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Édition du lundi 5 mai 2025
Budget

Exemption de TVA : pénalisant les collectivités, l'abaissement du seuil suspendu « jusqu'à la fin de l'année »

Visant en premier lieu les petites entreprises, cette réforme pourrait également toucher les communes et notamment les activités générant de faibles recettes - comme les locations de salles et de locaux. Une hausse des tarifs et une baisse des recettes des collectivités étaient à craindre.

Par A.W.

Après deux premiers reports annoncés en début d’année, le gouvernement a finalement décidé de suspendre « jusqu’à la fin de l’année 2025 »  la réforme visant à abaisser le seuil d'exemption de la TVA pour les auto-entrepreneurs. Une mesure dont les conséquences impacteraient, par ricochet, les collectivités.

C’est ce qu’a indiqué le ministère de l’Économie en pointant « l’absence de consensus », dans un communiqué publié mercredi dans lequel il confirme l’annonce faite, quelques heures plus tôt, par son ministre, lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale. 

« Absence de consensus » 

« Nous constatons que la réforme proposée ne fait pas l'unanimité, ni pour ni contre », a ainsi reconnu Éric Lombard. L’ancien directeur général de la Caisse des dépôts a expliqué vouloir suspendre la mise en oeuvre de cette mesure abaissant à 25 000 euros de chiffre d'affaires annuel le seuil de taxation à la TVA (au lieu de 37 500 euros pour les prestations de services et 85 000 euros pour les activités de commerce jusqu’à présent). L’objectif est de « laisser le débat se tenir sereinement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026 ».

En face, la députée de la Charente, Sandra Marsaud (Renaissance), avait sollicité le ministre concernant les « vives inquiétudes »  que suscite cette réforme qui entraîne une « insécurité juridique pour des milliers d’entrepreneurs ».

« La sagesse a primé », s'est ainsi félicité le président de l'Union des autoentrepreneurs, François Hurel, soulignant toutefois qu’il « s'agit d'une suspension, pas d'une suppression ». Même satisfaction du côté de Marc Sanchez, secrétaire général du Syndicat des indépendants et des TPE (SDI), qui a « salué »  une décision qui évitera de mettre « en péril un grand nombre de professionnels commerçants, notamment dans les petites villes et les territoires ruraux ».

Comprise dans l'actuelle loi de finances, cette réforme devait initialement entrer en vigueur le 1er mars afin de « corriger les iniquités de concurrence », avant d’être suspendue jusqu'au 1er juin en attendant l’organisation d’une concertation avec les organisations professionnelles. 

Une mesure qui devait concerner plus de 200 000 petits entrepreneurs – des micro-entrepreneurs et des artisans pour l’essentiel – et aurait pu pousser les microentreprises assujetties à la TVA à facturer 20 % plus cher leurs services.

Perte de recettes pour les collectivités

Mais, au-delà de ces petites entreprises, cet abaissement à 25 000 euros du seuil de la franchise de TVA (dont les effets sont similaires à une exonération) faisait également craindre d’importantes conséquences pour les collectivités dès lors que cette réforme allait soumettre à cette taxe leurs activités générant de faibles recettes. 

Le sénateur LR de la Sarthe, Jean-Pierre Vogel, a d’ailleurs rapidement évoqué le problème dans le cadre du rapport très critique sur le sujet qui a été examiné, début avril, par la commission des finances sénatoriale. Ses membres avaient ainsi recommandé au gouvernement de « revoir (sa) copie ».

Rappelant que les collectivités territoriales « bénéficient actuellement de la franchise en base de TVA en dessous du seuil de 37 500 euros », Jean-Pierre Vogel a mis en garde sur le fait que celles-ci « se verraient appliquer la TVA à partir du nouveau seuil de 25 000 euros ». « Quid du montant des locations désormais assujetties à la TVA, pour des immeubles de rapport qui n'ouvrent pas droit au fonds de compensation de la TVA (FCTVA) et pour lesquels l'option à l’assujettissement à la TVA n’aurait pas été exercée à l’origine ? », a-t-il questionné.

Les locations de salles des fêtes, de locaux aux commerçants (boulangerie, épicerie en milieu rural…) ou à des professionnels de santé auraient ainsi pu être concernées, entraînant une hausse des tarifs ou une baisse des recettes des collectivités si celles-ci ne répercutaient pas la TVA sur les prix. 

En plus de l’impact financier, l’entrée de ces activités dans la TVA aurait aussi eu « des conséquences en termes de charge administrative pour les collectivités (déclaration de la TVA collectée et déductible, suivi de la TVA, etc.) », alertait en début d’année l’AMF

En sursis, la réforme pas enterrée

Dans les mois à venir, « nous proposerons une réforme plus équilibrée en tenant compte des situations de forte concurrence, notamment dans le bâtiment, (...) avec un seuil d’exonération de la TVA ramené à 25 000 euros de chiffre d’affaires annuel dans ce secteur, un nombre de seuils réduit et un seuil unique au juste niveau, conformément à l’amendement proposé par le gouvernement sur le projet de loi simplification », a fait savoir Éric Lombard.

Le ministre de l’Économie a d’ailleurs annoncé que « mardi prochain »  – demain donc – son homologue chargée du Commerce, « Véronique Louwagie, réunira de nouveau les parlementaires des différents groupes politiques dans la perspective de la préparation du projet de loi de finances pour 2026 ».

Dans son rapport d’information, le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, Jean-François Husson, avait tenu à préciser que, lors de ses auditions, il n’avait « pas vu beaucoup de soutiens à la réforme, hormis le monde du bâtiment ». Et ce bien que « l’exécutif tend(e) à dire que tout le monde est d’accord ».

La tâche s’annonce d’autant plus compliquée pour le gouvernement que le chef de file des députés macronistes et membre de l’actuelle « majorité », l'ancien Premier ministre Gabriel Attal, a d’ores et déjà dit soutenir une proposition de loi de son collègue de l’Essonne, Paul Midy (Renaissance), visant tout simplement à abroger la réforme pour « garantir une bonne fois pour toutes une stabilité fiscale pour (les) microentrepreneurs ». La proposition devrait être étudiée « début juin »  lors d'une niche parlementaire, selon son auteur. 

Pour mémoire, cette réforme avait été défendue initialement par le gouvernement Barnier dans la loi de finances pour 2025, avant d’être approuvée par le Sénat, la commission mixte paritaire puis l’exécutif actuel, lors de l’utilisation du 49.3. 

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