Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 2 novembre 2016
État civil

CNI : par décret, le gouvernement officialise le dessaisissement partiel des maires

Le décret paru dimanche « autorisant la création d’un traitement de données à caractère personnel relatif aux passeports et aux cartes nationales d’identité »  a fait déjà couler beaucoup d’encre, parce qu’il crée un fichier unique centralisé regroupant toutes les informations liées à la création d’une carte d’identité ou d’un passeport. Mais plus discrètement, ce décret acte aussi le dessaisissement d’un grand nombre de maires de la demande de carte d’identité.
Ce décret a d’ores et déjà été fortement critiqué dans les rangs mêmes de la majorité, notamment par le député Gaëtan Gorce, commissaire de la Cnil, qui a regretté que les réserves de la Cnil « n’aient pas été suivies ». Ce fichier, qui contiendra les éléments d’identité mais également les empreintes digitales et la photo de chaque citoyen, a pour objectif – d’après le gouvernement – la simplification et la sécurisation des procédures. Il sera consultable « dans la limite des besoins »  par les agents « des services centraux du ministère de l’Intérieur, des préfectures et des sous-préfectures », ainsi que par « les agents des communes individuellement désignés et dûment habilités par le maire ».
Mais il convient également de relever le discret article 19 du décret, qui dispose simplement que l’article 3 du décret du 22 octobre 1955 est « abrogé ». Il s’agit du décret instituant la carte nationale d’identité (CNI). Que dit l’article 3 ? Que les demandes de CNI « sont déposées auprès des maires ». C’était bien la norme jusqu’à présent : tout habitant d’une commune pouvait faire sa demande de carte d’identité dans sa mairie. Or, on sait que le gouvernement veut changer la donne : comme il est dit dans la notice du décret paru dimanche, « le principe de territorialisation des demandes de CNI »  est « supprimé », et « les demandes (…) pourront être déposées auprès de n’importe quelle mairie équipée d’un dispositif de recueil ». Les choses sont en effet plus compliquées qu’avant, puisque l’enregistrement d’une demande suppose d’être équipé de ce fameux « dispositif de recueil »  (ou DR), c’est-à-dire le matériel permettant de recueillir les empreintes digitales et de les numériser.
À ce jour, environ 2 000 communes sont équipées d’un DR permettant d’enregistrer les demandes de passeport biométrique.
Cette question fait l’objet de nombreuses discussions entre le ministère de l’Intérieur et l’AMF depuis des mois. Début octobre, les deux dirigeants de l’AMF, François Baroin et André Laignel, ont écrit à Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur, pour « l’alerter sur le dossier très sensible de l’instruction des CNI ». Si l’AMF comprend et dit « partager »  l’objectif de sécurisation que met en avant le gouvernement, elle se faisait l’écho, dans ce courrier, de la très vive opposition de nombreux maires à leur dessaisissement des demandes de CNI. « De très nombreux maires se sont littéralement insurgés contre (cette) disparition programmée », écrivaient les deux élus, la considérant comme « un nouvel affaiblissement de la commune ». Le courrier des dirigeants de l’AMF pointait également le problème financier pour les communes concernées – l’indemnisation pour l’acquisition du DR étant jugée « insuffisante ».
Bernard Cazeneuve a répondu par courrier à ces interrogations en assurant les maires que « les communes qui le souhaiteront pourront conserver un contact avec l’usager », en permettant, « sur la base du volontariat, une pré-demande en ligne de CNI ». Il a également accepté de flécher une rallonge de 4 millions d’euros, portant à 35,6 millions d’euros le dispositif d’indemnisation des communes pour l’acquisition des DR. Bernard Cazeneuve s’est également dit « pas opposé »  au renforcement du nombre de DR mobiles – ce qui correspond à une demande de l’AMF.
Ce matin, l’AMF indique qu’elle « veut poursuivre les négociations avec le ministère de l'Intérieur ». Jugeant que la mise en place de pré-demandes sera vécue par de nombreux maires comme « un pis-aller », l’association compte demander au ministre de l’Intérieur de revoir à la hausse le nombre de DR fixes et mobiles, pour permettre à toutes les communes qui le souhaitent de continuer à assurer ce service. Elle indique également qu’elle juge le calendrier du ministère – qui vise une généralisation du système en mars prochain – « beaucoup trop tendu ».
F.L.

Télécharger le décret.

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