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Édition du jeudi 18 juillet 2024
Commerce

Revitalisation commerciale : un décret détaille la mise en oeuvre du bail réel solidaire d'activité

Alors que ce dispositif doit favoriser l'installation d'entreprises et d'activités dans les secteurs à revitaliser, le décret vient également préciser certaines évolutions visant le bail réel solidaire, qui concerne les ménages modestes.

Par A.W.

Dans un décret publié hier, le gouvernement vient de préciser les modalités de mise en oeuvre du bail réel solidaire (BRS) destiné aux ménages, et de son petit frère plus récent : le bail réel solidaire d’activité (BRSA) destiné, lui, aux entreprises. 

Un décret d’application à la fois de la loi 3DS et de l'ordonnance du 8 février 2023 relative au bail réel solidaire d'activité pour lequel le Conseil national d’évaluation des normes (Cnen) a émis un avis favorable.

Un outil « à la main des territoires » 

Pour rappel, ces textes ont permis d’étendre les compétences des organismes de foncier solidaire (OFS) - dont la vocation est avant tout sociale et destinés aux personnes aux ressources modestes - en les autorisant à « réaliser ou faire réaliser des locaux à usage commercial ou professionnel sur des terrains acquis ou gérés au titre de leur activité principale ». Tout cela à titre « subsidiaire », et afin de « favoriser la mixité fonctionnelle ».

Créé sur le modèle du « bail réel de solidarité »  des ménages, ce bail réel solidaire d'activité doit ainsi favoriser l'installation d'entreprises et d'activités dans les secteurs à revitaliser. Un nouvel outil destiné à être « à la main des territoires », avait assuré le porte-parole du gouvernement de l'époque, Olivier Véran, à l’occasion, l’an passé, de l’officialisation de ce dispositif.

Conclu avec un organisme de foncier solidaire, ce type de bail permet depuis plusieurs années à certains ménages (et dorénavant aux entreprises, dans le cas du BRSA), sous conditions de ressources, d’accéder à la propriété à des prix plus faibles que sur le marché. La contrepartie est que s’ils deviennent bien propriétaires de leur appartement - ou de leur local commercial - , ils restent locataires de leur terrain (le foncier restant la propriété de l'OFS).

Particulièrement technique, le décret fait donc évoluer les modalités de gestion des OFS en conférant ainsi ce « caractère subsidiaire »  aux baux réels solidaires d'activité par rapport au bail réel solidaire, au sein d’une même opération immobilière. Un caractère qui doit être « apprécié au regard de la surface de plancher pouvant être affectée au BRSA, qui doit être limitée à 30 % de la surface totale de plancher affectée au logement en BRS », dispose le texte.

Un BRSA, deux possibilités : microentreprises ou EPL

Comme l’avait détaillé l’ordonnance publiée l’an passé, le BRSA reprend certaines caractéristiques majeures du bail réel solidaire, notamment le principe de la dissociation de la propriété foncière et bâtie, le caractère de longue durée du bail (jusqu'à 99 ans) avec « caractère rechargeable à chaque cession »  ainsi que « la faculté de pouvoir céder les droits réels à tout moment sous réserve d’un encadrement des prix de cession ». Le versement d’une redevance foncière à l’OFS est ainsi conservé.
 
On peut rappeler que deux possibilités de mise à disposition de ces locaux sont proposées : au bénéfice soit des microentreprises, soit des établissements publics et entreprises publiques locales qui serviront d’intermédiaires.

Dans le premier cas, la microentreprise « occupera et exploitera le local concerné », en contrepartie d’une redevance foncière, mais « sans pouvoir le louer ». « En fonction des objectifs recherchés, l'OFS pourra éventuellement appliquer des critères complémentaires ou plus restreints à ces microentreprises ». 

Dans le second cas, le BRSA pourra également être consenti, par exemple, à une société d'économie mixte locale ou une société publique locale (qui sera titulaire des droits réels) afin « d'articuler l'activité de certains OFS avec celle des foncières commerciales mises en place à l'initiative des collectivités ».

L’établissement public ou l’entreprise publique locale assurera ainsi la mise en location des locaux à une microentreprise « à des niveaux de loyers modérés », indiquait l’ordonnance dédiée. Comme dans le premier cas, celle-ci ne pourra pas sous-louer le local, mais, cette fois, « il revient au titulaire du BRSA, l’établissement public ou l’entreprise publique locale, de s’acquitter de la redevance foncière auprès de l’OFS ». Une redevance qui sera constituée d'une part fixe et d'une part variable qui « pourra être modulée en fonction de l'évolution de la situation du preneur et notamment des gains tirés de l'exploitation du local ».

Dans ce cadre, le décret publié hier fixe les modalités d’application des plafonds de prix de cession et de mutation, les sous-critères d'éligibilité applicables aux micro entreprises, les modalités de publicité des baux, ainsi que celles de fixation et d'évolution des plafonds de loyer et des redevances foncières.

Un BRS pas encore assez attractif et au « succès »  relatif 

Plus globalement, s’agissant du bail réel solidaire, le décret en fait évoluer les conditions de mise en œuvre en permettant de prendre en compte le patrimoine immobilier des ménages dans la procédure d'attribution de ces BRS. Il précise aussi les modalités d'application des plafonds de prix et de ressources et détaille les conditions de mise en location de ces logements acquis en BRS. 

A l’occasion de la présentation devant le Cnen, le 22 mai dernier, de ce qui n’était alors qu’un projet de décret, les membres représentant les communes ont, toutefois, fait remarquer que « l’économie générale (du texte) ne tient pas compte de certaines attentes exprimées, notamment celles relatives à la modification de dispositions réglementaires encadrant le BRS pour faciliter son développement ».

A cet égard, ils ont demandé qu’un « effort supplémentaire »  soit fourni par le gouvernement afin « d’opérer une meilleure intégration du BRS dans la comptabilisation des logements sociaux »  dans le cadre de la loi SRU. En effet, selon eux, « le droit en vigueur conduit à rendre le recours au BRS peu attractif pour répondre aux objectifs »  de la loi SRU, notamment « en raison d’une comptabilisation tardive au sein du bilan quantitatif des logements sociaux existants ».

Pour y remédier, ils ont donc suggéré de les intégrer à la comptabilisation « dès le montage des projets »  même s’ils ne bénéficient pas d’agrément préalable.

Ces derniers ont, en outre, pointé la « complexité administrative »  du dispositif qui a « du mal à s’implanter durablement en présence d’autres outils ayant fait leurs preuves », tels que « le recours à l’association d’un établissement public foncier (EPF) avec un bailleur social ».

Par ailleurs, le « succès important et croissant »  de ce dispositif largement mis en avant par le gouvernement semble, en fait, putôt exagéré. Lors de cette séance, le ministère de la Transition écologique a ainsi estimé à 1 000 le nombre de BRS en activité depuis leur création il y a une dizaine d'années. « Un chiffre relativement faible », a commenté laconiquement le collège des élus.

Évoquant des « difficultés liées à la production de logements dans un contexte économique défavorable et marqué par un ralentissement du secteur », le ministère a, toutefois, mis en avant des « projections importantes », s’agissant des OFS, avec « une échéance de 15 000 logements par an jusqu’en 2027 » 

Consulter le décret.

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