Clarification des compétences : une loi d'ici « la fin de l'année 2024 »
Par Xavier Brivet et Franck Lemarc
Gabriel Attal avait promis, pendant son discours de politique générale devant les députés, mardi, qu’il reviendrait « longuement » sur sa « stratégie pour les territoires » devant le Sénat, le lendemain. Hier, reproduisant l’exercice au Palais du Luxembourg, le Premier ministre a en effet donné un certain nombre de pistes sur sa vision de la décentralisation et des relations entre l’État et les collectivités locales, sans toutefois aller plus loin que ce que le président de la République dit depuis plusieurs mois. Il n’a, en revanche, guère été plus précis sur les annonces faites la veille et qui soulèvent beaucoup de questions.
Simplification et clarification
Après avoir rendu un vibrant hommage aux élus locaux et à leur engagement, Gabriel Attal a indiqué qu’il souhaite s’attaquer à l’enchevêtrement des compétences entre les collectivités, qualifié de « véritable casse-tête, (…) inefficace, (…) dangereux démocratiquement car les citoyens sont perdus ». Ses priorités seront « la simplification et la clarification » en dépassant « les débats stériles sur l’échelon à conserver ou à supprimer ». Pour le Premier ministre, « pour une compétence, il faut un responsable et un financement dédié ». Il souhaite « qu’une loi, construite avec les associations d’élus, soit présentée avant la fin de l’année 2024 pour tirer les conclusions de la mission confiée [par le chef de l’État] à Éric Woerth », qui rendra ses premières conclusions d’ici au printemps, et des propositions des parlementaires. Il y a, cependant, de quoi s'étonner que le Premier ministre aille jusqu'à dire que la question des compétences et leur « enchevêtrement » serait « le cocktail parfait pour faire le lit des populistes », tant il semble que bien d'autres causes alimentent l'exaspération de la population et le vote populiste.
Le chef du gouvernement s’est engagé à « simplifier drastiquement » les normes pesant sur les collectivités et a annoncé « une réforme du droit de dérogation » pour « casser les carcans qui brident les initiatives des élus locaux », sans plus de précision. Parallèlement, Gabriel Attal estime que « le préfet doit avoir autorité sur les opérateurs de son département pour mieux coordonner leur action » et il a promis « sur tous ces sujets des mesures fortes dans les six mois ».
On est donc loin, quoi qu'il en soit, de la « grande ambition décentralisatrice » réclamée par les associtions d'élus et un moment affichée par le chef de l'État. Il n'a pas été question de décentralisation du logement dans le discours du Premier ministre, par exemple, et les mesures qu'il a mises en avant, si elles seront certainement bienvenues chez élus, manquent clairement d'ambition.
Sur le plan financier, après s’être félicité de la hausse de la dotation globale de fonctionnement (DGF), depuis deux ans, il a indiqué vouloir « aller plus loin », souhaitant que « les préfets aient désormais une vision pluriannuelle, jusqu’en 2027, des dotations d’investissement pour mieux accompagner les collectivités et leur donner de la visibilité dans leurs projets ».
Gabriel Attal veut « alourdir les peines prévues contre ceux qui attaquent les élus » – la proposition de loi Buffet, en cours de discussion, prévoit déjà des mesures en la matière (lire article ci-contre). Il veut « mettre en place un véritable statut de l’élu » en s’appuyant sur les nombreuses propositions des parlementaires et des associations d’élus. « Je souhaite que des propositions puissent aboutir d’ici la fin du premier trimestre ».
Le Premier ministre a confirmé une réforme du « mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille » avec « un principe simple : un électeur, une voix. Chaque électeur doit pouvoir élire son maire beaucoup plus directement. Un texte sera présenté d’ici la fin de l’année ». Peut-être que le gouvernement pourrait également s’appuyer sur une proposition de loi déjà déposée en décembre dernier, en l’occurrence, par les députés de la majorité. Ce texte vise à supprimer les dispositions spécifiques pour l’élection des conseils municipaux de Paris, Lyon et Marseille, et à créer trois seuils supplémentaires pour la composition des conseils municipaux, actuellement plafonnés à 69 membres. Selon ces seuils, le conseil municipal pourrait être composé de 73 membres à Lyon, 101 à Marseille et 163 à Paris.
Inflexions
Plus généralement, le Premier ministre a résumé devant les sénateurs les annonces faites la veille devant les députés, lors d’un discours plus resserré. Mais sans apporter, pour l’instant, les clarifications attendues par beaucoup. Sur le logement, en particulier, Gabriel Attal a repris sa formule assez floue selon laquelle les maires « auront la main pour la première attribution de logements sociaux ». Il a également confirmé l’introduction d’une part de logements intermédiaires dans le calcul de la part « SRU » de logements sociaux, mais a ajouté : « Je veux le dire aussi clairement à ceux qui s’inquiètent : dans les communes soumises à la loi, nous maintiendrons évidemment une exigence d’un nombre minimal de logements très sociaux. »
À noter également une légère inflexion, mais qui a son importance : alors qu’il avait affirmé la veille, toujours en matière de logement, que le gouvernement allait « lever les contraintes sur le zonage », il a parlé hier de lever « certaines » contraintes sur le zonage, ce qui semble plus raisonnable.
On remarquera également une autre inflexion entre les deux discours, qui n’est peut-être pas fortuite. Devant l’Assemblée nationale, le Premier ministre avait dit vouloir renforcer, afin de maîtriser le déficit, « les revues de dépenses, auxquelles tous les ministères et tous les secteurs de l’action publique seront associés », ce qui laissait penser que les collectivités territoriales, ou certaines d’entre elles, pourraient y être soumises. Devant le Sénat, hier, Gabriel Attal n’a évoqué qu’une revue de dépenses « qui concernera tous les ministères ».
Régions de France demande « des actes »
L’association Régions de France, qui n’avait pas réagi au discours de mardi, l’a fait hier soir, en demandant que sur le sujet de la décentralisation et de la réforme des institutions, le gouvernement « passe de la parole aux actes ». Régions de France a bien noté que les déclarations de Gabriel Attal devant le Sénat sont la reprise de celles d’Emmanuel Macron, depuis plus d’un an, mais que ces déclarations tardent à se concrétiser. Carole Delga, présidente de Régions de France, demande donc « des actes », estimant qu’il est urgent de « renforcer le pouvoir réglementaire des collectivités et de leur garantir la capacité financière d’agir dans la durée », et appelant à « clarifier les compétences des régions (…) en supprimant les redondances avec l’État ».
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