Catastrophes naturelles : le gouvernement avance la date d'entrée en vigueur de certaines dispositions
Par Franck Lemarc
La loi du 28 décembre 2021 a changé les règles en matière d’indemnisation des catastrophes naturelles. Elle a été complétée par plusieurs textes réglementaires, fin 2022, qui fixaient l’entrée en vigueur de plusieurs de ces dispositions au 1er janvier 2024. Conséquence : les centaines de communes, en particulier dans le Pas-de-Calais, touchées par les inondations de ces dernières semaines, se voyaient privées du bénéfice de ces mesures. Pour y remédier, le gouvernement a décidé d’en avancer la prise d’effet, rétroactivement, au 1er novembre 2023.
Relogement d’urgence
La loi du 28 décembre 2021 est issue de plusieurs textes (une proposition de loi sénatoriale portée par Nicole Bonnefoy et une proposition de loi du député Stéphane Baudu), dont l’objectif général était de fluidifier l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles, de rendre plus transparent le processus de reconnaissance en état de catastrophe naturelle et de mieux accompagner les élus locaux dans ces situations.
Ce texte a notamment créé la commission nationale consultative des catastrophes naturelles, et institué dans chaque département un « référent à la gestion des conséquences des catastrophes naturelles », placé auprès du préfet, avec pour rôle d’être l’interface entre le préfet, les assureurs et les maires. Ce référent a notamment pour fonction « d'informer les communes des démarches requises pour déposer une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, de les conseiller au cours de l'instruction de leur demande et de mobiliser les dispositifs d'aide et d'indemnisation susceptibles d'être engagés après la survenue d'une catastrophe naturelle », mais aussi de « s'assurer de la communication aux communes, à leur demande, des rapports d'expertise ayant fondé les décisions de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ».
Cette loi a également changé les règles en matière de relogement d’urgence, qui ont été précisées dans le décret du 30 décembre 2022. L’article 7 de la loi dispose en effet que « les frais de relogement d’urgence des personnes sinistrées dont la résidence principale est rendue impropre à l’habitation » sont « pris en charge par l’assurance ». Les textes réglementaires précisent, d’une part, que dans les cinq jours consécutifs à la date de déclaration du sinistre, les assureurs doivent prendre en charge, « sans avance de l’assuré si le contrat le prévoit », les frais de relogement d’urgence, à hauteur de 80 euros minimum par jour et par habitant. À l’issue de ces cinq jours, si le logement n’est toujours pas habitable, l’assureur prend en charge les frais de relogement pour une durée maximale de six mois.
Ces dispositions étaient censées entrer en vigueur le 1er janvier prochain. Le décret paru au Journal officiel d’hier en avance l’entrée en vigueur au 1er novembre 2023. Elles sont donc mobilisables pour les habitants des communes frappées par les inondations dans les Hauts-de-France.
Les franchises
En revanche, le gouvernement n’a pas souhaité faire de même pour les dispositions concernant les franchises. La loi du 28 décembre 2021 a en effet changé de façon importante les règles en la matière, en interdisant, pour les particuliers et les entreprises, les modulations de franchise en raison de l’absence d’un plan de prévention des risques naturels (PPRN) approuvé dans la commune.
Jusque-là en effet, si une même catastrophe naturelle frappait plusieurs fois une commune non dotée d’un PPRN approuvé, la franchise augmentait à chaque aléa. Conséquence : les assurés se voyaient de moins en moins indemnisés à chaque catastrophe… alors qu’ils ne sont strictement pour rien dans cette situation. L’article 3 de la loi du 28 décembre 2021 a mis fin à cette pratique. Mais – pas de chance pour les habitants du Pas-de-Calais – le gouvernement n’a pas modifié, cette fois, la date d’entrée en vigueur de cette interdiction, qui reste fixée au 1er janvier prochain.
Cela ne changera rien, par ailleurs, pour les communes elles-mêmes. En effet, l’interdiction de modulation de la franchise ne vaut pas pour les biens assurés par les collectivités territoriales – ceci, avaient alors expliqué les parlementaires, « pour maintenir le caractère incitatif de ce dispositif ». Ce qui paraît incompréhensible : « incitatif » pour qui ? Il faut rappeler que ce sont les préfets qui instruisent et qui approuvent les PPRN, et non les maires. Autrement dit, là où il n’y a pas de PPRN approuvé, la responsabilité en incombe aux préfets… et ce sont pourtant les communes qui sont punies.
Le dispositif reste donc inchangé. Dans une commune non dotée d’un PPRN approuvé, la franchise reste modulée pour les biens des collectivités et des EPCI, « en fonction du nombre de constatations de l'état de catastrophe naturelle intervenues pour le même risque au cours des cinq années précédant la date de la nouvelle constatation ». Pour les premières et deuxièmes constatations, la franchise simple est appliquée ; pour la troisième, la franchise est doublée ; elle est triplée à la quatrième constatation et quadruplée à partir de la cinquième… ce qui est une injustice flagrante.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2