Emmanuel Macron : pas de réelle réponse aux interrogations des maires
Le président de la République est longuement intervenu hier lors de la séance solennelle d’ouverture du congrès de l’AMF sans faire, au final, la moindre annonce. Il a, à sa manière, parfaitement illustré la formule utilisée dans son discours par André Laignel, premier vice-président délégué de l’association : « Le ton a changé, mais pas le fond ».
Le ton était, en effet, chaleureux et amical vis-à-vis des maires, bien loin de la désastreuse campagne « Balance ton maire », rappelée « pour la dernière fois » par François Baroin hier lors de son discours d’ouverture. « J’ai tant appris de vous », a lancé le président de la République aux milliers de maires rassemblés dans le Grand auditorium. Multipliant les remerciements et les hommages aux maires (« J’ai besoin de vous », « Votre rôle est déterminant », « Je veux agir et faire avec vous » ), Emmanuel Macron s’est même présenté comme « le maire de la commune France ». Il a insisté sur la complémentarité de l’action de l’État et des collectivités (« État et communes sont les bras armés d’une République qui protège » ). « Unir et rassembler », a-t-il répété plusieurs fois dans son discours, doit être le « viatique commun » des maires et du gouvernement.
Investissements et « simplification »
Mais la plus grande partie du discours du chef de l’État a consisté à justifier son action. Action cœur de ville, haut débit, Agenda rural, quartiers de reconquête républicaine, loi sur l’école, loi sur la santé, projet de loi Engagement et proximité… « jamais on n’a vu en si peu de temps de tels investissements et de tels changements », a affirmé Emmanuel Macron. Évoquant avec émotion la mort du maire de Signes, Jean-Mathieu Michel, le président de la République a souhaité que les maires soient mieux protégés : « La République ne peut pas vous demander tant sans assurer votre sécurité ». Il a gagé que le projet de loi Engagement et proximité pourrait être le vecteur de ces protections nouvelles.
Toujours au chapitre du bilan de son action, Emmanuel Macron a rappelé la volonté de son gouvernement de « simplifier » – « et simplifier, c’est complexe ! » – en matières de normes notamment. « 40 décrets ont été pris en deux ans. Avant, c’était 100 par an. 65 % des circulaires existantes ont été abrogées. »
« Calamiteuse réforme »
Reste que le chef de l’État n’a pas apporté de réponses susceptibles de convaincre les maires sur les critiques lancées par André Laignel et François Baroin dans leurs discours. « Nous attendons toujours des réponses sur la liberté et les moyens de la liberté », avait lancé André Laignel. Demandant quand est-ce que le président allait « siffler la fin de l’interminable feuilleton de l’eau et de l’assainissement », évoquant le « garrot financier qui continue de se resserrer », le maire d’Issoudun a surtout fustigé la « calamiteuse réforme de la taxe d’habitation », sous les applaudissements nourris de la salle, qualifiant la compensation à l’euro près de « fable que seule l’approche de Noël peut expliquer ». Sur ce même sujet, François Baroin a déclaré au chef de l’État que celui-ci avait « supprimé un impôt qui ne (lui) appartenait pas ». Rappelant que les baisses de dotations – aujourd’hui gelées – ont signifié « 16 milliards d’investissements publics en moins » pour le bloc communal, le maire de Troyes a déclaré, déclenchant les applaudissements de l’auditoire : « Nous ne demandons pas l’aumône : les dotations, ce ne sont pas des subventions, c’est l’argent que l’État doit aux collectivités pour financer les compétences qu’il leur a transférées ».
« Fétichisme de l’autonomie fiscale »
François Baroin a également évoqué les questions de décentralisation et d’autonomie fiscale et financière des collectivités – et c’est sur ce sujet que le président a apporté les réponses les plus nouvelles… et les plus surprenantes. « Comment, en retirant le foncier aux départements qui perdent leur autonomie fiscale, on peut imaginer garantir la libre administration des collectivités et offrir des garanties quand les lois de finances créeront nécessairement une instabilité sur ces financements ? », a demandé le président de l’AMF.
À cette question au moins, Emmanuel Macron a répondu, mais sans doute pas dans le sens qu’attendaient les élus. On retiendra de sa réponse une expression, encore jamais entendue publiquement : sa méfiance vis-à-vis du « fétichisme français de l’autonomie fiscale ».
Dressant un « bilan de la décentralisation », le chef de l’État a déclaré : « Trop souvent l’État a essayé de garder une partie de la compétence et n’a pas fait toutes les économies. On a parfois décentralisé des compétences sans donner les moyens, comme avec le RSA. Ce n’est pas de la bonne décentralisation, car c’est une compétence sur laquelle la collectivité en charge n’a pas de moyens d’action. » La « conviction » du président est donc claire : « Quand on décentralise une compétence il faut décentraliser les moyens et la dynamique des moyens. Sinon on fait de la bricole en permanence. » Et d’ajouter : « Les grands pays autour de nous sont beaucoup plus décentralisés que nous, mais ils n’ont pas d’autonomie fiscale. Ils ont une chambre qui chaque année discute des ressources affectées aux collectivités. Peut-être faudra-t-il en arriver là. Dans ce cas c’est un changement constitutionnel vers lequel il faut peut-être aller. J’y suis ouvert, et à titre personnel, favorable. »
Le chef de l’État évoque là rien moins que la transformation de la France en État fédéral. Il sera intéressant d’entendre ce que le président du Sénat, Gérard Larcher, qui intervient ce matin devant les congressistes, lui répondra.
Franck Lemarc
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