Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 14 juin 2022
Commerce

Développement des dark stores dans les grandes villes : France urbaine demande au gouvernement d'agir

L'association France urbaine est préoccupée par la multiplication « anarchique » des entrepôts alimentant la livraison de repas et de courses dans les grandes villes. Cette vague d'implantation de dark stores nécessite, selon elle, un débat sur les outils de régulation des collectivités.

Par Lucile Bonnin

Le phénomène prend de l’ampleur mais les moyens mobilisés pour le réguler restent encore trop faibles. Les dark stores, aussi appelés « commerces fantômes », sont en pleine expansion dans les grandes villes françaises depuis le début de la crise sanitaire. En 2022, 150 dark stores sont comptabilisés en France, dont les trois quarts sont installés en Île-de-France.

Pour rappel, les dark kitchens (« cuisines fantômes » ) ou les dark stores sont des lieux uniquement dédiés à la livraison qui proposent « en lieu et place d’anciens commerces ou restaurants »  des livraisons « de repas commandés sur internet »  ou « un service de livraison de produits alimentaires et de grande consommation, à domicile, dans des délais très courts, compris entre 10 et 20 minutes. »  (lire Maire info du 25 février) 

Une problématique qui prend de l’ampleur 

Ce nouveau modèle de consommation entraîne des conséquences variées dans les villes notamment car les implantations de ces locaux en centres-villes ne sont pas régulés. Plusieurs métropoles et agglomérations ont alerté France urbaine « des nuisances provoquées par ces implantations : livraisons en poids-lourds, stationnement sur les trottoirs, comportement des livreurs à vélo, gestion des déchets. Elles pointent également « la déqualification des linéaires commerciaux, la dévalorisation des surfaces commerciales riveraines et l’impact sur l’offre commerciale de proximité. » 

Ainsi, et ce dès les Assises du Commerce 2021 (lire Maire info du 23 décembre), l’association France urbaine a mis en lumière l’absence de débat sociétal, au niveau national et local, sur les modalités et l’impact des formes installées et émergentes du e-commerce dans les grandes villes. En l’absence de véritable réponse du gouvernement, France urbaine a adressé un courrier le 1er juin à l’attention du ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire. 

Une incomplétude des outils de régulation publique 

Paris, Lille, Lyon, Nice, Nantes, Bordeaux : toutes ces grandes villes connaissent un développement « rapide et anarchique »  des dark stores. Au-delà des problèmes concrets que ces locaux engendrent avec notamment le ballet des livreurs et des camionnettes dans les rues, ces installations sont réalisées « majoritairement sans déclaration et souvent en contradiction avec les dispositions du Code de l’urbanisme ou du Plan local d’urbanisme (PLU) » , peut-on lire dans la lettre adressée au ministre.

Via ce courrier, l’association France urbaine sollicite l’appui du gouvernement pour mieux réguler et encadrer l’activité de ces entrepôts. En mars dernier, le gouvernement a élaboré un guide destiné aux élus locaux pour réguler ce nouveau phénomène. La première des clarifications apportée par le gouvernement concerne la classification même des dark stores d’un point de vue du Code de l’urbanisme : soit le dark store doit être considéré comme un commerce, soit comme un entrepôt. Dès lors qu’il est « exclusivement utilisé pour de la livraison » , ce qui est majoritairement le cas, celui-ci doit être considéré comme un entrepôt. (lire Maire info du 22 mars)

Malgré cette disposition, les élus des agglomérations observent que « les opérateurs se qualifient de commerces pour échapper à certaines obligations alors que la destination majoritaire de leur activité reste l’entreposage (souvent interdit dans les pieds d’immeubles). » 

PV, astreintes administratives, saisine du procureur pour les travaux non déclarés : les collectivités disposent bien évidemment d’outils pour sanctionner ce type de pratique. France urbaine rappelle également que « les territoires urbains disposent (…) de réglementations sur la vente d’alcool à emporter, sur les ouvertures dominicales, sur le stationnement, sur les occupations du domaine public, sur la gestion des déchets et qu’ils se dotent de dispositifs de gestion et d’encadrement de la logistique urbaine, auxquels les opérateurs de dark stores doivent eux aussi se plier. » 

Pour autant, il est compliqué pour les collectivités concernées de gérer le problème seules et c’est pour cela que l'association appelle à un débat de sociétal et à des arbitrages clairs de la part du gouvernement, en concertation avec les collectivités. 

Les propositions de France urbaine 

Premièrement, l’association soutient trois dispositions qui concernent ce type de commerce. Elle souhaite encourager une meilleure information du consommateur sur son acte d’achat en ligne (propriété des données, empreinte carbone du clic d’achat, coût réel de la livraison, choix entre les modes de livraison, soutien aux points-relais…) ; mettre en place une plus grande équité fiscale entre les opérateurs physiques et digitaux du commerce ; et porter une attention particulière aux conditions sociales proposées par les employeurs et leur impact sur la précarité des livreurs.

La commission Développement économique de l'AMF s'est également largement intéressée au sujet et avait d'ores et déjà proposé dans sa contribution à l'élection présidentielle de soutenir les acteurs économiques pour un développant local ambitieux notamment en repensant « la fiscalité du commerce pour une meilleure équité entre les acteurs (entre l’aide à la création et l’aide à la reprise et entre les acteurs du e-commerce et les acteurs traditionnels du commerce). » 

France urbaine sollicite aussi « l’appui technique et juridique »  du gouvernement qui pourrait « actualiser le décret du 10 novembre 2016 recensant les différentes destinations et sous-destinations et qui n’intégrait pas les entrepôts et activités de type dark stores et dark kitchens. » 

L'association fait savoir qu'elle encourage les collectivités concernées « à se prémunir contre les implantations sauvages ou contrevenant aux dispositions locales d’urbanisme. Sur ces points de droit, France urbaine souhaite que l’État se tienne aux côtés des collectivités et rappelle publiquement que la créativité économique ne suppose pas de s’affranchir du respect de la loi. »  Davantage de fermeté est attendue pour permettre aux territoires « de disposer d’une offre commerciale en phase avec les enjeux sociaux, économiques et écologiques du pays ». 

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