Tourisme post-covid : s'adapter, se réinventer et miser sur la proximité
Par Caroline Reinhart
Faire de la France « le leader d’un tourisme durable sur le plan social et environnemental » : Emmanuel Macron n’a pas mâché ses mots devant les professionnels du secteur réunis début novembre, pour annoncer un plan de « reconquête et de réinvention du modèle », détaillé en fin de semaine par le Premier ministre. Le forum organisé au Congrès des maires le 17 novembre s’est ainsi fait l’écho d’une actualité brûlante.
Avec ses 2 millions d’emplois non délocalisables, le tourisme représente 8 % du PIB français – soit « autant que l’industrie automobile », a précisé d’emblée Pierre-Alain Roiron, maire de Langeais (Indre-et-Loire), co-président de la commission développement économique, tourisme et commerce de l'AMF. Un poids économique crucial que la crise du Covid a révélé, de même qu’elle a mis en lumière la capacité des professionnels du secteur à se réinventer. Critiques du sur-tourisme, aspirations à un tourisme durable, de proximité, de savoir-faire : les mutations à engager sont devenues urgentes pour la survie du secteur.
Tourisme durable
Le tourisme national peut-il remplacer le tourisme international ? C’est l’un des enjeux essentiels pour les acteurs publics et privés du secteur, « les touristes étrangers n’ayant pas le même pouvoir d’achat que les nationaux », a relevé Pierre-Alain Roiron. Sauf que le secteur est responsable de 11 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde : le tourisme durable, de proximité, centré sur le patrimoine exceptionnel du pays n’est plus une option. En ce sens, « les dynamiques territoriales doivent évoluer », estime Florent Guitard, chargés de projets à la Mission des offices de tourisme Nouvelle-Aquitaine (Mona). À ce titre, Laurent Peyrondet, maire de Lacanau (Gironde) souhaite qu’un bilan soit fait de la loi Notre, qui a permis aux collectivités d’intervenir dans ce champ de façon mutualisée. Sur son territoire, il a fallu mutualiser les offices du tourisme sur 14 communes. Un succès, non sans mal. Parfois, la querelle de clocher se joue sur le territoire inclus dans le schéma de développement touristique, mais aussi le nom ou la « marque » de l’office du tourisme, a témoigné Jean-Pierre Rougeaux, le maire de Valloire (Haute-Savoie) présent dans la salle, qui s’est fixé sur le schéma et la dénomination « Savoie Mont-Blanc » à partir d’un sourcing de terrain.
Les quatre saisons
Premières impactées par la crise et le dérèglement climatique, les stations de ski sont aussi les premières à devoir se réinventer. Intervenant des débats, le maire de Touillon-et-Loutelet (Doubs), Sébastien Populaire, a rappelé l’urgence de sortir de la saisonnalité été/hiver. « À partir de 2035-2040, il n’y aura plus assez de neige pour conserver un modèle économique centré sur le ski alpin ». Le maire a déjà engagé la mutation dans station de moyenne montagne, en essayant de « lisser les flux de touristes sur les quatre saisons », et en misant sur la communication avec les professionnels.
Étaler les flux sur quatre saisons, c’est aussi ce que les communes très touristiques ont intérêt à promouvoir. Pierre Gonzalvez, maire de L’Isle-sur-la-Sorgue (Vaucluse), a évoqué les effets des vagues de confinement et de déconfinement sur sa commune, un afflux de touristes ayant déferlé sur des pôles déjà particulièrement fréquentés. « Quand le tourisme n’est pas maîtrisé, les collectivités peuvent se retrouver en difficulté, et le secteur peut être déséquilibré ». C’est aussi ce qu’a constaté Maider Arosteguy, maire de Biarritz (Pyrénées-Atlantiques), pour qui 2021 a été « l’année du siècle ». Avec des effets délétères sur les habitants, en termes de nuisances et d’incivilités, mais aussi sur l’environnement, avec l’augmentation des voitures et des déchets des touristes. La maire plaide en ce sens pour la mise en place d’une charte du visiteur pour le tourisme durable. Autre conséquence de l’attraction touristique déplorée par Maider Arosteguy : les prix de l’immobilier flambent, les habitants ne peuvent plus se loger, tandis que des complexes touristiques continuent de sortir de terre.
Le bonheur est dans le près
Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d‘État chargé du tourisme, a clos les débats en insistant sur la valeur de référence du tourisme en France, et sur son avenir résolument optimiste. « Des destinations qui n’en sont pas sur la carte touristique vont sortir de terre », a t-il promis, l’objectif étant de miser sur un tourisme centré sur les atouts intrinsèques du pays (culturels, patrimoniaux, naturels, etc.), pour que les visiteurs restent plus longtemps et dépensent plus sur le territoire. L’État a répondu présent lors de la crise, a t-il rappelé, en soutenant les professionnels du secteur et en investissant via le plan de relance. Le secrétaire d’État a dévoilé quelques pistes du « plan de reconquête et de réinvention du modèle touristique », qui s’étalera sur 5 ans, et qui doit être détaillé par Jean Castex demain. Au menu : un « sujet formation », qui sera dédié aux métiers en tension (les saisonniers, essentiellement), un « sujet digital », avec la mise à disposition d’un outil développé par la Banque des territoires, « Alentours », pour « mieux valoriser l’offre existante », mais un « sujet vélo », etc. Les événements sportifs en 2023 et les Jeux olympiques de 2024 devraient « remettre la France sur la carte des destinations mondiales », s’est-il enthousiasmé. Avec une empreinte carbone certaine.
Maire info reviendra, dans son édition de demain, sur les mesures annoncées par le Premier ministre ce week-end en matière de développement touristique.
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