotation, « au final, le prélèvement de l’État sera supérieur à ce qu’il était quand la DGF était gelée », comme l’explique David Lisnard (lire Maire info du 23 novembre).
Au sujet de la suppression de la CVAE, André Laignel a déclaré que si le gouvernement veut « alléger la fiscalité des entreprises, qu’il le fasse en supprimant la C3S, ce qui peut répondre à son objectif de renforcer la compétitivité, mais sans pénaliser les collectivités. » L’AMF propose plutôt une contribution territoriale universelle. Sur le sujet, David Lisnard s’est adressé directement à la Première ministre en indiquant que « pour qu’une suppression d’impôt soit acclamée, soutenue par les maires, plutôt que de supprimer nos impôts, [il faut supprimer] les impôts de l’Etat ».
La présence de la Première ministre à ce Congrès a été l’occasion pour l’AMF de rappeler qu’encadrer les dépenses de fonctionnement des collectivités n’était "pas acceptable." Les collectivités ont l’obligation légale de voter leurs budgets à l’équilibre et c'est en partant de ce principe que l’AMF estime qu’il « est stérile et manichéen d’opposer l’investissement et le fonctionnement. Il faut redire que la dépense publique est nécessaire, y compris la dépense de fonctionnement. » David Lisnard a, une fois encore, fustigé « une forme de paternalisme d’État que nous ne supportons plus ». L’association plaide également en faveur de l’adoption « d’une loi pluriannuelle de programmation des finances locales. »
La commune : cellule de base de la démocratie
Bien plus qu’une demande de reconnaissance symbolique, l’AMF demande à l’État de consacrer juridiquement la commune comme « cellule de base de la démocratie ».
L’AMF propose donc « la constitutionnalisation de la clause de compétence générale de la commune et le rappel de l’action du maire au nom de l’État. » Les collectivités devraient également pourvoir saisir le Conseil constitutionnel sur des textes qui les concernent. L’association d’élus estime également que le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) et le Comité des finances locales (CFL) devraient devenir des autorités administratives indépendantes.
Dernier thème de cette résolution : la nécessaire amélioration de l’efficacité de l’action publique dans les domaines partagés avec l’État. Ce dernier, comme l’explique André Laignel, « doit cesser les transferts de compétence rampants et qui ne disent pas leur nom : hier les digues et les ponts, aujourd’hui le traitement de l’érosion du littoral et la sécurité publique. »
L’AMF attend notamment de l’État qu’il fixe sa stratégie en matière de politique du logement mais qu’il laisse les collectivités la « décliner de manière opérationnelle ». Même logique pour la problématique de l’accès aux soins : les communes ont développé « des solutions pragmatiques et efficaces, en lien avec les professionnels de santé, dont l’État doit s’inspirer et qu’il doit mieux accompagner. »
Les élus sont « convaincus que l’action de proximité peut diffuser des solutions » et l’AMF a réaffirmé via ce Congrès sa « détermination de faire de [ses] idées des réalités tangibles. »
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