Brutal clap de fin pour les cirques avec animaux et les delphinariums
La ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a annoncé ce matin la fin programmée de l’utilisation des animaux « issus d’espèces sauvages » dans les cirques itinérants, ainsi que la fermeture progressive des delphinariums. Une annonce attendue, mais qui va être fatalement extrêmement difficile à digérer pour le monde circassien, à qui la ministre a promis « accompagnement et aides ».
Depuis plusieurs années, la question du bien-être animal prend de plus en plus d’ampleur dans le débat public, qu’il s’agisse de la gestion des élevages, des abattoirs, des parcs zoologiques ou des cirques. Dans ce débat, les maires sont souvent pris entre le marteau et l’enclume, entre, d’une part, la volonté de soutenir l’activité des cirques et, d’autre part, les revendications – parfois accompagnées d’actions violentes – des militants de la cause animale.
Face à cette situation, certains maires ont décidé de prendre des arrêtés pour interdire l’installation de cirques avec animaux sur le territoire de leur commune – Barbara Pompili a estimé, ce matin, que de tels arrêtés ont été pris dans environ 400 communes. Ces décisions ont fait débat, puisque, comme l’avait rappelé François Baroin, président de l’AMF, en 2017, il ne peut appartenir aux élus de décider de la légalité ou non de la présence des animaux dans les cirques, autorisée et strictement encadrée par la réglementation, considérant que le traitement de cette question ne peut s’établir qu’au niveau législatif. Un point de vue confirmé par une circulaire gouvernementale, toujours en 2017, rappelant que de tels arrêtés devaient être rejetés par les préfets au titre du contrôle de légalité.
Plus récemment, dans le cadre des travaux sur le bien-être animal engagés en 2019 par les services de l’Etat, le bureau de l’AMF a tenu à souligner les incidences potentiellement catastrophiques de l’interdiction de l’utilisation des animaux sur le secteur circassien, avec des reconversions difficiles et des impacts sur les politiques d’animation des communes concernées. Il a considéré qu’une telle décision ne saurait être prise sans un calendrier progressif et sans un accompagnement effectif des professionnels.
« La fin d’une période »
C’est ce vers quoi l’on se dirige, a annoncé Barbara Pompili ce matin. Et même si cette décision, a-t-elle précisé, a été prise après une large concertation avec les circassiens, il ne fait pas de doute que la pilule sera difficile à avaler pour ceux-ci. « Nous allons vers la fin de l’utilisation des animaux issus d’espèces sauvages dans les cirques », a en effet annoncé la ministre dans une conférence de presse, à 9 h ce matin. « Il n’est pas raisonnable de transporter des animaux de communes en communes. C’est la fin d’une période. » La décision est donc prise mais, a affirmé la ministre, elle sera appliquée de façon progressive, sur plusieurs années. Se refusant de donner des dates (« j’ai une fourchette en tête, les circassiens vous la donneront », a-t-elle répondu aux journalistes sur ce sujet), la ministre a évoqué une interdiction qui se fera « par étapes », en commençant « par les animaux les plus inadaptés au transport », citant les hippopotames et les éléphants, puis dans un deuxième temps les fauves.
Cette interdiction va s’accompagner d’une « aide à la reconversion ». D’une part, pour les personnels des cirques directement impliqués (dompteurs, soigneurs…), qui devront être aidés pour retrouver un emploi ; d’autre part, pour les cirques eux-mêmes, qui devront se réorienter vers « les arts du cirque » sans animaux. Barbara Pompili a évoqué une enveloppe de « 8 millions d’euros » pour financer ces aides. Selon les chiffres de la ministre, il existe environ 80 cirques itinérants avec animaux en France, comptant en tout environ 230 animaux.
Interdiction des delphinariums
Les cirques ne sont pas les seuls concernés par les décisions gouvernementales. La ministre a également annoncé la fermeture des delphinariums et l’interdiction de l’utilisation, à des fins de spectacle, des orques et des dauphins. Quatre structures proposent, en France, de tels spectacles. Dès à présent, l’introduction de nouveaux animaux et la reproduction en captivité vont être interdits. Sous « deux ans » l’utilisation des orques sera proscrite ; sous « sept ans », celle des dauphins. Le gouvernement travaille, par ailleurs, à la création d’un « sanctuaire » pour accueillir les animaux issus de ces structures. Des mesures seront prises pour « accompagner » les salariés. À titre d’exemple, une structure comme le parc Marineland, à Antibes, représente quelque 400 emplois.
« Aider plutôt que stigmatiser »
Barbara Pompili n’a pas nié que ces annonces étaient « forcément difficiles » pour les professionnels, mais s’est engagée à ce que le gouvernement « ne laisse personne au bord du chemin » et « accompagne chacun ». Elle a lancé un appel aux communes pour « aider » dans cette période de transition. « Nos décisions ne sont en rien une remise en cause de l’existence des cirques », a précisé la ministre, « au contraire ». « Il y a une montée de l’envie de cirque, il faut maintenant aider les cirques à se réinventer. » Elle en appelle donc aux maires, y compris ceux qui ont par le passé pris des arrêtés interdisant les cirques avec animaux sur le territoire de leur commune : « Je demande aux collectivités de nous aider et d’aider (les circassiens). Notre responsabilité, c’est de les aider plutôt que de les stigmatiser. »
Des élus surpris
Interrogés par Maire info ce matin, dans la foulée des annonces de la ministres, plusieurs élus bons connaisseurs du sujet se disent pour le moins « surpris ». D’abord et avant tout par le calendrier : les élus se sentent mis devant le fait accompli. « Je suis très étonné que cette décision n’ait pas été discutée en Commission nationale des professions foraines et circassiennes », estime Bertrand Ringot, maire de Gravelines et co-président du groupe de travail Fêtes foraines à l’AMF. « Bien sûr, une telle décision est évoquée depuis longtemps, mais l’annoncer comme cela… surtout en ce moment. C’est surprenant. » Un avis que partage Arnaud Tanquerel, premier adjoint au maire de Bayeux, également très impliqué sur ces sujets. « Était-ce le meilleur moment ? N’y a-t-il pas en ce moment d’autres sujets plus urgents ? Dans une période extrêmement difficile pour les professions du spectacle, cela donne un peu l’impression que le gouvernement tire sur une ambulance. » Des propos très similaires à ceux de Bertrand Ringot, qui craint que l’on « enlève une bouée à des gens qui sont en train de se noyer ».
Car Arnaud Tanquerel, s’il ne nie pas qu’il s’agisse d’un « sujet de crispation », rappelle qu’il faut « apporter beaucoup d’humain sur ces sujets » : « Ce sont des familles entières qui vont être impactées, l’histoire d’une vie qui va être remise en cause. » L’élu estime que le « flou total » entretenu par la ministre sur le calendrier ne va pas aider les élus à gérer la situation. Et il ne voit pas plus que Bertrand Ringot quel rôle pourraient jouer les collectivités pour « aider à la reconversion », comme l’a demandé la ministre. L’enjeu majeur, estime-t-il, « c’est qu’un travail sérieux soit enfin mené au niveau du ministère de la Culture pour mettre en place une vraie ambition pour les cirques itinérants », qui souffre d’un profond décalage de reconnaissance avec les cirques de création.
On notera, au passage, que n’étaient présents ce matin, lors de la conférence de presse de Barbara Pompili, ni le ministère de la Culture ni celui de l’Intérieur, pourtant directement impliqué dans la Commission nationale des professions foraines et circassiennes.
Franck Lemarc
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