Comités de lutte contre les discriminations : un dispositif qui a besoin de davantage de visibilité
Par Lucile Bonnin
Il y a deux mois, le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) a publié une étude sur les atteintes « à caractère raciste » pour l'année 2023. Les crimes ou délits à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux ont augmenté de 32 % par rapport à 2022 (lire Maire info du 21 mars). Selon le gouvernement, 1,2 million de personnes subissent une discrimination ou une atteinte à caractère raciste ou antisémite chaque année.
S’inscrivant dans la lignée du dispositif précédent mis en place par Édouard Philippe, un plan national contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine (2023-2026) comprenant 80 mesures a été présenté en début d’année 2023 par l'ex-Première ministre Élisabeth Borne. Parmi elles, on retrouve la volonté de « rappeler l’enjeu d’animation d’un réseau local d’acteurs de la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations, en lien avec les Comités opérationnels (Corahd) placés sous l’autorité des préfets de départements ».
Le dispositif ne date en effet pas de 2023, mais manque encore de visibilité tant au niveau local qu’au niveau national. Les comités opérationnels de lutte contre le racisme et l'antisémitisme ont été créés en 2016 (décret 2016-830 du 22 juin 2016), étendus en 2019 (instruction ministérielle du 14 février 2019) à la haine anti-LGBT et en 2023 à la lutte contre les discriminations liées à l’origine.
C’est dans une instruction datée du 12 mars 2024 et publiée dans le Bulletin officiel du ministère de l’Intérieur que le gouvernement demande à nouveau aux préfets d’animer ces Corahd, « et ce au moins deux fois par an ».
Renforcer la mobilisation
Le gouvernement rappelle via cette instruction que chaque département, sous le pilotage des Corahd, doit élaborer, mettre en œuvre et suivre un plan départemental de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT+ et les discriminations liées à l'origine.
Les missions principales de ces comités sont aussi de nouveau présentées dans cette nouvelle instruction. On y retrouve notamment la mise en place d’un plan d'action départemental « adapté aux caractéristiques locales à partir de diagnostics préalablement établis ». « Ce plan, à élaborer avant l’été 2024, pourra se décliner à l’échelle des bassins de vie », peut-on lire dans l’instruction.
Il est aussi attendu au niveau de chaque département de « veiller à l’inscription de la lutte contre les discriminations dans les contrats de ville, ainsi que de la culture de l’égalité et du renforcement de l’esprit critique dans les cités éducatives, en voie de généralisation dans les quartiers prioritaires de la ville. » Ainsi, rappelons que chaque comité est obligatoirement composé du président de l'association départementale des maires et de « maires désignés sur proposition du président de l’association départementale des maires ».
Enfin, il est demandé aux préfets de « dresser un bilan annuel des actions mises en œuvre dans le cadre du plan d’action départemental » et de « mettre en place une cartographie et un baromètre des discriminations liées à l’origine dans les territoires en mesurant régulièrement les discriminations dans l’accès à certains métiers, biens ou services ».
Pour le moment il est difficile d’avoir une visibilité d’ensemble sur la mise en place de ces comités à l’échelle nationale. Selon la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), 202 référents ont bien été nommées dans les préfectures L’instruction insiste donc sur la nécessité de transmettre un bilan de l’année 2023 « pour le premier trimestre 2024 ». Une échéance qui pourra difficilement être respectée…
Référent
Le gouvernement précise via cette instruction les rôles de ces référents. Ils sont en effet « le contact privilégié des professionnels du territoire » et doivent veiller « à ce que les coordonnées à jour des magistrats référents de chaque pôle anti-discriminations des parquets soient transmis au délégué territorial du Défenseur des droits, ainsi qu’aux représentants des associations ». Ainsi, « chaque référent doit veiller à informer régulièrement (…) la Dilcrah et le ministère de l’intérieur ».
Autre mission essentielle du référent : s’assurer de l’utilisation des fonds publics déconcentrés conformément aux objectifs fixés par les plans nationaux. Par ailleurs, le gouvernement invite les préfets « à privilégier les conventions pluriannuelles d’objectifs dans la mesure où les associations concernées mènent bien des actions qui s’inscrivent dans les objectifs inscrits dans les 2 plans nationaux pilotés par la Dilcrah, ainsi que dans les plans d’action départementaux ».
Pour rappel, les associations du territoire peuvent être invitées à ces comités notamment celles gérant les centres LGBT, celles engagées contre l’antitsiganisme, ou encore celles ne bénéficiant pas de subventions sur les crédits déconcentrés de la Dilcrah mais intervenant sur ces thématiques.
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