Maire-info
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Édition du jeudi 13 novembre 2025
Budget

Suspension de la réforme des retraites adoptée, PLFSS non voté... et maintenant ?

Les députés ont validé hier la « suspension » de la réforme des retraites, mais n'ont pas pu achever dans les temps l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), qui part maintenant au Sénat. L'Assemblée nationale va maintenant reprendre l'examen du projet de loi de finances. Le point. 

Par Franck Lemarc

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© Assemblée nationale

Ce fut, forcément, une séance très agitée à l’Assemblée nationale, qui a examiné hier – et adopté – le décalage de la réforme des retraites : le principe est de « geler »  l’application de cette réforme jusqu’à l’élection présidentielle.

Réforme des retraites gelée

Ce gel, s’il devait être confirmé dans le texte final, profiterait aux salariés nés en 1964 et au premier trimestre 1965, qui partiraient quelques mois plus tôt que prévu. La suspension a été étendue aux carrières longues, comme le demandait le Parti socialiste. Pour connaître très précisément les modalités de ce nouveau dispositif, il faudra attendre, d’une part, que le PLFSS soit définitivement adopté, s’il l'est, et surtout les décrets d’application qui suivraient. Selon les chiffres évoqués lors du débat, cette suspension de la réforme coûterait 300 millions d’euros en 2026 et 1,9 milliard d’euros en 2027. 

On se rappelle que cette suspension correspond à un « deal »  entre le Parti socialiste et Sébastien Lecornu – le premier promettant au second de ne pas le censurer s’il cédait sur ce point. 

Le succès de ce deal a été relativement large, puisque la suspension a été votée par 255 voix contre 146. Ont voté pour la suspension les groupes socialiste, écologiste, RN et Liot, ainsi qu’environ un tiers du groupe MoDem. Le groupe macroniste s’est très majoritairement abstenu, tandis que les groupes PCF, LFI, Horizons et LR votaient majoritairement contre. La position du PCF et de LFI peut surprendre, dans la mesure où ces deux groupes ont toujours milité contre la réforme des retraites. Ils s’en sont expliqué en dénonçant « une arnaque », une suspension qui n’est qu’un « décalage », et en continuant de réclamer la seule « abrogation ».

Dans la foulée de ce vote, les réactions ont évidemment été radicalement opposées dans le spectre politique. Si le Parti socialiste revendique « une victoire contre ce totem de la macronie », l’ancien ministre de l’Intérieur et actuel président des Républicains, Bruno Retailleau – redevenu depuis hier sénateur – s’est dit « effaré par la lâcheté du gouvernement ». Pour le Medef, il s’agit d’un « grave recul », tandis que les syndicats de salariés, toutes tendances confondues, se réjouissent de ce répit. 

Nombreuses modifications

L’examen – partiel – du PLFSS a également abouti à un certain nombre de modifications importantes par rapport au projet initial du gouvernement : hausse de la CSG sur les revenus du capital, nouveau « congé de naissance »  plus long de deux mois que l’actuel congé parental, suppression des cotisations patronales sur les heures supplémentaires pour les entreprises de plus de 250 salariés… In extremis, peu avant la fin des débats, les députés ont également validé une rallonge d’un milliard d’euros pour l’Ondam (objectif national des dépenses de l’assurance maladie). 

Ils ont aussi supprimé plusieurs mesures rejetées par la gauche et le RN : le gel des retraites et des prestations sociales, l’augmentation des franchises médicales, la surtaxe des mutuelles, la fin de l’exonération de cotisations sociales pour les apprentis. 

Débat interrompu

L’examen du texte n’est toutefois pas allé à son terme : le gouvernement a choisi d’appliquer avec une extrême rigueur la lettre de l’article 47-1 de la Constitution, qui dispose que « si  l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d'un projet, le gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours ». Le délai de vingt jours prenant fin à minuit hier soir, il a été mis fin aux débats, alors qu’il restait près de 300 amendements à examiner. Pourtant, estiment plusieurs constitutionnalistes, il n'aurait pas été impossible de poursuivre un peu ces débats. Une partie de l’opposition a d'ailleurs vivement critiqué ce choix.. 

En réalité, en coupant court aux débats, le gouvernement s’est évité le risque d’un échec politique : si la suspension de la réforme des retraites a été, en effet, largement adoptée, il n’est pas du tout sûr qu’il en aurait été de même sur l’ensemble du texte, puisqu’il est probable que le RN, LFI, les écologistes et Les Républicains auraient unanimement voté contre, ce qui aurait conduit à un rejet du texte. 

S’agit-il, comme le dit aujourd’hui LFI, d’un « 49-3 déguisé » ? Pas tout à fait, puisque le gouvernement s’est engagé à transmettre le texte au Sénat avec les modifications votées par les députés, et non son texte initial. Ce qui, de toute façon, ne changera pas grand-chose puisque le Sénat, à majorité LR, va probablement défaire une grande partie de ce qui a été voté à l’Assemblée, à commencer par la suspension de la réforme des retraites. 

Le Sénat a 15 jours pour se prononcer sur le texte – soit jusqu’à la fin du mois de novembre. Après quoi, le PLFSS reviendra pour un tour à l’Assemblée nationale.

Retour au PLF

Dans l’intervalle, les députés vont, dès aujourd’hui, reprendre l’examen de la première partie (recettes) du projet de loi de finances, en pause depuis une dizaine de jours. Maintes fois reporté, le vote solennel sur cette première partie doit intervenir lundi 17 novembre. Et il reste une multitude de sujets clivants à traiter, comme la suppression de la niche fiscale des retraités, la taxe sur les petits colis, l’augmentation du timbre fiscal sur les titres de séjour… 

Que va-t-il se passer maintenant ? Quelles que soient les hypothèses, le résultat sera en fait assez similaire. Première hypothèse : les députés rejettent le PLF dans son ensemble, lundi prochain. Dans ce cas, le texte est transmis au Sénat – sur la base du texte initial – et les députés n’examinent pas la partie « dépenses », comme le prévoit la Constitution. Deuxième hypothèse : les députés adoptent la première partie du texte, qui est alors également transmise au Sénat, mais cette fois dans sa version amendée… mais l’examen complet de la partie « dépenses »  n’aura pas davantage lieu : les délais constitutionnels supposent en effet que l’ensemble du texte (recettes et dépenses) soit transmis au Sénat avant le 23 novembre à minuit. Un examen complet de la partie « dépenses »  dans ce délai est impossible. 

On semble de plus en plus certainement se diriger vers une impossibilité d’adopter le budget dans les délais impartis par la Constitution, puisque le Sénat n'aurait, lui, que 15 jours pour se prononcer. Ce qui ouvrirait la voie à une situation inédite dans la Ve République, à savoir l’adoption d’un budget par ordonnances. Une situation qui pourrait conduire à la censure du gouvernement, à la fin de l’année ou au tout début de l’année prochaine – ce qui, à moins de trois mois des municipales, transformerait une situation déjà compliquée en casse-tête absolu. 

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