Maire-info
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Édition du lundi 19 juillet 2021
Climat

Climat et résilience : retour sur le texte adopté en commission mixte paritaire

Le texte Climat et résilience issu de la commission mixte paritaire a finalement été mis en ligne vendredi soir. La lecture de ce texte pléthorique confirme qu'une bonne partie des ajouts du Sénat plutôt favorables aux communes et intercommunalités ont été supprimés de la version finale. 

Par Franck Lemarc

Il faudra, évidemment, du temps pour analyser dans le détail les quelque 315 pages que compte ce texte. Maire info reviendra donc, cette semaine, sur certains aspects clés de ce projet de loi sur lesquels députés et sénateurs ont réussi, en début de semaine dernière, à se mettre d’accord. On peut toutefois dès maintenant s’arrêter sur les quelques points durs sur lesquels l’AMF, notamment, avait porté une attention particulière. 

Financement de la transition écologique

Les sénateurs avaient tenté, une nouvelle fois, de permettre aux collectivités locales d’être dotées de moyens financiers pour financer la transition écologique, en leur attribuant une fraction de la taxe carburants, à hauteur de 5 ou 10 euros par habitant selon les cas. 

On sait les gouvernements successifs hostiles, depuis des années, à cette réforme. Elle a été supprimée en commission mixte paritaire (CMP).

Police de la publicité

L’article 6 du projet de loi a fait l’objet, tout au long de la navette parlementaire, d’âpres débats : le gouvernement avait prévu que la police de la publicité serait désormais exercée par les maires. Rappelons que jusqu’à maintenant, cette police est exercée par les préfets, sauf dans les communes et EPCI qui ont adopté un RLP (règlement local de publicité), ce qui entraîne le transfert de la police de publicité aux maires ou présidents d’EPCI. 

L’AMF s'était interrogée sur la volonté de transférer dans tous les cas la police de la publicité aux maires, notamment dans les plus petites communes – cette compétence étant complexe, nécessitant ingénierie et ressources et risquant, de surcroît, de placer les maires dans une situation difficile vis-à-vis de leurs administrés. Lors des débats, un député avait assez justement qualifié cette réforme de « patate chaude que l’on refile aux maires sous prétexte de décentralisation ». 

En CMP, cette disposition a été rétablie : « Les compétences en matière de police de la publicité sont exercées par le maire au nom de la commune. »  Plusieurs dispositions souhaitées par le Sénat ont néanmoins subsisté : notamment le fait que dans les métropoles, le président se verra transférer automatiquement les attributions des maires en matière de police de la publicité.

Mais deux points importants sont à retenir : d’abord, la possibilité pour des maires de refuser le transfert de cette compétence à un président d’EPCI. Et surtout, le fait que cette décentralisation de la police de la publicité ne pourra entrer en vigueur que « sous réserve de l’adoption en loi de finances de dispositions compensant les charges résultant, pour les collectivités concernées, des compétences transférées ». Ce qui répond, en partie, aux demandes de l’AMF, qui s’inquiétait d’un transfert de compétences sans compensation ; mais ce qui ne règle pas, pour l’essentiel, les problèmes soulevés par les associations d’élus. 

Zones à faibles émissions (ZFE)

Les sénateurs avaient apporté des souplesses sur les ZFE-m (zones à faibles émissions mobilité), en retardant sur ces territoires l’interdiction des véhicules diesel antérieurs à 2010. La date butoir passait, dans la rédaction du Sénat, à 2030. Les députés n’ont pas cédé sur ce point, et dans la version finale, on en revient à la version souhaitée par le gouvernement (article 27) : les véhicules diesel devront disparaître des ZFE-m, de façon échelonnée, entre 2023 et 2025, selon leur date de première immatriculation. 

La CMP a, en revanche, maintenu pour les maires la possibilité ajoutée par les sénateurs (et souhaitée par l’AMF), de refuser le transfert aux EPCI des compétences liées aux ZFE (à la majorité d’un quart des communes membres ou les communes représentant un quart de la population du groupement).

