Concilier ZAN et mal-logement : les solutions de la Fondation Abbé-Pierre à destination des collectivités
Par A.W.
« Comment créer 400 000 nouveaux logements chaque année pendant 10 ans alors qu’il ne reste qu’environ 100 000 hectares disponibles pour répondre à l’ensemble des besoins de construction du pays d’ici à 2031 ? » C’est la question difficile à laquelle ont tenté de répondre la fondation Abbé-Pierre et la Fondation pour la Nature et l'Homme, dans un rapport publié hier et dans lequel elles assurent « démontrer » que l’objectif Zéro artificialisation nette (ZAN) offre « l’opportunité de lutter contre l’artificialisation et le mal-logement ». En même temps.
Menée auprès de réseaux d’élus locaux, d’urbanistes, de chercheurs, mais aussi de 16 communes et intercommunalités engagées dans des « démarches pilotes » de mise en œuvre du ZAN, cette étude présente 40 recommandations qui permettraient de répondre à la crise du logement tout en limitant l’empiétement de la ville sur les espaces naturels.
Logements vacants : rendre progressive la fiscalité
Mais pour y parvenir, les deux fondations estiment qu’il faut changer notre « modèle d’aménagement des territoires, aujourd’hui basé sur l’extension urbaine et l’artificialisation des sols » et qui est « source de problèmes écologiques et sociaux […] sans pour autant répondre au mal-logement qui s’aggrave de façon alarmante ».
Sans compter que l’extension des espaces urbains coûte particulièrement « cher aux collectivités territoriales », rappellent les auteurs du rapport, en pointant l’entretien onéreux des voiries et des réseaux (électricité, eau, assainissement, etc.). En outre, « le développement de quartiers étalés et peu denses rend très difficile voire impossible le développement de services de transports en commun, faute d’un nombre d’usagers suffisants pour les rentabiliser ».
Ils soulignent ainsi « l’importance de soutenir plus fortement » les acteurs du logement social et insistent sur « la nécessité de renforcer les outils de maîtrise des prix du foncier et des loyers, ainsi que les moyens des collectivités les plus démunies en matière d’ingénierie territoriale ».
L’une des voies à suivre serait, d’abord, de « créer des logements sans construire » en s’attaquant, par exemple, aux 3,1 millions de logements vacants (8,2 % du parc de logements) et aux plus de 3,5 millions de résidences secondaires (près de 10 % du parc) qui n’ont cessé de progresser ces dernières années.
Pour cela, ils proposent de « fusionner » la taxe sur les logements vacants (TLV) et la taxe d'habitation sur les logements vacants (THLV) pour en faire « une taxe obligatoire dans toutes les communes » qui serait « progressive » en fonction du nombre de biens vacants détenus par un même propriétaire. Même chose pour la taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS) tandis que le régime fiscal des meublés de tourisme devrait, lui, être aligné sur celui des locations nues.
Dans les zones tendues, les deux fondations recommandent également de fixer un taux maximal de résidences secondaires, « variable en fonction des caractéristiques des territoires » et créer « une servitude de résidence principale » dans les PLU(i), sur le modèle de la servitude de logement social.
« Sous-occupation » des seniors : une solution « prometteuse »
Plus rarement évoquée jusqu'à présent, la sous-occupation présenterait « un potentiel plus important encore que la réduction de la vacance et du nombre de résidences secondaires » puisqu’elle concernerait pas moins de 8,5 millions de logements. Pour l’essentiel le fait des personnes âgées. Ce sont, en effet, 84 % des 65 à 74 ans et 85 % des 75 ans et plus qui sont en situation de sous-occupation de leur logement.
Les fondations demandent ainsi de réfléchir au parcours résidentiel des seniors qui est « l’une des clés de la transition écologique et sociale », afin de proposer à ces derniers de passer de maisons de famille où ils sont souvent seuls à des solutions de type « béguinage ou habitats partagés, participatifs ou intergénérationnels portés par un groupe de résidents et un acteur de l’économie sociale et solidaire ».
A ce titre, la mise en place d’un programme d’expérimentation dédié permettrait d’aider les collectivités à « aller au bout de la réalisation de projets pilotes pour proposer une offre de logements qui soit séduisante, convaincante et abordable pour des séniors légitimement attachés à leurs biens ».
Renforcer l’offre de logement social
Les deux fondations préconisent également de « construire en artificialisant moins ». Des solutions visent à proposer « des logements pas ou peu consommateurs d’espaces naturels, agricoles ou forestiers (Enaf) en mobilisant les interstices de quartiers peu denses », en s'appuyant sur « le renouvellement urbain et le recyclage des friches tout en améliorant l’accès aux espaces verts et aux trames écologiques » ou encore en « renforçant l’offre de logement social, peu consommateurs d’espaces ».
Car, contrairement aux idées reçues, le logement social est « un véritable levier de sobriété foncière ». D’abord parce qu’il est « faiblement consommateur d’espaces », à la différence de l’habitat individuel. « Entre 2006 et 2014, l’habitat collectif était responsable de 3 % de la consommation d’Enaf, contre 47 % pour l’habitat individuel », rappelle ainsi le rapport qui indique que 84 % des logements sociaux sont de l’habitat collectif. De plus, le logement social est majoritairement construit sur des sols artificialisés, il ne se transforme pas en résidences secondaires et la vacance et la sous-occupation y sont plus faibles.
Les deux fondations suggèrent donc de « réserver des hectares » pour la production de logements sociaux dans le cadre de la répartition des quotas d’artificialisation au niveau des schémas de cohérence territoriale (SCoT).
A rebours des dernières annonces du gouvernement, elles recommandent même de rehausser les quotas de production de logements sociaux à « 30 % dans les zones très tendues » et de systématiser les arrêtés de carence pour les communes qui ne respecteraient pas les objectifs SRU.
Par ailleurs, elles proposent de permettre à toutes les communes de zones tendues qui le souhaitent de mettre en place l’encadrement des loyers afin de mieux maîtriser les prix de l’immobilier et du foncier.
Augmenter le Fonds vert
Pour financer leurs propositions, les deux fondations demandent d’accroître les financements disponibles en matière d’ingénierie territoriale pour les collectivités en « favorisant celles disposant du moins de moyens ». Et cela, en augmentant les crédits du Fonds vert. À rebours donc, là aussi, des coupes budgétaires annoncées récemment par le gouvernement.
Elles réclament ainsi à l’exécutif de « revenir sur la baisse des crédits annoncée pour 2024, et accroître substantiellement l’enveloppe pour les années suivantes, avec une trajectoire de hausse jusqu’à 2027 au moins », mais aussi de « créer dans chaque région des dispositifs de financement de l’ingénierie des collectivités qui permettent de compléter les financements du Fonds vert ».
Plus globalement, la question du financement des collectivités territoriales est d’autant plus « cruciale », aux yeux des deux fondations, que c’est celle qui doit permettre à « toutes les collectivités, en particulier les plus fragiles, de disposer de leviers pour inciter à la réduction de l’artificialisation et dégager des marges de manœuvre financières, afin de mener des politiques de sobriété foncière ambitieuses et justes ».
Elles notent ainsi, en paraphrasant la Cour des comptes, que ce système est toujours jugé « complexe et à bout de souffle » bien qu’il fasse « actuellement l’objet de nombreux travaux ». De la part du Comité des finances locales, notamment, à qui le président de la République a confié la tâche – sans le saisir officiellement pour l’heure – de réformer la DGF.
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