Risque de pollution maritime en Bretagne et Vendée : les maires inquiets
L’incendie puis le naufrage, hier, du porte-conteneurs Grande America suscite de vives inquiétudes dans toutes les communes littorales de la Bretagne sud et de la Vendée. Si le gouvernement dit suivre la situation avec la plus grande attention, les maires concernés sont très inquiets. Le plan Orsec niveau 3 a été déclenché par le préfet maritime de Brest.
Le navire italien de 214 mètres, qui ralliant Casablanca depuis Hambourg, a pris feu dimanche. Dans la nuit de dimanche à lundi, les 26 hommes d’équipage ont été évacués. Toute la journée de lundi, les marins du navire de secours Abeille Bourbon ont tenté de maîtriser l’incendie, alors que le navire penchait de plus en plus, perdant une partie de sa cargaison. À 15 h 26 hier – au moment même où le député du Morbihan Jimmy Pahun interrogeait le ministre de la Transition écologique et solidaire à ce sujet, à l’Assemblée nationale – le Grande America a coulé, « par 4 600 mètres de fond et à 333 km des côtes françaises », indique le communiqué de la préfecture maritime de Brest.
Les plus grandes incertitudes demeurent ce matin sur le contenu de la cargaison et les risques de pollution.
Plus de 300 conteneurs à bord
Interrogé par Maire info ce matin, le président de Vigipol – syndicat mixte regroupant communes, départements et régions en Bretagne et dans la Manche, créé à la suite de la pollution dramatique due au naufrage de l’Amoco Cadiz en 1978 – dit « partager l’inquiétude des maires des communes des littoraux bretons et vendéens ». Joël Le Jeune, maire de Trédrez-Locquémeau dans les Côtes-d’Armor, s’il salue l’action résolue de la Marine nationale et de la préfecture maritime, « qui ont fait tout ce qu’ils ont pu », demande maintenant à ce que soit éclaircie au plus vite la question du contenu de la cargaison et « le comportement des conteneurs à une telle profondeur ». Il est établi ce matin, explique le maire, que le navire contenait « 2 500 tonnes de fioul lourd ». On ne sait pas à l’heure actuelle si le carburant a fui avant le naufrage. Si ce n’est pas le cas, la situation pourrait ne pas être trop risquée, dans la mesure où la profondeur où gît le navire, « le carburant se solidifie ». En revanche, il existe une première inquiétude à propos des « 15 conteneurs que le navire a perdus avant de sombrer », qui présentent « un risque pour la navigation » en particulier du fait qu’ils peuvent flotter entre deux eaux.
Il resterait par ailleurs « 300 à 350 conteneurs » à bord, « qui contiennent de tout, c’est-à-dire des produits de toutes les classes ». On parle ce matin de voitures, d’engins de chantier, mais aussi peut-être de produits chimiques ou de pesticides. « Comment vont-il réagir ? Vont-ils remonter, dériver, certains vont-ils exploser sous la pression ? C’est ce que nous avons besoin de savoir », estime le président de Vigipol – qui rappelle que la distance de plus de 300 km entre le lieu du naufrage et les côtes n’est pas rassurant en soi : il s’agit d’une distance qui peut être « vite parcourue » par une pollution.
Hier, devant les députés, le ministre François de Rugy n’a « pas nié » le risque de pollution. Des moyens importants d’exploration sous-marine devraient être mobilisés pour tenter d’en savoir plus sur l’épave.
« Logique industrielle sans état d’âme »
Joël Le Jeune rappelle avec amertume qu’il y a trois mois à peine, en novembre 2018, Vigipol avait publié une étude (pilotée par un inspecteur des affaires maritimes) pointant « le risque d’incendie et d’explosion à bord des porte-conteneurs » et constatant la multiplication récente de ce type d’accidents. Le rapport faisait état d’un domaine du transport répondant « à une logique industrielle sans état d’âme » et « pour le moins irrationnelle » : course au gigantisme, hausse inouïe de la quantité de conteneurs transportés, « sans évaluation sérieuse du risque », conditions sociales très dégradées à bord des navires avec, parfois, des marins n’ayant pas de langue commune – ce qui pose les problèmes que l’on imagine en cas d’accident – et non formés au risque d’incendie. Le rapport égrène une liste plus qu’inquiétante de sources de danger, allant du manque de transparence sur les matières transportées – qui peuvent être hautement toxiques – jusqu’au constat d’un secteur touché en profondeur par « la corruption » et « les fausses déclarations ».
En conclusion, le rapport estime indispensable que soit menée au plus vite « une réflexion fondamentale en termes de responsabilité, de chargement, de conception, de « sécurité incendie », d'évacuation et, de facto, de sauvegarde effective de la vie humaine en mer ».
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