Et revoilà le « hold up » sur les Agences de l'eau
Par Franck Lemarc
Le gouvernement l’avait indiqué dès le départ : les délais d’élaboration du projet de loi de finances pour 2025 étant bien trop contraints, il ajouterait a posteriori un certain nombre de mesures par voie d’amendements pour compléter son plan de 60 milliards d’économies.
Ces amendements se sont beaucoup fait attendre mais, a l’heure où débute le débat en séance publique ce lundi 21 octobre, ils sont à présent consultables sur le site de l’Assemblée nationale.
Le gouvernement a déposé 20 amendements, dont deux ont déjà été retirés. Restent 18 amendements actuellement en cours d’examen, plusieurs d’entre eux concernant directement les collectivités territoriales.
Nouveaux prélèvements sur les Agences de l’eau
Premier constat : le gouvernement a donc décidé de perpétuer la mauvaise habitude consistant à se servir sur les recettes des Agences de l’eau pour alimenter le budget de l’État. L’amendement n° I-3340 et son exposé des motifs sont clairs : il s’agit « d’opérer un prélèvement exceptionnel de 130 millions d’euros sur la trésorerie des Agences de l’eau, reversé au budget général de l’État ».
« Exceptionnel » ? C’est vite dit. Cela fait dix ans en effet, que les gouvernements successifs ont pris de telles décisions. Tout avait commencé en 2014 avec un prélèvement de 210 millions d’euros – qualifié à l’époque de « hold up » par l’ancien Premier ministre Michel Rocard. La mesure a été ensuite régulièrement reconduite, à des niveaux divers.
Par ailleurs, en 2017, le gouvernement avait instauré une « contribution annuelle des Agences de l’eau » non pas vers le budget de l’État mais fléchée vers l’Agence française de la biodiversité et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage. Cette contribution a régulièrement été augmentée depuis. Elle le sera encore cette année : pour 2024, elle devait être comprise « entre 397,6 et 424.6 millions d’euros ». En 2025, selon le projet de loi de finances, elle ne pourra être inférieure à « 417,6 millions d’euros ».
Seule nouvelle un peu plus positive pour les Agences de l’eau : le plafond de recettes sera légèrement relevé. Rappelons que ce système dit du « plafond mordant » consiste à fixer un montant maximum de recettes pour les Agences (produit des taxes et redevances), tout ce qui se situe au-delà du plafond étant directement reversé au budget de l’État. Le plafond étant l’an dernier de 2,3 milliards, il passerait l’an prochain à 2,5 milliards, soit environ 200 millions d’euros de plus.
Mais l’amendement proposé par le gouvernement va en partie annuler cette augmentation, avec un nouveau prélèvement de 130 millions d’euros…
Une fois encore, le gouvernement utilise le budget des Agences de l’eau comme variable d’ajustement pour le budget de l’État, faisant fi du principe fondateur de la politique de l’eau en France – à savoir que, par le biais de la redevance, l’eau paye l’eau.
Retour sur le « Denormandie »
Un autre amendement concerne le dispositif Denormandie (aide fiscale destinée à encourager la rénovation des logements anciens dans le cadre locatif). En avril dernier, la loi visant à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement a étendu le bénéfice du dispositif Denormandie aux investissements réalisés dans les copropriétés dégradées. Sitôt voté, sitôt annulé : le gouvernement propose par amendement de revenir sur ce point et de supprimer l’extension du Denormandie aux copropriétés dégradées, en le recentrant, comme c’était le cas avant la loi du 9 avril 2024, aux « seules communes caractérisées par un fort besoin en réhabilitation de leur centre-ville ou ayant conclu une convention d’opération de revitalisation des territoires (ORT) ». Le gouvernement estime en effet que le nouveau dispositif n’est « pas satisfaisant » et « pas efficace ».
On peut estimer que c’est aller bien vite en besogne pour un dispositif né il y a six mois à peine, et que cette disposition n’est sans doute qu’un moyen de faire quelques économies sur une aide fiscale.
Valeurs locatives : nouveau décalage d’un an
Autre amendement, numéroté I-3631 : le gouvernement propose de décaler à nouveau d’un an la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation (RVLLH). Initialement prévue en 2023 pour une intégration dans les bases d’imposition de 2026, cette révision a d’abord été reportée de deux ans, en 2023, puis d’un an encore en 2024 – en accord avec les associations d’élus. Un amendement présenté par le gouvernement propose un nouveau report d’un an, « afin que les modalités d’actualisation des paramètres d’évaluation des locaux professionnels puissent être stabilisées, et ainsi permettre que les travaux liés à la RVLLH puissent utilement s’appuyer sur le processus complet arrêté pour les locaux professionnels ». Il est donc proposé d’effectuer la révision en 2026 pour une intégration dans les bases d’imposition en 2029.
Demi-recul sur l’Agefiph
Le gouvernement avait provoqué un tollé en proposant, dans le projet de loi de finances initial, la création d’un plafond sur les recettes de l’Agefiph (Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées). Comme pour les Agences de l’eau, il était proposé de reverser au budget de l’État les sommes perçues par l’Agefiph et dépassant un plafond fixé à 457 millions d’euros. Ce qui aurait représenté une ponction d’environ 100 millions d’euros sur le budget de l’association, très mal perçue par les acteurs de l’inclusion.
Le gouvernement recule donc en partie. Se disant conscient que « la mise en place d’un plafond (…) risque de priver l’Agefiph des ressources nécessaires pour la mise en place des actions en faveur de l’insertion professionnelle et du maintien en emploi des personnes en situation de handicap », il propose de supprimer le plafond … et de le remplacer par un prélèvement sur recettes de 50 millions d’euros. Soit au final une ponction moitié moindre que celle prévue, mais une ponction quand même.
Politique de la ville
Enfin, un amendement intéressant concerne les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Dans ces quartiers, un abattement de 30 % sur la TFPB des logements locatifs appartenant à un organisme de logement social est possible, sous réserve de la signature d’un contrat de ville et d’une convention entre le bailleur, la commune l’EPCI et le préfet. Le Code des impôts prévoit que cette signature, pour que l’abattement prenne effet en 2025, intervienne avant le 1er janvier prochain.
Compte tenu « du temps nécessaire pour négocier » ces conventions, le gouvernement craint que celles-ci ne puissent être signées dans les délais. Il propose de décaler la date butoir de trois mois, jusqu’au 31 mars 2025.
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