Compostage des boues d'épuration et déchets verts : les élus obtiennent satisfaction
Par Franck Lemarc
C’est un décret important qui a été publié ce matin, déterminant « les conditions dans lesquelles les boues d'épuration et les digestats de boues d'épuration peuvent être traités par compostage conjointement avec d'autres matières utilisées comme structurants et issues de matières végétales ».
Bien que très technique, le sujet n’est pas sans conséquences. Il s’agit de préciser qu’il reste bien possible de composter ensemble, sous conditions, des boues d’épuration et des digestats de boues avec des déchets verts. Cette précision est indispensable, dans la mesure où la réglementation européenne interdit, en théorie, « le mélange de déchets collectés séparément », sauf si cela ne compromet pas leur valorisation.
Une première version « inquiétante »
Lorsque le texte a été présenté pour la première fois devant le Conseil national d’évaluation des normes, en février dernier, il a fait l’objet d’un rejet unanime des représentants des élus. La première version visait en effet à réduire de façon drastique l’utilisation des déchets verts comme « structurants » dans les plateformes de compostage.
Rappelons que l’opération de compostage permet d’obtenir des fertilisants organiques. Il s’agit de laisser se dégrader des déchets organiques (boues de stations d’épuration). Comme la réaction suppose une circulation d’air (on parle de transformation aérobie), on ajoute aux matières traitées des « structurants », dont la fonction est faciliter la circulation de l’air. Ces structurants sont, le plus souvent, des déchets verts.
Les élus, en février dernier, se sont « étonnés » que le décret vise à limiter, « voire faire disparaître à plus long terme », l’utilisation des déchets verts comme structurants. D’autant plus que, pendant le confinement, « les collectivités avaient été fortement incitées à rouvrir les déchèteries afin de pouvoir disposer des déchets verts nécessaires au maintien du compostage des boues et digestats » ! Le gouvernement avait alors répondu qu’il souhaitait en effet que les déchets verts soient davantage orientés vers l’agriculture biologique. Il proposait que d’autres résidus de bois (écorce, broyat de palettes…) soient utilisés comme structurants, ce qui est pourtant reconnu comme nettement moins efficace que les déchets verts – dont les collectivités disposent gratuitement, alors qu'elles auraient dû acheter les déchets de bois.
Par ailleurs, les élus ont trouvé la rédaction du projet de décret peu claire sur les intentions du gouvernement, s’interrogeant sur une éventuelle volonté de celui-ci d’interdire, à terme, l’épandage – ce que le gouvernement a clairement nié. Les élus ont pourtant affirmé, lors de cette séance, leurs craintes de voir ce projet de décret mettre en danger la filière de compostage des boues d’épuration ou « la menacer sur le plan économique ».
Enfin, les élus ont protesté contre une nouvelle forme d’atteinte à la libre administration des collectivités locales, et mis en avant les coûts financiers importants que provoqueraient cette réforme. Ils ont donc, logiquement, rejeté le projet de décret.
Copie revue
Un mois plus tard, au Cnen du 4 mars, l’ambiance s’est nettement détendue : une fois n’est pas coutume, les élus se sont félicités du fait que leurs observations ont été largement prises en compte et que le gouvernement a entièrement revu sa copie.
Le nouveau projet de décret, ont estimé les élus, « apparaît de nature à garantir la pérennité de la filière », et prévoit de plus une clause de revoyure en 2026 qui permettra de « rouvrir les discussions ». Le gouvernement a retiré de son texte les points les plus sensibles et modifié les règles et le calendrier qu’il envisageait sur l’utilisation des déchets verts. Le nouveau projet de décret a été adopté à l’unanimité par les représentants des élus.
Ce que contient le décret
C’est le décret qui a été publié ce matin. Il y est confirmé que l’utilisation des déchets verts (« matières végétales issues de la tonte de pelouses, de la taille de haies et d'arbustes, d'élagages, de débroussaillement et d'autres pratiques similaires » ) peuvent être utilisés comme structurants. Mais leur quantité va, de façon très progressive, être amenée à baisser : au maximum un poids égal à la masse de boues ou de digestats de boues d’épuration, à compter du 1er janvier prochain ; puis 80 % de cette masse à partir du 1er janvier 2024. Au-delà, les discussions reprendront sur la base d’un rapport qui sera établi par l’Ademe.
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