Un rapport sénatorial sur l'engagement de la jeunesse met l'accent sur le rôle des collectivités locales
Par Franck Lemarc
C’est un rapport qui tombe à point nommé, au moment où 69 % des jeunes de 18-24 ans et 71 % des 25-34 ans n'ont pas voté au premier tour des législatives, dimanche dernier. Les auteurs du rapport, Stéphane Piednoir et Henri Cabanel, constatent en avant-propos une forme de contradiction entre, d’une part, cette désaffection pour les élections et la montée de comportement inciviques et, d’autre part, la volonté de nombreux jeunes de participer, d’une autre manière, à la vie sociale – rencontres citoyennes, démocratie participative, engagement associatif, etc.
Parcours citoyen
Les rapporteurs concluent leurs travaux d’investigation (27 auditions plénières et une consultation des élus locaux) par l’idée que la culture citoyenne peut s’acquérir à travers « un parcours citoyen » commençant à l’école, via l’enseignement moral et civique (EMC) – dont la mission constate surtout pour l’instant « les limites » –, puis à travers la journée défense et citoyenneté, « lointaine héritière du service national obligatoire », et qui « doit retrouver sa vocation initiale de rendez-vous d’un jeune avec les armées ». Enfin, estiment les sénateurs, il faut renouer avec « une participation active des citoyens à la décision politique, ce qui passe par une modernisation du processus électoral », et « faire des jeunes des vrais acteurs de la vie démocratique, en commençant à l’échelon local ».
Moderniser le processus électoral
Le rapport (de près de 400 pages) est émaillé de plusieurs propositions sur tous ces sujets : « recentrer » l’éducation morale et civique sur le fonctionnement des institutions, développer les missions d’intérêt général dans le cadre du SNU (service national universel), développer le « devoir de mémoire », notamment au sein des collectivités territoriales, en donnant davantage de place aux jeunes dans les cérémonies mémorielles, développer le service civique.
Au chapitre de la « modernisation du processus électoral », les sénateurs proposent que de grandes campagnes d’information soient organisés sur les réseaux et applications les plus fréquentés par les jeunes, pour leur faire mesurer les enjeux du scrutin ; mais aussi de « généraliser la double procuration », de « dématérialiser l’envoi des professions de foi » et « d’expérimenter le vote électronique dans certains territoires lors d’élections locales ». À la suite de ces expérimentations, une « réflexion » pourrait s’ouvrir sur le vote en ligne, au niveau parlementaire.
Les maires « les mieux placés »
Sur la question de la vie politique et démocratique locale, les sénateurs font une proposition intéressante : celle de créer un « statut de l’élu étudiant » : il s’agirait de permettre aux élus locaux (municipaux, régionaux ou départementaux) inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur de bénéficier, à l’instar des salariés, « d’aménagements » dans leur emploi du temps pour faciliter l’exercice de leur mandat.
Les sénateurs invitent aussi les élus à multiplier les « conseils de jeunes », et surtout à leur donner un caractère efficient, « en leur confiant de vrais projets », afin de les « responsabiliser ». Et de conclure : « Les maires sont les mieux placés pour soutenir le développement de la citoyenneté ». La mission a constaté de très nombreuses initiatives mises en place par les élus locaux et appelle à la « généralisation » de ces bonnes pratiques.
Consultation des élus
En annexe du rapport, les sénateurs font la synthèse de la consultation des élus locaux qui a eu lieu en janvier et février dernier, qui a permis de recueillir l’avis de quelque 2 300 élus, dont 82 % d’élus municipaux. De nombreuses questions étaient posées aux élus, dont la place des jeunes dans leur assemblée délibérante, la présence ou non d’un conseil des jeunes dans leur collectivité, le recours au service civique, etc.
Parmi les réponses les plus frappantes, il apparaît que 40 % des répondants disent appartenir à une collectivité où pas un seul membre de l’assemblée délibérante n’a moins de 30 ans. Moins de1 % des répondants (0,6 %) font étant d’une assemblée comprenant au moins 50 % d’élus de moins de 30 ans. Conclusion des rapporteurs : il faut « une véritable remise en question des méthodes de travail des élus et à une adaptation du fonctionnement des institutions aux besoins et aux attentes des jeunes. La priorité est de leur faire confiance, de les consulter sur leurs attentes, en un mot de « leur ouvrir la porte » des institutions ; de nombreuses réponses appellent de manière générale à donner de vraies responsabilités aux jeunes au sein des collectivités territoriales, « ce qui doit aller de pair non seulement avec un effort en termes d’autonomie financière des jeunes, mais aussi avec des adaptations du statut de l’élu, plus particulièrement pour mieux concilier l’exercice de responsabilités locales avec la poursuite d’études ».
Plusieurs idées ont été lancées par les répondants à cette consultation pour mieux associer les jeunes à la vie municipale : accueillir les jeunes de troisième à des stages d’observation en mairie, « prévoir des passages réguliers obligatoires en mairie à différentes étapes de la vie » (recensement, accès à la majorité, etc.). Les rapporteurs mettent enfin l’accent sur la nécessité de « faire confiance » aux jeunes, de sortir d’un discours moralisateur et culpabilisant.
Le rapport se termine sur un bilan des conseils de jeunes, présents dans environ 30 % des collectivités répondantes. « La tonalité d’ensemble des réponses » sur ce sujet est « positive, voire très positive », avec, parmi les qualificatifs qui reviennent le plus souvent, « engagés, investis, créatifs, énergiques, mobilisés, enthousiastes, vivants, impliqués, dynamiques… ». Une image qui rompt, en effet, avec celle de jeunes qui ne souhaiteraient pas s’engager dans la vie sociale, et qui incite à un certain optimisme.
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