Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 21 novembre 2025
Congrès de l'AMF

L'AMF fait de la liberté des communes la condition de la démocratie et de la décentralisation

Comme le veut la tradition, les responsables de l'AMF ont pris la parole, hier, en clôture du 107e congrès des maires, avant le discours du Premier ministre. David Lisnard et André Laignel ont répété leur volonté que les communes retrouvent leur « liberté d'agir ».

Par Franck Lemarc et Xavier Brivet

C’est devant une salle comble qu’André Laignel, après avoir eu une « pensée »  pour les maires qui vont raccrocher l’écharpe en mars prochain, a lu la résolution générale du congrès, adoptée « à l’unanimité du Bureau »  de l’AMF.  Avec un maître-mot : « Liberté pour les communes »  quand « l’État s’emploie avec constance à réduire les libertés locales, à transformer les collectivités en rouages dociles d’un pouvoir central méfiant envers toute autonomie ».

Les maires dénoncent une « entreprise de recentralisation »  menée par l’État à travers « la confiscation, la dépendance financière organisée et le transfert insidieux de charges »  aux collectivités « sans les moyens correspondants ».

« Pour une action publique renouvelée » 

La succession des crises (sanitaire, économique, sociale, écologique, climatique…) a montré la robustesse des communes qui « ont été là quand tout vacillait », rappellent les élus. Dans le même temps, « l’État semble de plus en plus condamné à l’impuissance » . Les maires de France appellent donc de leurs vœux « une action publique renouvelée » . « Nous sommes aujourd’hui les dépositaires de la confiance [des citoyens], devenons demain les partenaires de l’excellence »  aux côtés de l’État, exhorte la résolution générale. 

Les élus posent cependant leurs conditions. Première condition : l’État doit cesser de fragiliser les budgets locaux et préserver leur autonomie financière. À court terme et en plein débat sur le projet de loi de finances pour 2026, l’AMF demande au gouvernement de supprimer les prélèvements prévus sur les collectivités qu’elle estime à « près de 8 milliards d’euros »  (Dilico, réduction des compensations d’impôts locaux supprimés, modification du FCTVA), d’annuler l’augmentation des cotisations des employeurs publics à la CNRACL, de revenir sur la baisse de crédits dédiés aux territoires et de dégeler la DGF en l’indexant sur l’inflation. 

Décentralisation : non à un « simple ajustement administratif » 

Deuxième condition posée par les maires pour renouveler l’action publique : rendre aux élus la liberté d’agir. « Cet horizon a une méthode : la décentralisation » , estiment-ils. Cependant, le nouvel acte promis en la matière par le Premier ministre, Sébastien Lecornu, « ne saurait se réduire à un simple ajustement administratif ou à une redistribution comptable des compétences » , préviennent les élus.

La résolution générale énonce quelques principes qui sont autant de préalables sur la base desquels l’AMF souhaite engager « un véritable changement de cap »  : la subsidiarité et « l’inscription de la clause de compétence générale des communes dans la Constitution » ; le respect de la libre administration des collectivités « en fixant dans le marbre ce que la Constitution ne fait qu’effleurer : le droit pour chaque collectivité de décider, d’innover, de s’organiser, sans tutelle ni ingérence »  ; l’autonomie financière et fiscale en remplaçant « de la fiscalité nationale par une contribution territoriale universelle afin de retisser ainsi le lien fiscal avec le citoyen ». 

Le nouvel acte de décentralisation doit aussi se traduire par la création d’un « pouvoir règlementaire local »  dévolu aux maires et aux présidents d’intercommunalité qui seraient libres « d’appliquer localement la loi ». 

L’AMF lanceuse d’alerte

Le président de l’AMF, David Lisnard, a ensuite prononcé son discours de clôture, saluant un congrès dont la fréquentation a été « record », tout comme le nombre de tables rondes et de débats.

