Comprendre la grogne des auto-écoles
Par Franck Lemarc
Après les pharmaciens, les gérants d’auto-écoles. Entre 500 et 800 voitures d’auto-écoles mènent, ce lundi matin, une opération escargot sur le périphérique parisien. Les fédérations de gérants d’auto-écoles (Unic, Unidec et Mobilians) demandent à être reçues à Matignon avec deux revendications : l’augmentation du recrutement des IPCSR (inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière, qui sont des fonctionnaires de l’État) et l’augmentation du nombre d’heures de conduite minimum pour pouvoir passer le permis de conduire (de 20 à 28 heures).
« Partenariats »
Derrière ces revendications, la problématique de l’allongement des délais d’inscription pour l’examen du permis de conduire, qui peut aller jusqu’à quatre mois dans plusieurs métropoles, voire huit mois en région parisienne. En cas d’échec au premier passage, le délai de repassage est d’au moins trois mois en moyenne.
Mais ce phénomène a des conséquences qui se répercutent y compris dans les villes moyennes et petites. En effet, pour pallier le problème, de plus en plus d’auto-écoles des grandes villes – notamment franciliennes – créent des « partenariats » avec celles des petites villes, où les délais sont moins contraints, afin de permettre aux élèves, moyennant finances évidemment, de passer le permis plus vite. Ainsi, des auto-écoles parisiennes contactent celles des petites villes pour négocier des heures de conduite et des places d’examen, ave une commission à la clé. Certaines auto-écoles franciliennes proposent même des « packs clé en main », avec transport et hébergement compris, pour passer son permis en province. Ce qui, par contrecoup, diminue la disponibilité dans des auto-écoles où, pourtant, l’obtention du permis de conduire pour les jeunes locaux est encore plus cruciale que dans les grands villes, du fait de la carence de transports publics.
Permis à 17 ans
Rappelons qu’il y a aujourd’hui moins de 1 500 IPCSP en France pour 1,8 million de candidats. Autrement dit, chaque inspecteur doit, en théorie, faire passer plus de 1 200 examens par an ! Les fédérations d’auto-écoles et d’inspecteurs chiffre à 200, minimum, le nombre de postes supplémentaires qu’il faudrait pourvoir.
Le problème n’est pas nouveau, et a plusieurs causes. Depuis plusieurs années, d’une part, le recrutement d’inspecteurs du permis de conduire est plus difficile : ces agents sont mal payés et surtout confrontés à des situations à des risques, illustrées par plusieurs faits divers d’agression, ces dernières années. Les IPCSR, d’ailleurs, se sont joints au mouvement de protestation des auto-écoles et sont en grève aujourd’hui, pour une « revalorisation » de leur profession.
Le gouvernement met en avant deux autres causes pour expliquer la saturation : d’abord le pic démographique du début des années 2000, qui a multiplié le nombre de candidats, et surtout la réforme ayant conduit, le 1er janvier 2024, à abaisser l’âge minimal d’obtention du permis à 17 ans – ce qui a logiquement conduit à une très forte augmentation du nombre de candidats, dès 2024. Mais cette réforme ne s’est pas accompagnée d’une augmentation sérieuse du nombre d’inspecteurs : seulement 15 équivalents temps plein ont été créés en 2023 et 38 en 2024, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur.
Recrutements insuffisants
Interpellé à plusieurs reprises sur ce sujet depuis l’année dernière, le gouvernement sortant, par la voix du ministre auprès du ministre de l’Intérieur François-Noël Buffet, a promis avant l’été le recrutement de 108 inspecteurs d’ici la fin de l’année, ce qui correspondrait à « 80 000 places » supplémentaires à l’examen. Mais il ne s’agissait pas de uniquement de véritables recrutement, puisque le gouvernement a, pour partie, fait appel à des inspecteurs à la retraite appelés à reprendre du service contre rémunération.
On reste loin, quoi qu’il en soit, des 200 recrutements chiffrés par les fédérations. Un tel recrutement pourrait paraître contradictoire avec la volonté d’économies budgétaires et de réduction du nombre de fonctionnaires – mais il ne faut pas, en la matière, raisonner à court terme : le fait de priver des jeunes de la possibilité de passer le permis de conduire les empêche, bien souvent, de pouvoir postuler à un emploi, ce qui n'est pas particulièrement bénéfique non plus pour le finances publiques.
Nombre d’heures obligatoires
Les fédérations d’autoécoles militent également pour le passage à 28 h de conduite au lieu de 20 pour pouvoir passer le permis. Cette revendication peut paraître, elle, plus corporatiste – dans la mesure où une telle décision augmenterait mécaniquement le chiffre d’affaires des auto-écoles. Mais celle-ci se défendent de toute arrière-pensée financière : pour elles, augmenter le nombre d’heures de conduite permettrait de faire diminuer le taux d’échec au premier passage du permis, ce qui aurait pour conséquence de désengorger le système en diminuant le nombre de deuxièmes passages (le taux de réussite dès le premier examen est « actuellement inférieur à 60 % », notait en juillet dernier François-Noël Buffet).
Côté gouvernement, cette augmentation du nombre d’heures obligatoires n’était, l’été dernier, pas envisageable, dans la mesure où il a fait état de son « ferme engagement à ne pas augmenter le prix du permis ». Pour vertueux qu’il soit, l’argument n’est qu’à moitié recevable : de fait, en effet, de nombreux candidats contraints d’attendre des mois pour passer le permis finissent par reprendre des heures de conduite, pour ne pas perdre la main. La pénurie d’inspecteurs amène donc de toute façon un surcoût du permis.
Le gouvernement disait en juillet chercher des pistes pour améliorer le taux de réussite sans rien céder ni sur le prix ni sur le niveau d’exigence. Une gageure, qu’il entendait réussir en encourageant, notamment, la conduite accompagnée.
Il reste à voir comment le Premier ministre répondra au mouvement d’aujourd’hui. Sans gouvernement ni projet de budget, on ne voit pas bien, toutefois, ce que Sébastien Lecornu pourrait proposer d’autre que de la patience.
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