Le gouvernement renonce à demander un effort financier de 10 milliards d'euros aux collectivités
Par Franck Lemarc
Première sortie officielle hier pour Christophe Béchu et Olivier Klein. Pour ce dernier, le déplacement était tout symbolique puisqu’il s’agissait d’inaugurer le nouveau siège de l’Anru (Agence nationale de la rénovation urbaine), déplacé du 15e arrondissement de Paris dans la ville de Pantin, en Seine-Saint-Denis. Olivier Klein, qui est encore pour peu de temps maire de Clichy-sous-Bois, dans le même département – il a confirmé hier qu’il allait abandonner son fauteuil – se devait naturellement d’être présent, lui qui était encore, la semaine dernière, président de l’Anru.
Olivier Klein : « Je ne changerai pas »
Visiblement ému, le nouveau ministre délégué chargé de la Ville et du Logement s’est adressé aux salariés de l’Anru réunis dans le hall du nouveau siège, en présence de nombreux maires de Seine-Saint-Denis et d’ailleurs impliqués dans un programme de rénovation urbaine, dont Éric Piolle, maire de Grenoble, ou Catherine Vautrin, présidente du Grand Reims. Était également présent Jean-Louis Borloo, ancien maire de Valenciennes et ministre de la Ville sous Jacques Chirac, qui fut l’inspirateur de la création de l’Anru.
« Je suis toujours le même, je ne changerai pas et vous pouvez compter sur moi », a déclaré Olivier Klein hier, visiblement soucieux de montrer tant aux salariés de l’Anru qu’aux élus présents que ses nouvelles responsabilités ne modifieraient ni sa vision des choses ni sa façon de faire. « Nos quartiers méritent le mieux, le beau, et doivent servir d’exemple », a insisté le ministre délégué, qui s’est félicité que « 99 % des programmes » (448 projets sur 453) aient désormais été validés en commission par l’Agence et soient donc lancés ou en phase de lancement. Après l’augmentation des crédits décidée lors de la précédente mandature, l’Anru a aujourd’hui « une capacité d’action de 12 milliards d’euros », ce qui est inédit.
« Tout décloisonner »
Christophe Béchu a ensuite pris la parole et a commencé par saluer « les engagements tenus » du président de son parti, Édouard Philippe, qui s’était « engagé en novembre 2019 à ce qu’un certain nombre d’agences de l’État et d’administrations centrales déménagent, pour marquer la volonté de l’État d’être plus présent sur les territoires ». Le déménagement de l’Anru en est le symbole, pour le maire d’Angers : « Que l’Agence nationale de rénovation urbaine soit en Seine-Saint-Denis plutôt qu’à Paris, à Pantin plutôt que rue de Vaugirard, cela a du sens, parce que cela veut dire qu’on s’applique à soi-même ce que l’on conseille aux autres. » Il est également revenu sur « l’intuition » qui a conduit à créer l’Anru, intuition de Jean-Louis Borloo qui a « compris que si on voulait y arriver, dans les quartiers, il fallait tout décloisonner, il fallait qu’on fasse tout en même temps ».
La « République des solutions »
Plus généralement, le ministre est revenu sur son ministère (il est à la fois chargé de la transition écologique et de la cohésion des territoires) et ses missions. Être présent au siège de l’Anru, c’est « être très exactement à l’endroit où la transition écologique et la cohésion des territoires se retrouvent ». Le sujet de la politique de la ville, a poursuivi le ministre, « n’est plus seulement, comme il y a 20 ans, le vivre-ensemble. C’est le vivre-ensemble en se souciant de la dette écologique que l’on va laisser aux générations futures ». Christophe Béchu a rappelé que les cinq millions d’habitants qui vivent dans les quartiers politique de la ville, « en plus de toutes les autres inégalités, sont victimes d’une nouvelle inégalité, l’inégalité écologique : ils vivent sur les îlots de chaleurs les plus denses et sont en première ligne de la facture énergétique liée aux passoires thermiques. Pour eux, c’est la double peine, la fin du monde et la fin du mois. » Or en moyenne, « la facture énergétique des logements accompagnés par l’Anru diminue de 50 % ».
Une autre leçon de l’Anru, a poursuivi Christophe Béchu, c’est qu’il faut « faire confiance aux élus locaux ». « Ce sont les maires qui décident des programmes, pas l’État, on met de l’argent sur la table et on fait confiance, on ne pilote pas d’en haut. » Il en va de même pour la transition écologique, selon le ministre : « Il y a partout en France une République des solutions qui sommeille. C’est celle du maire qui, localement, a trouvé le moyen de réduire l’empreinte carbone de sa commune. Ces bonnes pratiques, cette capacité de faire qu’ont les élus, les habitants, les associations, je rêve qu’elles soient recueillies et diffusées ».
« Débrancher le chiffre de 10 milliards »
Les deux ministres lors d’un point presse improvisé, ont répondu à quelques questions. L’occasion pour Maire info d’interroger Christophe Béchu sur l’effort financier de 10 milliards d’euros annoncé dans la campagne d’Emmanuel Macron, mais pas évoqué par la Première ministre, Élisabeth Borne, lors de son discours de politique générale (lire Maire info d’hier). Le ministre a confirmé que ce n’était plus à l’ordre du jour, pas plus que la contractualisation.
Le chiffre de 10 milliards a bien été « évoqué » pendant la campagne, a reconnu le ministre, mais c’était « dans un contexte qui n’était pas celui de l’inflation que nous connaissons » et, de plus, en « tendanciel », ce que « personne n’a entendu ». « Tendanciel », c’est un concept « plus compliqué que de raisonner en euros courants », a détaillé Christophe Béchu – qui a soutenu que ce chiffre de 10 milliards n’était pas à prendre en valeur absolue, mais « à considérer en fonction de la hausse globale des prix ».
Mais l’essentiel n’est pas là : le gouvernement a bel et bien renoncé à cette exigence. « Il va de soi que l’idée de penser que l’on va faire dans ce quinquennat la même chose que ce que l’on a fait dans le précédent, avec un contrat de Cahors, des objectifs, etc., n’existe pas. Je le dis de manière très claire. »
Christophe Béchu va également dans le sens des associations d’élus en disant que les collectivités « ont besoin de visibilité » – ce qu’elles ne cessent de réclamer. « La discussion que nous devons avoir avec elles doit être globale. Les collectivités sont des investisseurs cruciaux, elles ont besoin de visibilité. Il faut donc qu’on parle dépenses et qu’on parle recettes en même temps. C’est ce qui se passera à l’automne », c’est-à-dire lors de la discussion sur le projet de loi de finances. Mais le ministre souhaite « débrancher ce chiffre de 10 milliards ». Et d’être encore plus clair : l’inflation rend « caduque la façon dont les choses étaient posées il y a quelques mois ».
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