Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 21 octobre 2020
Budget

PLF 2021: les députés réduisent la fraction de TVA dévolue aux départements, aux intercommunalités et à la Ville de Paris

Le gouvernement a introduit un amendement de dernière minute permettant réduire fortement, dès 2022, la dynamique de la TVA dans le mode de calcul de la compensation, pour les départements, du foncier bâti transféré aux communes et, pour les intercommunalités et la ville de Paris, de la suppression de la TH sur les résidences principales. En cause, un possible « effet d’aubaine »  provoqué par la crise économique selon le gouvernement. 
« Cet amendement, je le sais, suscite le débat », a euphémisé le ministre chargé des Comptes publics, Olivier Dussopt, pour expliciter, ce lundi, la démarche du gouvernement dans la dernière ligne droite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2021. Un texte dont la partie « recettes »  a été adoptée hier soir par les députés en première lecture.

Une perte de 1,5 milliard d’euros pour les départements, les intercommunalités et la ville de Paris
« Du fait de la récession de 10 % du PIB que nous connaîtrons en 2020 »  liée à la crise sanitaire et de « la perspective d’un rebond de 8 % l’année prochaine », « les recettes perçues par l’État au titre de la TVA augmenteront mécaniquement de 10 % entre 2020 et 2021 », a indiqué le ministre. Conséquence, le ratio d’évolution de la compensation de la perte du foncier bâti - qui aurait dû, sans la crise, être calculé à partir d’un montant de TVA national plus élevé - devrait en toute logique passer de « 15,25 milliards d’euros à 16,3 ou 16,4 milliards d’euros »  en 2022 pour les départements (les cas des EPCI et de la Ville de Paris n’ont pas été évoqués en séance bien qu’ils soient également concernés par cet amendement avec une perte annuelle qui pourrait atteindre environ 500 millions d’euros). 
C’était sans compter sur le fait que le gouvernement y voit un « effet d’aubaine »  créé par la crise économique qui touche le pays. « Une hausse de 10 % plutôt que de 2,8 %, comme c’est le cas en moyenne pour les recettes de TVA, crée un effet d’aubaine », a estimé le ministre, assurant qu’il n’était là « pas question d’accuser qui que ce soit de vouloir (en) profiter, nous faisons un simple constat, qui engage les finances publiques ». 
Ainsi, Olivier Dussopt a souhaité « actualiser le mode de calcul de la compensation, en conservant la base de 15,25 milliards d’euros pour 2021, mais en décidant que, pour 2022, cette somme augmenterait en fonction de l’évolution des recettes de TVA au cours de l’année 2021. Le calcul de la compensation s’appuierait ainsi sur une base contemporaine à son versement, ce qui éviterait l’effet d’aubaine d’environ 10 %. » 
« Calculer la compensation sur une base contemporaine n’est pas une mauvaise chose en soi, estiment ce matin les spécialistes de l’AMF. Cependant, pour éviter une perte annuelle de 1,5 milliard d’euros aux collectivités concernées, il aurait fallu garder le mécanisme de calcul du ratio d’évolution de la compensation qui tient compte de la TVA 2020 et non de la TVA 2021: le ratio tel que prévu par l’article 16 de la loi de finances pour 2020 est obtenu avec le rapport entre le montant de TH perdu et la TVA nationale 2020. » 
En échange de ce coup de rabot imposé, le ministre a proposé aux départements « un paquet global »  visant notamment à abonder le fonds national de péréquation des DMTO de 60 millions d’euros, à « régler »  la question de la surcotisation de la CNRACL (Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales) à hauteur de 40 millions d’euros et à reconduire pour 2020 le fonds de stabilité de 115 millions d’euros.

La crise a « tout bouleversé » 
Pas de quoi convaincre les oppositions. « Moi qui suis plutôt tenant de l’autonomie financière et fiscale des collectivités, je comprends, en gros, que lorsqu’une règle destinée à calculer une fiscalité dynamique tourne à leur avantage, il conviendrait d’en changer », a fait valoir le député de Haute-Corse Jean-Félix Acquaviva (Libertés et territoires), ironisant sur « une vision de l’autonomie financière pour le moins surprenante ». 
« Cette disposition coûte un milliard en 2022 (...) mais elle coûtera autant l’année suivante, et ainsi de suite : à la fin de 2025, 4,2 milliards auront été perdus pour l’ensemble des départements », a fustigé de son côté la députée du Jura Marie-Christine Dalloz (LR), rappelant que « le gouvernement n’a apporté aucune réponse ni aucune garantie concernant l’augmentation des dépenses de RSA pour les départements »  qui « ont déjà été les grands oubliés du plan de soutien ».
Le rapporteur général, Laurent Saint-Martin, s’est « inscrit en faux »  face à ces critiques et a enjoint les députés à « ne pas laisser penser que les départements perdraient de l’argent comme si nous décidions d’une moindre recette ». « Vous dites que nous changeons les règles du jeu… Excusez-moi, mais c’est la crise qui a tout bouleversé ! », s’est-il défendu.

Locaux industriels : la revalorisation sur l’inflation maintenue
Jusque-là, c’est le débat autour de la baisse de 10 milliards des impôts de production qui avait largement attiré l’attention et les interrogations (lire Maire info des 9 et 13 octobre). L’opposition a ainsi éreinté un budget qui « n’inspire que de la déception », notamment aux yeux de la députée du Puy-de-Dôme Christine Pires Beaune (PS), qui a ciblé une nouvelle fois cette « vieille lubie ».
Celle-ci a condamné le fait que les grandes entreprises seraient les vrais bénéficiaires de ces réductions d’impôts et « non pas les TPE et PME », elle a critiqué « l’absence de contreparties sociales et écologiques »  tout comme l’absence de « conditions de sauvegarde de l’emploi, de non-redistribution des dividendes »  et a fustigé une « recentralisation qui ne dit pas son nom ». « Vous touchez les collectivités territoriales, qui perdent une nouvelle fois en autonomie fiscale, au moment où l’investissement public doit pallier la baisse de l’investissement privé. Bientôt nos collectivités n’auront plus besoin d’élus mais seulement de fonctionnaires... » 
« Les impôts de production pèsent sur les salaires, sur les investissements, donc sur les emplois de demain », a justifié le député LaREM des Français établis hors de France, Alexandre Holroyd, en défendant l’idée que leur diminution permettra « la relocalisation industrielle », favorisera « la création d’emplois sur le territoire national »  et préservera « nos PME, nos ETI et nos grandes entreprises frappées de plein fouet par la crise ».
Au final, seul un amendement important a été adopté sur cette question. Proposé par des députés de tout bord, dont le député LaREM du Gers Jean-René Cazeneuve, il vise à maintenir le mécanisme d’évolution des valeurs locatives des locaux industriels basée sur l’inflation en ne les rapprochant pas de celui des locaux professionnels. L’objectif est de compenser la perte des recettes du bloc communal « à l’euro près »  et de ne « pas pénaliser les communes et les EPCI ». 
« L’adoption de cet amendement est une bonne nouvelle pour les collectivités pour l’avenir, commente-t-on aujourd’hui à l’AMF. Cependant, il est possible que, pour l’année 2021 avec le prolongement de la crise, l’inflation soit plus faible que le taux moyen d’évolution des bases des locaux professionnels. » 

A.W.

 

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