Autre point maintenu après la CMP : la possibilité de ne créer les ZFE-m que sur le territoire le plus peuplé d’une agglomération, pour éviter que les ZFE couvrent des zones peu denses ; les possibilités de dérogations prévues par les sénateurs pour accéder aux ZFE ont été maintenues, elles seront définies par arrêté. 

Moulins à eau

Pas de débats en CMP sur l’article 19 bis C, puisque les deux assemblées l’avaient voté dans les mêmes termes : il sera désormais interdit de détruire des moulins à eau pour garantir la continuité écologique (circulation des poissons). Cet article figurera donc dans le texte final.

Obligations de débroussaillement

En revanche, une disposition votée par les sénateurs, qui prévoyait la possibilité, pour les maires, de mettre en œuvre des obligations de débroussaillement en dehors des zones particulièrement soumises au risque incendie, a disparu après la CMP. 

Éolien : pas de droit de véto pour les maires

Le Sénat avait décidé que les maires disposeraient d’un droit de véto sur l’implantation des éoliennes terrestres sur leur territoire. Le conseil municipal devait se prononcer « par délibération motivée », soit pour rendre un avis favorable, soit pour interdire l’implantation, soit pour décider de l’organisation d’un référendum local. 

En CMP, ce droit de véto a été supprimé, et remplacé par une simple consultation du conseil municipal, qui ne pourra que « formuler des observations ». 

Artificialisation : compromis sur la définition

De longs débats ont agité le Parlement sur la définition de l’artificialisation des sols. Dans le texte initial, une définition très large avait été retenue : « Un sol est regardé comme artificialisé si l’occupation ou l’usage qui en est fait affectent durablement tout ou partie de ses fonctions. »  L’Assemblée avait un peu précisé cette définition, mais c’est surtout le Sénat qui était allé plus loin, en disposant d’une part que les friches devaient être considérées comme des surfaces artificialisées, que par ailleurs étaient considérées comme artificialisée « une parcelle dont les sols sont majoritairement imperméabilisés en raison du bâti ou d’un revêtement, stabilisés et compactés, ou constitués de matériaux composites ». À l’inverse, pour le Sénat, « n’est pas considérée comme artificialisée une parcelle majoritairement constituée soit de surfaces naturelles nues ou couvertes d’eau, soit de zones végétalisées constituant un habitat naturel, utilisées à usage de cultures, ou attenantes au bâti ». 

La version retenue en CMP fait le compromis entre ces différentes définitions, retenant une partie de celle du Sénat mais sans inclure les friches dans les surfaces artificialisées. Il n’était donc pas tout à fait exact de dire, comme l’a fait le cabinet de Barbara Pompili lors d’un point presse la semaine dernière, que la CMP était revenue à la définition du gouvernement et de l’Assemblée nationale. 

Quoi qu’il en soit, il faudra surtout guetter le décret à paraître, qui établira « une nomenclature des sols artificialisés »  ainsi que « l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée dans les documents de planification et d’urbanisme ». 

Littoral : pas de droit d’option pour les communes

Enfin, la CMP a adopté une version de compromis des articles 58 et suivants, concernant les communes littorales soumises à l’érosion du trait de côte. Maire info reviendra dans une prochaine édition sur ce passage très complexe de la loi, mais on peut retenir un recul en CMP : sur l’établissement par les communes concernées d’une « carte locale d’exposition ». Le texte initial prévoyait que l’établissement de cette carte serait obligatoire ; le Sénat avait voté son caractère facultatif. En CMP, députés et sénateurs ont choisi le retour à l’obligation. 

Le texte doit maintenant être formellement adopté par les deux chambres avant d’être promulgué. Son examen et les débats qui l’ont marqué montrent – comme le montrent aussi les discussions sur le texte 3DS – que le chemin est encore long pour voir un gouvernement faire réellement confiance aux collectivités locales – sur le terrain de la transition écologique comme sur tous les autres.

Accéder au texte de la CMP.

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