Nouvelle-Calédonie : l'AMF et les maires calédoniens demandent des moyens d'urgence
Par Xavier Brivet
[Article initialement publié sur le site Maires de France]
« La crise économique et sociale nécessite la création d’un dispositif spécifique de solidarité pour soutenir les communes de Nouvelle-Calédonie » , a estimé David Lisnard, président de l’AMF, le 18 novembre, à l’occasion d’un point presse qui s’est tenu dans le cadre de la Rencontre des Outre-mer, à Issy-les-Moulineaux (92), à la veille du 106 congrès des maires, en présence d’André Laignel, 1er vice-président délégué de l’AMF, de Pascal Vittori, maire de Boulouparis et président de l’Association française des maires de Nouvelle-Calédonie (AFM-NC, non-indépendantistes), et de Wilfrid Weiss, maire de Koumac et vice-président de l’Association des maires de Nouvelle-Calédonie (AMNC, indépendantistes).
Le président de l’AMF a réclamé « la mise en place d’un mécanisme exceptionnel de prélèvement sur recettes de l’État pour compenser les pertes de recettes des communes liées aux émeutes qui ont démarré le 13 mai dernier dans l’archipel. Les communes sont en première ligne et ne doivent pas être oubliées » , a insisté le maire de Cannes (06).
André Laignel a aussi estimé que « le budget 2025 ne suffira pas pour engager la reconstruction, il faut un plan et des crédits spécifiques car si rien n’est fait, il y aura un nouveau vent de révolte » .
Un bilan catastrophique
Pascal Vittori a rappelé le bilan catastrophique des émeutes : « deux milliards d’euros de dégâts, 742 entreprises dégradées et pillées, 29 000 calédoniens au chômage et une contraction du PIB estimée entre 20 et 30 % » depuis le début de l‘insurrection. Dans ce contexte, le président de l’AFM-NC se demande «comment les communes vont pouvoir bâtir un budget pour l’an prochain ».
Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie « n’a en effet pas été en mesure de verser la fiscalité additionnelle aux communes dont le budget de fonctionnement pour 2024 est amputé en moyenne de 25 %. Et la situation sera pire l’an prochain » . Les communes sont, de plus, déjà confrontées à de nombreux impayés de factures car « les administrés n’ont plus d’argent et certains rencontrent aujourd’hui des difficultés pour s’alimenter, a-t-il témoigné. Les communes n’ont plus les moyens d’aider leurs administrés et seul l’Etat peut nous soutenir ».
Les deux associations de maires ont écrit en ce sens au gouvernement en lui demandant « une aide exceptionnelle en fonctionnement et une loi de programmation financière sur trois ans », a précisé le maire de Boulouparis.
Pour l’heure, l’État s’est engagé à financer à 100 % la reconstruction des écoles mais à seulement 70 % celle des bâtiments publics pour un budget estimé à 80 millions d’euros alors que les élus évaluent les besoins de financement à environ 200 millions d’euros (reconstruction, perte de dotation globale de fonctionnement -DGF- et de fiscalité additionnelle).
Le gouvernement s’est aussi engagé à rehausser de plus de 50 % le montant de sa garantie aux prêts consentis par l’Agence française du développement (AFD). Le recensement de la population, prévu en 2024, est décalé à la fin de l’année 2025 afin, espère l’Etat, de stabiliser les dotations de communes.
Une réponse de l’État jugée insuffisante
Des annonces qui laissent les élus sceptiques. « C’est insuffisant car nous devons gérer l’urgence, s’est alarmé Wilfrid Weiss, maire de Koumac et vice-président de l’AMNC. Les maires ne sont plus en mesure d’assurer les transports scolaires, la cantine. Nous sommes confrontés à une forte pénurie de médecins, de sages-femmes. L’école d’infirmière a brulé… on ne peut pas reconstruire sur du sable, il faut tout remettre à plat ».
Florence Rolland, maire de La Foa et vice-présidente de l'association des communes et collectivités d'outre-mer (ACCDOM), a déploré « beaucoup d’annonce de l’État et rien de concret à ce stade » . « Actuellement, a-t-elle souligné, la fonction de maire ne fait plus sens, nous ne pouvons plus garantir les services publics de base car nous devons les diminuer pour des raisons d’économie. Et l’État nous dit que nous devrons organiser, d’ici fin 2025, des élections provinciales… mais en aurons-nous seulement les moyens ? » [une proposition de loi organique, en cours d’adoption, décale la date des élections provinciales au plus tard au 30 novembre 2025, lire Maire info du 7/11].
Dans l’immédiat, les élus attendent des réponses concrètes et observeront avec intérêt l’issue des consultations entre l’État et la délégation du gouvernement de l’archipel, présidé par Louis Mapou (indépendantiste), qui est venue présenter à Paris, les 15 et 18 novembre, devant l’exécutif, un plan de sauvegarde, de refondation et de reconstruction (PS2R).
Ce plan a reçu le soutien des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat qui se sont rendus en Nouvelle-Calédonie, du 10 au 13 novembre. Ils se sont engagés à soutenir les mesures proposées, parmi lesquelles la reconduction, jusqu’à la mi-2025, du dispositif de chômage partiel financé par l’État.
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