Maire-info
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Édition du vendredi 10 juin 2022
Transports

Cars scolaires, transports urbains : une pénurie de conducteurs qui pourrait gravement pénaliser certains territoires

Qu'il s'agisse du transport scolaire ou du transport urbain, les professionnels font état d'un sérieux problème de recrutement, qui va jusqu'à menacer l'existence de certaines dessertes à la rentrée prochaine. Le point sur un dossier qui pourrait poser de très sérieux problèmes dès le mois de septembre, voire avant. 

Par Franck Lemarc

Entre 7 000 et 8 000 conducteurs de cars scolaires vont manquer à la rentrée 2022. C'est l'alerte qui a été lancée hier par la FNTV (Fédération nationale du transport de voyageurs), dont le président, Jean-Sébastien Barrault, a déclaré hier que plusieurs milliers d'enfants pourraient « être privés de cars scolaires »  à la rentrée. « On a besoin de recruter environ 15 000 conducteurs », a-t-il déclaré hier sur France info, jugeant qu'il en manquera environ la moitié. « Concrètement, cela veut dire qu'un grand nombre d'autocars ne pourront pas rouler. Sur les 2 millions d'enfants que nous transportons chaque jour, c'est près de 20 % qui pourraient ne pas pouvoir l'être », a poursuivi le président de la FNTV, qui lance « un véritable cri d'alarme ». 

Parmi les raisons invoquées, « la crise très importante »  qu'a connue le secteur avec l'épidémie de covid-19, qui a conduit de nombreux conducteurs à démissionner pour se tourner vers d'autres emplois. Rappelons qu'en 2020 (lire Maire info du 12 octobre 2020), le secteur des autocaristes avait déjà sonné l'alerte en s'estimant « en danger de mort »  du fait de l'épidémie, entre arrêt complet des déplacements touristiques, interruption des sorties scolaires organisées par les communes, interruption du transport scolaire pendant la période de fermeture des écoles… Il semble que le secteur, malgré la reprise, ait de grandes difficultés à ressortir la tête de l'eau.

D'autres difficultés sont mises en avant : les salaires souvent peu attractifs, mais surtout l'organisation du travail dans le secteur du transport scolaire – souvent des temps partiels autour de 25 heures par semaine, avec une activité réduite à l'aller le matin et au retour en fin d'après-midi, et une coupure forcée de plusieurs heures au milieu. La situation, dans certains territoires où les gares et les lignes ferroviaires locales ont été fermées depuis longtemps, semble donc critique. 

Des centaines de postes manquants dans les régions

Il n'y a pas besoin d'attendre la prochaine rentrée scolaire pour constater les problèmes, qui se posent déjà. La presse locale fait état, aux quatre coins du pays, de pénuries qui empêchent dès maintenant un certain nombre d'activités : dans le Calvados, relève Ouest-France, des communes ont été contraintes d'annuler les sorties scolaires à la piscine pour mai et juin faute de conducteurs de cars. Dans les Pays-de-la-Loire, la FNTV locale annonce une carence de 515 postes, dont 225 en Loire-Atlantique et 110 en Maine-et-Loire. En Occitanie, il manque, selon le conseil régional, 550 postes. En Bretagne, le réseau BreizhGo annonce une pénurie de 600 chauffeurs, essentiellement dans le secteur du transport scolaire, là encore. Idem en Touraine, où la société Transdev cherche désespérément à recruter des chauffeurs… mais pour des contrats de 18 heures par semaine. 

Les transports urbains également en difficulté

La FNTV travaille donc avec les régions à des solutions pour mutualiser les conducteurs, afin d'offrir des contrats à temps plein. Un certain nombre de régions proposent, depuis le début de l'année, des formations au permis D, d'autres organisent des séances de « job dating »  pour tenter d'attirer des candidats, mais la situation reste très tendue. 

D'autant que le secteur du transport scolaire n'est pas le seul à être touché : comme cela a été révélé lors du salon de l'UTP (Union du transport public) cette semaine, la crise du recrutement touche également les transports urbains, qui peinent à trouver des conducteurs pour remplacer les départs en retraite. 

La présidente de l'UTP, Marie-Ange Debon, a signalé lors du congrès une très grande difficulté à recruter « des conducteurs de bus, de métro, de tramway »  pour les entreprises délégataires du transport urbain, qui a besoin actuellement de « 6 000 à 10 000 »  recrutements par an. En cause, là encore, les bas salaires et des horaires difficiles – souvent très tôt le matin et jusqu'à tard le soir : en région PACA, par exemple, la société chargée des transports collectifs d'une commune propose des postes de chauffeurs de bus avec deux plages de travail dans la même journée, 5 h-11 h puis 18 h-22 h. Autre problème soulevé par l'UTP : la « mauvaise image »  dont souffre la profession, liée aux questions d'insécurité dans certains quartiers, avec des candidats qui estiment le métier dangereux. Malgré les efforts faits par les transporteurs et les autorités organisatrices pour mieux assurer la sécurité des conducteurs, la mauvaise image reste bien là. 

Le problème se pose de façon d'autant plus cruciale que de nombreuses collectivités, soucieuses de développer les mobilités durables, cherchent à étendre leur réseau de transport public. C'est, par exemple, le cas d'Angers, qui va ouvrir deux nouvelles lignes de tramway dans 18 mois, et a besoin de recruter une centaine de personnes dans cette perspective. La commune a passé une convention avec Pôle emploi qui permet aux candidats retenus de passer le permis D gratuitement. Mais la campagne de recrutement, lancée en janvier, peine encore à porter ses fruits. 

Il s'agit là d'un dossier crucial, qui devrait être traité en priorité par le ministre des Transports… si finalement Élisabeth Borne se décide à en nommer un après les élections législatives. 

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