Différenciation : la Première ministre donne le mode d'emploi
Par Franck Lemarc
La loi 3DS du 21 février 2022 est relative, comme l’indique son acronyme, à « la différenciation, la décentralisation, la déconcentration » . Toute la première partie de cette loi est consacrée à la « différenciation territoriale », c’est-à-dire à la possibilité, pour les collectivités, d’appliquer de façon différente leurs compétences, en fonction par exemple de particularités géographiques, démographiques, économiques ou sociales.
Le premier article de la loi 3DS définit cette possibilité en établissant un équilibre subtil entre, d’une part, une liberté de différenciation entre collectivités et, d’autre part, le principe constitutionnel d’égalité : « Dans le respect du principe d'égalité, les règles relatives à l'attribution et à l'exercice des compétences applicables à une catégorie de collectivités territoriales peuvent être différenciées pour tenir compte des différences objectives de situations dans lesquelles se trouvent les collectivités territoriales relevant de la même catégorie, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit proportionnée et en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit. » Il reprend ainsi la position constante du Conseil constitutionnel.
Extension aux départements
L’article 2 de la loi 3DS dispose que les propositions des régions et des départements, visant à modifier ou à adapter les dispositions législatives ou règlementaires relatives à leurs compétences, leur organisation ou leur fonctionnement, doivent être transmises au Premier ministre et aux préfets et, lorsqu’il s’agit de dispositions législatives, aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat.
La possibilité de « différenciation » n’est pas nouvelle : la loi Notre de 2015 avait déjà ouvert cette faculté notamment pour les régions et pour les départements d’outre-mer. La loi 3DS a étendu cette possibilité à tous les départements.
Aujourd’hui, le pouvoir d’initiative en matière d’adaptation des textes est donc possible pour l’ensemble des départements et des régions de métropole et d’outre-mer, aux assemblées de Guyane et de Martinique, et à l’assemblée de Corse.
On était, depuis, en attente d’une instruction pour définir les modalités pratiques de ces procédures.
Le périmètre des propositions
L’instruction en question a été signée hier et aussitôt mise en ligne sur circulaires.gouv.fr. Destinée aux membres du gouvernement et aux préfets, elle doit être également adressée aux présidents de conseils départementaux et régionaux.
Cette instruction n’apporte, à vrai dire, pas beaucoup de nouveautés par rapport à ce qui figure dans la loi. La liste des collectivités concernées est rappelée, ainsi que le « périmètre » des propositions qui peuvent être faites, qui varie selon le type de collectivités. Les départements et les régions peuvent proposer des adaptations législatives ou réglementaires portant sur l’ensemble de leurs compétences, sur leur organisation ou sur leur fonctionnement. Les départements d’outre-mer et les conseils régionaux de Guadeloupe, de Mayotte et de La Réunion, ainsi que l’assemblée de Corse, peuvent, eux, en plus, peuvent présenter « toutes propositions relatives (à leurs) conditions du développement économique, social et culturel » .
Les assemblées de Martinique et de Guyane peuvent également présenter des propositions relatives à leurs conditions de développement économique, social et culturel, mais pas sur l’exercice de leurs compétences.
Mode d’emploi
La Première ministre donne ensuite la procédure à suivre, qu’elle demande de respecter de façon « stricte » afin de « garantir la bonne prise en compte » des propositions. Comme l’exige la loi, celles-ci doivent être transmises à la Première ministre. Ce sera possible via une adresse mail dédiée, propositions.collectivites@pm.gouv.fr. Élisabeth Borne s’engage à en accuser réception « dans les 15 jours », et désignera alors « le ministère chargé de (lui) apporter les éléments utiles qui (lui) permettront d’estimer les suites à donner ».
Elle demande aux ministères concernés de ne pas mettre plus de « deux mois » pour lui apporter les éclairages nécessaires, afin qu’elle puisse répondre aux collectivités concernées « dans un délai raisonnable ».
Comme l’exige la loi, un rapport annuel devra être rédigé pour « indiquer les suites qui ont été données à ces propositions » . Élisabeth Borne indique que ce rapport sera établi par la DGCL (Direction générale des collectivités locales) « chaque année au mois de février » . Ce rapport sera d’abord transmis au Conseil national d’évaluation des normes (Cnen) et au Parlement, puis rendu public, sur le site collectivites-locales.gouv.fr.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2