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Édition du mardi 18 février 2025
Cirques

Les Sages confirment l'interdiction de l'utilisation des animaux dans les seuls cirques « itinérants »

C'est sur un sujet très particulier qu'a dû se prononcer le Conseil constitutionnel, le 14 février : l'association One Voice a posé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) concernant la loi de 2021 qui interdit l'utilisation d'animaux dans les cirques itinérants. La question posée par l'association pose, en filigrane, celle de l'égalité entre humains et animaux – question que les Sages ont évitée. 

Par Franck Lemarc

La loi du 30 novembre 20201 « visant à lutter contre la maltraitance animale »  est bien connue du monde des circassiens : c’est l’article 46 de cette loi qui interdit « d’acquérir, de commercialiser et de faire se reproduire »  des animaux non domestiques « en vue de les présenter au public dans des établissements itinérants »  (depuis 2023), et qui interdit « la détention, le transport et les spectacles »  incluant ces animaux, toujours dans les cirques itinérants, à compter de 2028. 

L’association One Voice a porté devant le Conseil d’État, puis devant le Conseil constitutionnel, sous forme de QPC, une question qui n’a en soi rien d’absurde : pourquoi cette interdiction ne touche-t-elle que les cirques itinérants et pas les cirques fixes ? Comme bon nombre d’associations qui luttent contre la maltraitance animale, One Voice milite pour l’interdiction de l’utilisation des animaux dans tous les cirques, fixes ou itinérants. 

Antispécisme

Mais les arguments juridiques mis en avant par l’association sont beaucoup plus problématiques. En effet, One Voice demandait au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution les mots « dans des établissements itinérants », au motif, notamment, que ces mots « instaurent une différence de traitement injustifiée entre les animaux détenus par un établissement de spectacle, selon que celui-ci est itinérant ou fixe, alors que tous ces animaux (subissent) des souffrances liées à leur exploitation à des fins de divertissement ». Cette disposition serait contraire à la Constitution puisqu’elle méconnaîtrait « le principe d’égalité devant la loi ». 

Le problème est évident : le principe d’égalité devant la loi, tel qu’il figure dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (« la loi est la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ), s’applique… aux « hommes et aux citoyens », c’est-à-dire aux humains. Dire que la différence de traitements entre animaux, selon qu’ils appartiennent à un cirque itinérant ou pas, est une rupture du principe d’égalité devant la loi implique de penser que ce principe s’applique aussi bien aux humains qu’aux animaux. 

Cela n’a rien de surprenant de la part de l’association One Voice, dont c’est précisément l’objet : son nom (qui signifie « une voix » ), exprime cette conviction – comme on peut le lire sur le site de l’association – qu’il faut parler « d’une voix »  pour « les animaux humains et non humains ». One Voice est un représentant du courant que l’on appelle « anti-spéciste », c’est-à-dire considérant que l’espèce humaine ne doit être considérée ni à part ni encore moins au-dessus des autres espèces. Ce courant assimile le fait de traiter les animaux en « inférieurs »  à une forme de racisme. Il milite donc contre toute utilisation « à des fins d’exploitation »  des animaux. 

En posant cette QPC, One Voice a donc tenté de faire admettre au Conseil constitutionnel que le principe d’égalité devant la loi implique… les animaux. 

Une réponse prudente

Les Sages ont habilement évité le problème, en ce sens qu’ils ne se sont pas prononcés sur cette question. Le Conseil constitutionnel n’a reconnu aucun caractère inconstitutionnel à cette loi, mais sans réellement aborder la question de l’éventuelle « égalité devant la loi »  des animaux : il se borne à demander si la différence faite entre cirques itinérants et non itinérants est « justifiée »  ou pas, rappelant, comme toujours en pareil cas, que le principe d’égalité « ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ». Or, poursuivent les Sages, le législateur a voulu, par ces dispositions, « mettre un terme aux souffrances animales résultant spécifiquement des déplacements »  auxquels sont exposés les animaux des cirques itinérants. La différence de traitement est donc « fondée sur une différence de situation », et ne pose pas de problème constitutionnel. 

Que faut-il tirer de cette décision ? D’un côté, les Sages ne se sont pas clairement exprimés sur le fond, c’est-à-dire s’il est pertinent, ou pas, de considérer que la loi fondamentale écrite pour les humains s’applique aux animaux. D’un autre côté, le simple fait de répondre à la question – même pour conclure qu’il n’y a pas de rupture d’égalité –  est une façon de dire à demi-mot que la question n’est pas absurde. 

Quoi qu’il en soit, la décision du Conseil constitutionnel vis-à-vis de la question posée est claire : sauf évolution ultérieure de la loi, seuls les cirques itinérants se verront interdire, en 2028, les spectacles impliquant des animaux non domestiques.

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