La proposition de loi réformant le régime CatNat a été adoptée par le Sénat, mais sans extension du fonds Barnier
Par Franck Lemarc
Comment assurer la soutenabilité du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, alors que les experts estiment que le coût de celles-ci va augmenter de 47 % d’ici à 2050 ? C’est la question à laquelle la sénatrice LR des Hauts-de-Seine, Christine Lavarde, a voulu contribuer à répondre en déposant en mai dernier une proposition de loi. Celle-ci a été adoptée hier à l’unanimité par le Sénat.
« Prévenir la catastrophe financière »
« Le régime CatNat est déjà à bout de souffle », explique la sénatrice dans l’exposé des motifs du texte, du fait du caractère de plus en plus fréquent des aléas climatiques et de l’émergence d’un nouveau risque de plus en plus prégnant, le retrait gonflement des argiles (RGA). Le relèvement du taux de la surprime prévu pour 2025 (de 12 à 20 %) ne suffira pas à garantir à long terme l’équilibre du régime, assure la sénatrice, qui déplore également un problème « d’équité », notamment sur le phénomène RGA – la moitié des communes qui demandent une reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle à ce titre se le voient refuser.
La proposition de loi vise à traduire dans la législation plusieurs recommandations de la mission Écologie de la commission des finances du Sénat, qui a publié un rapport en mai dernier intitulé Le régime CatNat : prévenir la catastrophe financière.
La proposition de loi est divisée en deux chapitres. Le premier vise à « améliorer le financement du régime », et le second à « renforcer la politique de prévention des risques naturels majeurs ».
Parmi les mesures à retenir de ce texte : la mise en place d’un mécanisme de revalorisation automatique du taux de la surprime, rendue nécessaire par l’augmentation de la fréquence des aléas ; la suppression de la modulation de la franchise en cas de catastrophes naturelles répétées dans la même commune ; la création d’une « présomption de refus d’assurance pour motif d'exposition aux catastrophes naturelles », afin de soutenir les personnes qui ne parviennent plus à trouver un assureur. L’article 5 rétablit le principe « de liberté d’utilisation des indemnités d’assurance en cas de sinistre provoqué par une catastrophe naturelle », en particulier dans le cas du RGA ; et il prévoit que « les assurances notifient systématiquement aux maires les dommages constatés sur le territoire de leur commune pour lesquels il a été établi que la cause déterminante résultait du phénomène de retrait-gonflement des argiles ».
Il est également prévu, au second chapitre de la proposition de loi, la création d’un nouveau prêt à taux zéro, le PTZ-prévention, pour aider les ménages à effectuer des travaux de prévention des risques, qui peuvent s’avérer extrêmement lourds. Parallèlement, le texte prévoit de conditionner l’octroi de MaPrimeRénov’ à la réalisation de travaux de prévention des risques. Il est en effet jugé « inefficace » que de l’argent public soit dépensé pour des travaux de rénovation énergétique pour des bâtiments qui, faute de prévention, sont appelés à « potentiellement disparaître ».
Enfin, l’article 9 du texte prévoyait l’extension du fonds Barnier « au financement d'études et de dispositifs expérimentaux de prévention des dommages provoqués par le retrait-gonflement des argiles ».
Pas d’extension du fonds Barnier
En commissions, le texte a été modifié à la marge. Par exemple, sur la question de la liberté d’utilisation des indemnités d’assurance. Pour mémoire, en matière de dégâts dus au RGA, la loi oblige depuis 2023 les assurés à utiliser leurs indemnités pour réparer le logement et leur interdit d’utiliser celles-ci pour se reloger ailleurs. La proposition de loi initiale supprimait ces dispositions. La commission des finances a préféré un « compromis », maintenant finalement l’obligation d’affectation, sauf dans deux cas : lorsque le montant des réparations excède la valeur du bien, ou que celui-ci est devenu inhabitable.
D’autres amendements ont été adoptés en commissions, comme l’intégration dans les programmes de l’école primaire de la prévention des risques naturels.
Examiné en séance hier, le texte a encore été légèrement modifié (une quinzaine d’amendements ont été adoptés). Une mesure de très bon sens a été adoptée : l’intégration au sein de la Commission interministérielle de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle d’au moins deux élus locaux. Jusqu’à présent, cette commission, qui est chargée d’accepter ou de refuser les demandes de reconnaissance formulées par les communes, ne comportait que des directeurs généraux d’administrations centrales.
Un autre amendement, porté par les élus ultramarins, prévoit l’extension du régime d’indemnisation des CatNat à « l’échouage des algues sargasses ».
Mais la modification la plus notable apportée à ce texte est la suppression, demandée par le gouvernement, de l’article du texte qui prévoyait l’extension du fonds Barnier « au financement d’études et de dispositifs expérimentaux de prévention des dommages provoqués (par le RGA) ». Le gouvernement a jugé que les autres dispositifs contenus dans la proposition de loi, notamment le nouveau PTZ-prévention, sont suffisantes, et qu’il n’est pas nécessaire « d’élargir le champ d’action du fonds Barnier qui est déjà fortement sollicité sur son périmètre actuel des risques naturels majeurs dans le contexte du changement climatique, ce qui évitera de plus un effet d’éviction au regard des autres aléas climatiques ». On comprend la logique du gouvernement : une telle extension du fonds Barnier, à enveloppe constante, pourrait avoir pour conséquence de laisser moins d’argent pour indemniser les victimes des autres catastrophes. On pourrait lui rétorquer qu’une autre solution consisterait à … augmenter l’enveloppe. Mais cette solution, en cette période de recherche forcenée d’économies budgétaires, ne semble pas devoir être mise à l’ordre du jour.
Le texte ainsi remanié a été voté par 305 voix pour et 35 abstentions. Il va maintenant être transmis à l’Assemblée nationale.
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