Le maire de Cannes a rappelé tous les combats menés – et souvent gagnés – par l’AMF ces dernières années et le rôle de « lanceuse d’alerte »  joué par celle-ci : sur les secrétaires de mairie, le ZAN, les assurances des collectivités, le narcotrafic, la crise du logement, « l’AMF a été la première à alerter » , puis à travailler avec le gouvernement pour chercher des pistes pour avancer. C’est le combat de l’AMF, « un combat à hauteur de sol », qui a abouti à de véritables avancées comme la proposition de loi sur le statut de l’élu, actuellement en fin d’examen au Parlement.

« Bercycratie » 

David Lisnard a longuement développé l’idée que les maires sont avant tout des « faiseurs » , qui agissent au quotidien, font des choix parfois difficile – « nous disons ‘’non’’ tous les jours »  –, et, lors des crises, sont « les praticiens du quotidien et les urgentistes de la République ». 

Mais leur action est doublement entravée, par l’étranglement financier et par l’explosion des normes. C’est surtout sur ce dernier point qu’a insisté David Lisnard, dénonçant « la politique qui s’incline devant la haute administration de l’État » , alors que celle-ci ne devrait « pas être là pour décider mais pour exécuter ».  Le maire de Cannes a dénoncé « la bureaucratie, la technocratie, la ‘’schématocratie’’, la ‘’Bercycratie’’ ». Il a listé les « machins »  auxquels sont confrontés tous les maires qui ont un projet, « Dreal, DDT, ARS, MRAe… » : « Aucun ne peut autoriser seul un projet, mais chacun peut l’interdire », a lancé David Lisnard sous des applaudissements nourris démontrant que c’est bien l’une des situations qui exaspèrent le plus les maires. 

Il a dénoncé l’impossible « en même temps »  auquel sont confrontés les élus : « Nous ne pouvons pas ‘’en même temps’’ ne pas toucher au foncier en raison du ZAN et construire des logements sociaux, ‘’en même temps’’ baisser nos dépenses salariales et payer 1,4 milliard d’euros de cotisations CNRACL de plus ! ». 

« Liberté ! » 

Devant le Premier ministre, qui a l’intention de déposer bientôt un projet de loi de décentralisation, David Lisnard a dit les raisons de « l’enthousiasme contenu »  des maires face à ce projet : toutes les annonces de « vraie décentralisation »  faites ces dernières années se sont traduites par une recentralisation administrative et budgétaire. Sans faire de « procès d’intention », David Lisnard a énuméré les écueils – « la réalité budgétaire, la réalité politique, la réalité électorale » . Il a répété que la décentralisation « n’existe pas en pièces détachées, (qu’elle) n’est pas un mécano de compétences » , mais « un souffle de liberté », rappelant les principes de libre administration, de subsidiarité et d’autonomie évoqués dans la résolution générale du congrès. 

Le président de l’AMF s’est défendu de tout corporatisme qui jouerait « les collectivités contre l’État » : « Nous faisons partie de l’État, nous voulons qu’il se redresse » , mais « l’État ne va pas mieux quand les communes vont plus mal, (…) et ce n’est pas en saignant les bien portants qu’on soigne les malades ». 

Il a conclu son discours par un appel renouvelé à la « liberté » : « Liberté de définir comment s’appliquent les lois. Liberté pour les communes de mettre en œuvre leurs projets sans demander des autorisations aux multiples agences et directions régionales ; liberté de construire ; liberté (face à) toutes les normes dont le bénéfice n’est pas clair mais le coût, oui ! » . Et il a exigé « les moyens de cette liberté », avec la fin « des ponctions, des captations de fiscalité, des transferts de charge, des hausses de cotisations ». « La confiance envers les élus coûte moins cher que la défiance », a lancé le maire de Cannes avant de conclure en citant Boualem Sansal, récemment libéré : « Les lendemains ne chantent jamais que pour les hommes libres. » 

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