Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du lundi 20 mars 2023
Réforme des retraites

Censure : les différents scénarios

C'est aujourd'hui que vont être débattues les motions de censure répondant à l'engagement de la responsabilité du gouvernement, jeudi dernier. Que se passera-t-il ensuite, qu'une motion de censure soit adoptée ou non ? Éléments de réponse.  

Par Franck Lemarc

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© Ass. nat.

Ce lundi 20 mars va-t-il marquer l’épilogue de la crise politique qui secoue le pays depuis plusieurs semaines ? C’est en tout cas aujourd’hui que le texte portant réforme des retraites va être définitivement adopté, ou pas, selon le sort qui sera réservé aux motions de censure déposées vendredi dernier. 

Deux motions de censure

Elles sont finalement au nombre de deux. L’une est issue du Rassemblement national, et porte la signature des 88 députés du groupe. Très brève, elle dispose que le texte portant réforme des retraites représente « une atteinte grave aux principes démocratiques », dans la mesure où l’Assemblée nationale n’a « jamais pu (le) voter ». 

La seconde motion de censure a été déposée par le député Liot de la Meuse, Bertrand Pancher. Si elle est plus longue et plus détaillée, son contenu est fondamentalement le même : le texte que le gouvernement a fait passer par voie de 49.3 « ne dispose d’aucune légitimité démocratique ». Les signataires accusent le gouvernement d’avoir « détourné l’esprit de la Constitution »  en utilisant un texte financier rectificatif pour « transformer l’une des composantes majeures de notre contrat social ». « Si cette méthode venait à prospérer, concluent les signataires, elle créerait un précédent dangereux qui permettrait aux gouvernements de faire passer de vastes réformes sociales par des procédures détournées, contraintes, et dangereuses pour notre démocratie. » 

Cette motion de censure est transpartisane : déposée par le groupe centriste Liot, elle comprend des signatures de députés du Parti socialiste, du Parti communiste, de la France insoumise et d’Europe écologie - Les verts. 

Incertitude

Une motion de censure, comme son nom l’indique, a pour objectif de censurer un gouvernement, c’est-à-dire de le faire tomber. Pour une décision aussi cruciale, la Constitution prévoit que la majorité absolue de l’ensemble des députés soit requise. Autrement dit, il faut que la motion de censure recueille 287 voix pour et pas une de moins : les députés qui s’abstiendront ou qui ne participeront pas au vote seront réputés soutenir le gouvernement. 

Seule la motion de censure du groupe Liot représente une menace potentielle pour le gouvernement. Elle a en effet de bonnes chances de réunir les voix de toute la gauche, du groupe Liot et du groupe RN, ce qui représente un total de 257 voix. Mais pour atteindre la barre fatidique des 287 voix, il faudrait également qu’elle reçoive le soutien d’au moins 30 députés LR. Cela semble, à cette heure, fort peu probable : le nombre de députés LR qui ont annoncé publiquement leur intention de voter la censure ne dépasse pas la dizaine. Mais il semblerait néanmoins bien imprudent d’être formel, en ces temps troublés.

En cas de victoire de la censure

Première option – la moins probable, donc : la motion de censure est adoptée. Cela emporterait deux conséquences immédiates : premièrement, le texte portant la réforme des retraites serait automatiquement considéré comme rejeté par le Parlement ; deuxièmement, la Première ministre serait contrainte à présenter sa démission. 

Constitutionnellement, le fait que le gouvernement tombe n’implique nullement une dissolution de l’Assemblée nationale. Le président de la République aurait parfaitement le droit de nommer un nouveau Premier ministre et de lui confier la mission de constituer un nouveau gouvernement. Mais depuis des mois, Emmanuel Macron a répété que si le gouvernement devait être renversé par une motion de censure, il dissoudrait l’Assemblée nationale. 

Rappelons que ce cas de figure ne s’est présenté qu’une seule fois dans la Ve République, le 4 octobre  1962. L’Assemblée avait alors renversé le Premier ministre Georges Pompidou. Sans grand effet, d’ailleurs : le général de Gaulle avait alors dissous l’Assemblée nationale, provoquant des élections législatives qui avaient redonné la majorité au parti gaulliste… permettant au président de la République de renommer le même Georges Pompidou à Matignon. 

Conseil constitutionnel

Si la motion de censure échoue, la procédure est terminée et le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale sera considéré comme adopté. Il pourrait alors être promulgué immédiatement. Mais ce ne sera certainement pas le cas, car il est évident que l’opposition va saisir le Conseil constitutionnel, ce qui a pour effet de suspendre la promulgation du texte (article 61 de la Constitution). La saisine du Conseil constitutionnel doit être faite à la demande « d’au moins 60 députés ou 60 sénateurs ». On est en droit de penser qu’il y aura non pas une, mais plusieurs saisines, bien des parlementaires ayant émis des doutes sur la conformité à la Constitution non seulement de certaines dispositions du texte, mais également de la méthode employée par le gouvernement pour accélérer les débats. 

Si le Conseil constitutionnel est saisi, il a un mois pour se prononcer. Le gouvernement peut toutefois ramener ce délai à huit jours. 

L’opposition de gauche a par ailleurs annoncé qu’elle lançait la procédure de demande de référendum d’initiative partagée prévue par l’article 11 de la Constitution (lire article ci-dessous). 

Grèves et manifestations

Quoi qu’il en soit, ces procédures parlementaires ne semblent pas désarmer le mouvement social, alors qu’une nouvelle journée de grève et de manifestations est prévue pour jeudi prochain, le 23 mars. La colère provoquée, dans une partie de la population, par l’usage du 49.3, n’est pas retombée, et le week-end a été marqué par la poursuite de manifestations disparates dans de très nombreuses villes. La plupart d’entre elles se sont déroulées dans le calme, mais des incidents ont aussi émaillé certains rassemblements sauvages, notamment à Paris, où le préfet a décidé d’interdire les rassemblements place de la Concorde et sur les Champs-Élysées. 

Des grèves se poursuivent dans le secteur des raffineries, des transports, du traitement des ordures ménagères. Les épreuves anticipées du bac, qui se déroulent aujourd'hui et demain, pourraient être perturbées par ces grèves, bien que plusieurs syndicats, dont la CFDT, aient expressément appelé à une forme de « trêve »  pendant ces deux jours. Il n’est pas sûr que cet appel soit suivi. 

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