Climat et résilience : les sénateurs veulent résoudre la question du transit des poids lourds dans les communes
Par Franck Lemarc
Il a fallu deux jours de débats aux sénateurs pour venir à bout du titre III du projet de loi Climat et résilience, sur lequel la Haute assemblée avait des divergences profondes avec l’Assemblée nationale et le gouvernement. Les sénateurs, en séance, ont confirmé les principaux apports adoptés en commissions et ajouté d’autres modifications. On peut retenir notamment la diminution du taux de TVA à 5,5 % pour les billets de train, la limitation des capacités aéroportuaires, l’objectif d’un doublement de la part modale du fret ferroviaire et fluvial d’ici 2030. En matière de vélo, le Sénat a adopté le principe d’un soutien à la création de parcs de stationnement sécurisés dans les parkings relais en entrées d’agglomération et celui d’un apprentissage « gratuit et universel » du vélo pour les enfants.
Écotaxe régionale repoussée à 2028
Le Sénat s’est frontalement opposé au gouvernement en repoussant à 2028 la possibilité d’instaurer une écotaxe régionale sur la circulation des poids lourds. Le projet de texte initial prévoyait d’habiliter le gouvernement à prendre par ordonnance sous 24 mois « toute mesure permettant aux régions d'instituer des contributions spécifiques assises sur le transport routier de marchandises empruntant les voies du domaine public routier national mises à leur disposition dans le cadre d'une expérimentation ». Problème principal soulevé par le Sénat : ce dispositif ne sera possible qu’à partir du moment où une partie du réseau routier aura été concédée aux régions, ce qui ne sera le cas… qu’après application de la future loi 4D, dont l’examen n’a même pas encore commencé au Parlement. Il s’agit là, a estimé la sénatrice Françoise Gatel, hier, « d’une incongruité législative inégalée ». Par ailleurs, plusieurs sénateurs ont critiqué le principe d’une écotaxe « régionalisée », qui entraînerait « des disparités fiscales entre territoires et une rupture d'égalité devant l'impôt, (et) concentrerait les flux de circulation sur certains axes, à rebours de l'objectif environnemental » (Pierre-Antoine Levi).
Le Sénat a donc confirmé le choix fait en commission : reporter la mise en place du dispositif à 2028, si et seulement si le secteur du transport routier ne parvenait pas, d’ici là, à réduire ses émissions de gaz à effet de serre « de façon significative ».
Nouveaux amendements sur les ZFE
D’âpres débats ont aussi eu lieu sur les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Rappelons que le projet de loi prévoit une modification des conditions rendant obligatoire la création de ces ZFE : alors que la loi d’orientation des mobilités conditionnait la création d’une ZFE à des critères environnementaux (non-respect des normes de qualité de l’air), le projet de loi Climat et résilience les rend obligatoires dans toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants.
En commission, les sénateurs ont décidé que ces ZFE nouvelles pourraient n’être créées que sur le territoire de l’EPCI le plus peuplé de l’agglomération – pour éviter des ZFE-m qui couvriraient aussi des zones peu denses. Toujours en commission, ils ont prévu un mécanisme permettant à une minorité de blocage de refuser le transfert au président de l’EPCI des compétences afférentes à la ZFE : l’amendement « prévoit un mécanisme permettant d'empêcher le transfert automatique des compétences et des prérogatives des maires en matière de ZFE-m au président de l'établissement public de coopération intercommunale si un quart des maires, ou si les maires représentant au moins un quart de la population de l'établissement ou du groupement s'y opposent ». Cette disposition était souhaitée par l’AMF.
En séance, les sénateurs ont adopté un amendement prévoyant que l’arrêté qui instaure la ZFE-m devra prévoir « les catégories de véhicules concernés et les motifs légitimes pour lesquels une dérogation [à l’interdiction de circulation] est possible ». Ces dérogations pourraient par exemple répondre à « un motif impérieux de santé, convocation à un tribunal, etc. » ; ou encore permettre à un automobiliste de pénétrer dans la ZFE pour se rendre dans un centre de contrôle technique.
Transit des poids lourds dans les communes
Enfin, un article additionnel a été ajouté au texte pour tenter de remédier aux problèmes posés par le report du trafic de poids lourds vers le réseau secondaire. L’article reprend plusieurs propositions du rapport Bonnefoy-Pointereau sur le transport de marchandises, rendu public le mois dernier. D’abord, il prévoit de recenser par arrêté ministériel les communes et EPCI « affectés de manière significative (…) par un trafic en transit de véhicules lourds de transport de marchandises contournant une voie autoroutière proche ». Dans chaque commune ou EPCI figurant dans cette liste, le préfet devrait réunir les élus, les représentants des riverains et ceux des transporteurs pour « élaborer un plan d’actions visant à réduire les nuisances », pouvant aller jusqu’à « des interdictions de circulation sur certains tronçons ». En l’absence de ce plan d’action, pouvoir serait donné au maire ou au président d’EPCI de créer des « zones de réduction des nuisances (…) sur tout ou partie du territoire de la commune ou de l’EPCI ».
Ces zones de réduction des nuisances seraient délimitées par arrêté, soumis à l’accord du préfet et du président du conseil départemental et à l’avis des autorités organisatrices et des communes limitrophes.
Ce dispositif a recueilli un avis défavorable du ministre chargé des Transports, Jean-Baptiste Djebarri, qui l’a estimé « disproportionné », et a jugé que les maires disposaient déjà de prérogatives leur permettant de « prendre des mesures de limitation ». L’amendement a, pour autant, été voté avec enthousiasme par les sénateurs.
L’examen du projet de loi au Sénat se terminera mardi. Lundi, Maire info reviendra sur les débats concernant la gestion du recul du trait de côté, sujet essentiel pour les communes littorales.
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