Carburant : les raisons d'une pénurie qui devient préoccupante
Par Franck Lemarc
Des files de plusieurs centaines de mètres de voitures à l’entrée d’une station-service, sur le périphérique parisien, à 22 heures. Cette image peu banale, constatée hier soir, donne la réalité d’un phénomène qui monte en puissance depuis plusieurs jours : dans certaines régions, il devient de plus en plus difficile, voire impossible, de trouver du carburant. Alors que certaines stations sont carrément fermées depuis ce week-end, celles qui restent sont prises d’assaut.
Aux quatre coins du pays
En dehors de la région parisienne, ce phénomène est particulièrement visible dans le Nord et le Pas-de-Calais, où « la quasi-totalité des 55 stations Total ne sont plus en mesure de répondre à la demande », selon La Voix du Nord ; dans l’agglomération lyonnaise, dans le Tarn,ou encore autour de Pau où, selon la République des Pyrénées, quatre stations sur cinq sont vides. Même phénomène en Moselle, en Seine-Maritime autour du Havre. En Provence, selon le décompte du journal du même nom, 166 stations sur 397 sont à sec. Hier à midi, selon France Bleu, une seule station Total était encore alimentée à Nantes, avec en moyenne 40 minutes d’attente.
La pénurie, qui a débuté chez Total, touche logiquement maintenant ses concurrents, puisque faute de pouvoir s’approvisionner chez le premier, les automobilistes se ruent chez les seconds, qui voient leurs stocks diminuer comme peau de chagrin.
Grèves
Les responsables du groupe TotalEnergie nient toute pénurie : dans un communiqué publié hier, le groupe « confirme qu’il n’y a pas de manque de carburant ». Alors, que se passe-t-il ?
La situation est apparemment due à la conjonction de deux facteurs : la grève qui touche les raffineries Total, et le succès de la « ristourne » sur le prix des carburants.
Du fait de la grève en cours dans quatre raffineries sur les six que compte le groupe TotalEnergie dans le pays, la production est perturbée, quoi qu’en dise le géant pétrolier : à Feyzins, dans la banlieue lyonnaise, « plus une goutte de produits pétroliers ne sort », selon un communiqué de la CGT du Rhône. Même situation à La Mède (Bouches-du-Rhône), ou au Havre, où la plus grande raffinerie du pays est totalement à l’arrêt.
De plus, le mouvement de protestation, pour les salaires, gagne d’autres entreprises : la raffinerie Esso Exxon Mobil de Fos-sur-Mer, par exemple, est également à l’arrêt.
En théorie, ces grèves ne devraient pas perturber la distribution, puisque les entreprises constituent des stocks censés leur permettre de tenir plusieurs semaines même quand la production est interrompue.
Ristourne
C’est là qu’intervient le deuxième facteur : les réserves de Total sont au plus bas du fait du succès rencontré par la « ristourne » que le groupe a mis en place sur les prix des carburants.
Explication : en plus des 30 centimes par litre déjà pris en charge par le gouvernement pour aider les consommateurs à faire face à l’explosion des prix, le groupe Total a ajouté une baisse de 18 centimes par litre, qui passera ensuite à 10 centimes entre le 1er novembre et la fin de l’année. Un coup de pouce qui permet d’économiser jusqu’à une vingtaine d’euros sur un plein. Résultat : les automobilistes se sont rués dans les stations Total, qui ont constaté une augmentation de 30 % de leur fréquentation depuis la mise en place de la ristourne le 1er septembre, avec à la clé des difficultés d’approvisionnement accrues. Une situation qui, à elle seule, en dit long sur les difficultés de pouvoir d’achat rencontrées par les consommateurs.
Cette ristourne fait grincer quelques dents, d’abord chez les politiques : comme l’a rappelé cet été la députée socialiste Valérie Rabault, la ristourne résulte d’un « deal » entre le gouvernement et le géant pétrolier. L’exécutif a demandé à Total de baisser ses prix, en échange de son refus de mettre en place une taxation exceptionnelle des profits (TotalEnergie a annoncé un résultat net de plus de 10 milliards d’euros sur les six premiers mois de l’année).
Les concurrents de Total font également grise mine, à commencer par les distributeurs qui se fournissent eux aussi chez Total… mais sans la ristourne. Le patron du groupe Leclerc, Michel-Édouard Leclerc, a ainsi expliqué hier avoir écrit au PDG de Total pour fustiger sa décision de n’appliquer les 18 centimes de rabais qu’aux consommateurs et non aux stations qui s’approvisionnent chez Total (Leclerc, Carrefour, Avia…). Ce qui constitue une « distorsion de concurrence », selon lui.
En attendant, tout le monde est aujourd’hui logé à la même enseigne, puisque les stations Total aussi bien que leurs concurrents sont touchés par la pénurie.
Une situation qui perturbe le quotidien de centaines de milliers d’automobilistes, et sur laquelle on ne peut que constater, pour l’instant, le silence assourdissant du gouvernement – alors que le problème monte en puissance depuis plus d’une semaine. Peut-être que la première séance de questions au gouvernement, cet après-midi à l’Assemblée nationale, sera l’occasion pour le ministre de l’Économie de s’exprimer sur le sujet…
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