Loi Climat et résilience : la commande publique se (re)met au vert
Par Caroline Reinhart
200 milliards d’euros par an : le poids de la commande publique dans l’économie française fait de ce secteur un levier essentiel de la transition écologique. Et si la prise en compte du développement durable dans la passation des contrats publics n’est pas neuve, elle sera plus contraignante avec la loi Climat et résilience – y compris pour les concessions.
Spécifications techniques
La loi du 22 août consacre l’atteinte de cet objectif en tant que principe général : « La commande publique participe à l’atteinte des objectifs de développement durable, dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale. » Plus neuf et contraignant, la loi Climat et résilience prévoit que « les spécifications techniques de l’offre devront intégrer les objectifs de développement durable, dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale ». Seuls les marchés et concessions de défense ou de sécurité pourront échapper à cette obligation.
Vigilance
Autre nouveauté : l’acheteur pourra exclure de la procédure de passation d’un marché public – mais aussi d’une concession –, les entreprises qui ne respectent pas leur obligation d’établir un plan de vigilance, « pour l’année qui précède l’année de publication de l’avis d’appel à la concurrence ou d’engagement de la consultation ». Néanmoins – ajout de la CMP : « une telle prise en compte ne peut être de nature à restreindre la concurrence ou à rendre techniquement ou économiquement difficile l’exécution de la prestation ».
Pour mémoire, la publication d’un plan de vigilance s’impose, depuis 2017, aux grandes entreprises et multinationales afin de prévenir les risques d’atteinte grave à l’environnement, aux droits humains, etc., induits par leurs activités.
Transparence
Par ailleurs, la loi renforce les obligations de transparence des acheteurs publics, dans le cadre des schémas de promotion des achats socialement et écologiquement responsables (Spaser). Obligatoires lorsque le montant total annuel des achats est supérieur à 100 millions d’euros HT, ces schémas devront intégrer « des indicateurs précis, exprimés en nombre de contrats ou en valeur et publiés tous les deux ans, sur les taux réels d’achats publics relevant des catégories de l’achat socialement et écologiquement responsable parmi les achats publics réalisés par la collectivité ou l’acheteur concerné. Il précise les objectifs cibles à atteindre pour chacune de ces catégories, notamment ceux relatifs aux achats réalisés auprès des entreprises solidaires d’utilité sociale (…), ou auprès des entreprises employant des personnes défavorisées ou appartenant à des groupes vulnérables ». Les nouveaux Spaser devront être publiés sur le site internet de l’acheteur. L’ensemble du dispositif entrera en vigueur le 1er janvier 2023.
Critère vert
Très discutée, l’obligation d’intégrer un « critère vert » dans le choix du soumissionnaire a été retenue dans le texte final. « Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l’offre économiquement la plus avantageuse sur la base d’un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution. Au moins un de ces critères prend en compte les caractéristiques environnementales de l’offre » (art. L. 2152-7 modifié du Code de la commande publique).
Sur l’exécution des prestations, la loi prévoit que « les conditions d’exécution prennent en compte des considérations relatives à l’environnement. Elles peuvent également prendre en compte des considérations relatives à l’économie, à l’innovation, au domaine social, à l’emploi ou à la lutte contre les discriminations ».
Clauses sociales
La loi Climat crée un nouvel article (L. 2112-2-1) au sein du Code de la commande publique pour consacrer les clauses sociales dans les marchés publics « dont la valeur estimée est égale ou supérieure aux seuils européens ». Le texte indique que « l’acheteur prévoit des conditions d’exécution prenant en compte des considérations relatives au domaine social ou à l’emploi, notamment en faveur des personnes défavorisées, dans ses marchés. ». Quatre dérogations sont admises : « Le besoin peut être satisfait par une solution immédiatement disponible ; une telle prise en compte n’est pas susceptible de présenter un lien suffisant avec l’objet du marché ; une telle prise en compte est de nature à restreindre la concurrence ou à rendre techniquement ou économiquement difficile l’exécution de la prestation » ; et enfin, « lorsqu’il s’agit d’un marché de travaux d’une durée inférieure à six mois ».
Travaux
Par ailleurs, l’article 39 de la loi impose aux acheteurs publics, à compter du 1er janvier 2030, l’usage de matériaux biosourcés ou bas-carbone « dans au moins 25 % des rénovations lourdes et des constructions relevant de la commande publique ». Le texte renvoie à un décret le soin de préciser les modalités d’application de cette nouvelle obligation, « en particulier la nature des travaux de rénovation lourde et les seuils au-delà desquels l’obligation est applicable aux acheteurs publics. »
Cantines
La loi Climat impose également de nouvelles obligations dans le cadre des marchés publics de restauration collective (art. 252) : « les gestionnaires, publics et privés, des services de restauration collective scolaire proposent, au moins une fois par semaine, un menu végétarien. Ce menu peut être composé de protéines animales ou végétales et respecte, lorsqu’elles s’appliquent, les règles relatives à la qualité nutritionnelle des repas prévues à l’article L. 230-5. Les gestionnaires veillent à privilégier des approvisionnements en produits agricoles et en denrées alimentaires répondant à des exigences en matière de qualité ou de préservation de l’environnement ».
À noter que par sa décision du 13 août, le Conseil constitutionnel a censuré l’article 38 de la loi, qui prévoyait la possibilité, jusqu’à une année après la fin de l’état d’urgence sanitaire, de conclure sans publicité ni mise en concurrence préalables, « un marché répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 euros HT et portant sur la fourniture de denrées alimentaires ».
Décision n° 2021-825 DC du Conseil constitutionnel.
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