Revitalisation des centres-villes et centres-bourgs : une mission d'évaluation lancée au Sénat
Par Lucile Bonnin
« C’est une préoccupation majeure du Sénat depuis des années, rappelle en préambule de la séance Françoise Gatel, présidente de la Délégation aux collectivités territoriales. Aujourd’hui, sur le terrain, nous sommes soucieux de faire des constats et d’identifier de bonnes pratiques en matière de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, qui peuvent venir irriguer l’ensemble des territoires. »
La mission est présidée par le vice-président de la Délégation aux collectivités territoriales, Rémy Pointerau et sera menée par trois rapporteurs : Serge Babary (président de la Délégation aux entreprises), Gilbert-Luc Devinaz (vice-président de cette même Délégation) et Sonia de La Provôté (au titre de la Délégation aux collectivités territoriales).
La fragilisation des centres : une préoccupation de longue date
L’un des principaux objectifs, au-delà de dresser un état des lieux du dynamisme des centres, est d’évaluer les dispositifs existants. Qu’a pu apporter la loi ELAN ? Les programmes gouvernementaux Action cœur de ville et Petites villes de demain sont-ils efficaces ? Ces questions guideront les travaux des sénateurs jusqu’à l’été 2022.
Ce bilan de parcours s’impose car cette dévitalisation a longtemps été « un phénomène un peu oublié des pouvoirs publics et sous-estimé » , explique Rémy Pointerau. Le sénateur est d’ailleurs, avec Martial Bourquin (ancien sénateur du Doubs), à l’origine de la proposition de loi portant pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs qui a été adoptée en 2018 au Sénat. De nombreuses dispositions ont d’ailleurs été injectées dans la fameuse loi ELAN du 23 novembre 2018, qui sera scrutée de près par les rapporteurs dans les mois à venir.
« Fragilisation des centres, dégradation du bâti, difficultés d’accès aux stationnement, diminution des habitants, fuite des équipements attractifs et services du quotidiens, concurrence des grandes surfaces » : c’est ce qu’observait Rémy Pointerau en amont de la proposition de loi de 2018. Les conclusions de cette nouvelle mission diront si ces problèmes structurels sont les mêmes, même s’il y a fort à parier qu’avec la crise sanitaire et le développement du e-commerce, de nouveaux défis viendront s’ajouter à ceux déjà existants.
Un premier état des lieux
Invité pour participer aux réflexions préliminaires, Pierre Narring, ancien membre du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), rappelle quelques chiffres clés. Un rapport du CGEDD, publié en 2016, montrait que sur 187 centres villes il y avait un taux de vacance de 6 % en 2001 et de plus de 10 % en 2015. Selon Pascal Madry, président de l'Institut de la ville et du commerce, « la situation n’a pas beaucoup évolué aujourd’hui et on observe une poursuite de la progression de la vacance. »
Ce même rapport datant de 2016 souligne les corrélations entre perte de vitalisation et d’autres facteurs divers comme la situation économique et démographique de la ville, la qualité de vie, la complémentarité entre en centre-ville et périphéries… Mais le problème n’est pas uniquement territorial, et c’est notamment pour cela que la mission fait appel aux compétences des sénateurs des collectivités et des entreprises.
Pascal Madry indique que ce phénomène est plus largement lié à « une crise du commerce qui est avant tout une crise de secteur avec des impacts territoriaux qui concernent toutes les échelles de villes et pôles commerciaux » . Même si les enjeux sont très différents, il explique qu’à Paris ou à Vierzon, le taux de vacance est le même (environ 11 % selon lui). « Commerces, artisans, autoentrepreneurs, industries légères ou de high-tech qui irriguent nos territoires… Les politiques publiques doivent prendre en considération les tendances lourdes de l’économie et de l’emploi » , déclare Serge Babary.
Des pistes de réflexion
Après environ deux heures d’échanges, certaines thématiques ont pu se démarquer pendant cette table-ronde, apportant déjà quelques pistes de réflexion aux sénateurs. Alban Galland, sous-directeur du commerce, de l’artisanat et de la restauration à la Direction générale des entreprises (DGE) a notamment insisté sur un point qui a été au cœur des débats en décembre dernier aux Assises du commerce : le sujet des taxes foncières et de la Tascom sur les commerces installés dans un centre-ville ou un centre-bourg. Le rapport d'André Marcon, qui date de 2018, préconisait notamment sur ce point de définir des périmètres dans les centres villes dans lesquels serait appliqué un train de mesures de simplification des procédures comme « l’exonération des taxes foncières » pour les propriétaires de locaux commerciaux ou encore l’exonération de Tascom, en centre-ville « pour les commerces existants de 400 à 1000 m² de surface de vente » et pour « toutes les nouvelles implantations » . (lire Maire info du 16 mars 2018)
Concernant la fuite des commerces en périphérie, de nombreux intervenants et sénateurs ont évoqué une disposition de la loi ELAN permettant aux préfets de suspendre un projet de centre-commercial. Selon Serge Barbary, seulement 6 projets en 2020 ont fait l’objet de ce type de moratoire dont un seul à l’initiative d’un préfet et les autres par la demande de plusieurs communes signataires d’une convention d’opération de revitalisation de territoire (ORT). « Comment expliquer ces chiffres faibles ? » , s’interroge-t-il. Les très gros projets de centres commerciaux ne feraient plus partie des principales menaces ? Ce point est à éclaircir.
Françoise Gatel, le rappelle, « la fragilité du centre-ville ne vient pas que des mètres carrés installés en périphéries » . Cette mission sénatoriale sera menée dans l’idée qu’aujourd’hui il y a bel et bien « une confirmation de transformation de la société » , selon les mots de la présidente. La fréquentation des commerces est en diminution, les consommateurs ont de nouvelles attentes et la ville fait face à des pénuries diverses (manque de commerce mais surtout de services et d’animations). « Le centre-ville et le centre-bourg doivent (re)devenir des lieu d’envies et de plaisirs » , conclue-t-elle.
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