Ports décentralisés : les collectivités pourraient bientôt avoir le droit de recourir au modèle de la société portuaire
Par A.W.
Un « verrou législatif qui ne se justifie plus » va probablement définitivement « sauter ». Avec le soutien du gouvernement, les sénateurs ont adopté, la semaine dernière, en première lecture, une proposition de loi « élargissant la possibilité pour les collectivités territoriales et leurs groupements d’avoir recours au modèle de la société portuaire pour l’exploitation de leurs ports ».
Porté par trois sénateurs et sénatrices bretons, Nadège Havet (RDPI, ex-République en marche), Yves Bleunven et Michel Canévet (tous deux centristes), ce texte vise à « rectifier une incohérence », a expliqué ce dernier, dans l’hémicycle. En effet, la législation actuelle limite drastiquement le recours à ce modèle par les collectivités. L’objectif est donc d’étendre cette possibilité à l’ensemble des ports décentralisés, et non pas seulement aux seuls 18 ports qui ont été transférés par l’État en 2004.
Plus de 600 ports décentralisés
Limiter ce dispositif à ces derniers n’est ainsi « plus justifié et un changement d’échelle apparaît souhaitable ».
D’autant que de « nombreux autres ports souhaiteraient pouvoir en bénéficier » puisqu’il favoriserait le développement économique et rendrait plus performante leur gestion par les collectivités territoriales, assurent les auteurs de la proposition de loi. Or, à l’heure actuelle, seules deux collectivités – les régions Bretagne et Nouvelle-Aquitaine – ont eu recours à ce modèle, les autres volontaires se heurtant à « un verrou législatif ».
Pourtant, il y a plus de 600 ports décentralisés en France, dont 470 ports de plaisance, 100 ports de pêche et halles à marée ainsi que 50 ports de commerce. « Si ces ports décentralisés ne représentaient, en 2024, que 22 % du tonnage total de marchandises, 78 % passant par les grands ports maritimes, ils dominent à hauteur de 75 % le secteur du transport roulier et du transport de passagers », a rappelé Nadège Havet, en soulignant que ceux-ci génèrent annuellement « 600 millions d’euros de valeur ajoutée » et emploient près de 11 000 personnes (27 000 en ajoutant les emplois indirects).
En outre, « nous possédons le deuxième espace maritime mondial, mais nous importons plus des trois quarts des produits de la mer que nous consommons. Ce qui est parfaitement anormal », a déploré Michel Canévet. Juste en Cornouaille, « qui représente l’essentiel de la pêche fraîche en France », le sénateur du Finistère a rappelé que l’« on est passé de 54 000 tonnes débarquées en 2004 à 24 000 tonnes débarqués en 2024 ». De telles évolutions appellent des « modifications structurelles extrêmement fortes », a-t-il défendu, en rappelant l’urgence puisqu’« il y a un certain nombre de concessions qui arrivent à échéance ».
Des « atouts évidents »
Quels avantages fourniraient ce modèle de société portuaire ? Selon Nadège Havet, « ce modèle renforce l’implication des collectivités territoriales (puisque), en participant au capital, elles deviennent les acteurs principaux du développement et de la résilience de leur écosystème portuaire ». Une participation qui donne également à ces sociétés portuaires une « assise financière plus large », alors même que les ports ont dû dernièrement faire face à une série de « chocs » (brexit, covid, flambée du prix des carburants, plan de sortie de flotte et fermeture du golfe de Gascogne pour protéger le dauphin).
« La participation des collectivités permettrait ainsi une mutualisation des risques, une simplification des relations et des négociations (entre concédant et concessionnaire) et permettrait aussi de renouveler les contrats de concessions sans que l’équilibre financier pèse sur le concédant ou grève l’effort d’investissement », a détaillé la sénatrice du Finistère.
Parmi les « atouts évidents » qu’il possède par rapport aux autres modèles déjà à la disposition des collectivités, on peut retenir qu’il permet, d’abord, aux chambres de commerce et d'industrie (CCI) « d’apporter à la société portuaire leur expertise, leur connaissance du tissu économique de proximité et leur capacité de projection à l'international » (à la différence du modèle de la société publique locale).
Ensuite, il permet de « bénéficier des dérogations liées aux contrats de quasi-régie », le contrat de concession pouvant ainsi être « dispensé des procédures de mise en concurrence » (à la différence du modèle de société d'économie mixte), a expliqué la sénatrice qui a donc estimé qu’il « convient de faire sauter ce verrou législatif qui ne se justifie plus ».
Le ministre chargé des Transports, Philippe Tabarot, a apporté son soutien à cette « mesure de simplification » qui permet d’« élargir la boîte à outils des collectivités ». Un texte qui leur « offrira un outil de gouvernance moderne, efficace et adapté aux défis contemporains », tout en maintenant « toutes les garanties sociales », a-t-il défendu.
Alors que la procédure accélérée a été enclenchée, le texte doit désormais être examiné par les députés.
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