Budget 2023 : après un ultime 49.3, ce qu'il faut retenir du texte définitif
Par Aurélien Wälti
Elisabeth Borne a engagé, hier, pour la dixième fois sur un texte budgétaire, la responsabilité de son gouvernement en activant l'article 49.3 de la Constitution, afin de faire adopter sans vote le projet de loi de finances (PLF) pour 2023.
Dans la foulée, les députés de l'alliance de gauche Nupes (LFI, PS, PCF, EELV) ont annoncé le dépôt d'une motion de censure contre le gouvernement, en dénonçant « un coup de force par semaine » de la part de l’exécutif.
« La France a besoin d’un budget »
Devant un Hémicycle très clairsemé, la Première ministre a ainsi préféré éviter que sa majorité relative à l’Assemblée ne se fasse battre sur un texte aussi important et a justifié l’utilisation du 49.3 par les délais restreints fixés par la Constitution : « Nous arrivons demain [aujourd’hui, le 16 décembre, NDLR] au terme du délai constitutionnel prévu pour l’examen du projet de loi de finances […]. Le temps presse ». « Sur le budget, nous ne pouvons pas trouver de compromis si les oppositions craignent, ainsi, de se compromettre », a affirmé la Première ministre, à l'ouverture de la séance à l'Assemblée consacrée à la lecture définitive du PLF, assurant que « la France a besoin d’un budget applicable au 1er janvier 2023 ».
Le matin même, les sénateurs avaient rejeté, en nouvelle lecture, le texte en adoptant une motion opposant la question préalable et en dénonçant une « journée de dupes ».
Elisabeth Borne a ainsi défendu « un budget fait d’avancées concrètes pour nos concitoyens, dont beaucoup sont issues d’un travail parlementaire conduit au-delà des clivages. Je pense au filet de sécurité simplifié et élargi pour aider les collectivités à faire face à la hausse des prix de l’énergie […] ou encore à la hausse de la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité ».
Le président de la commission des finances, Eric Coquerel (LFI), a, lui, critiqué l'utilisation à répétition du 49.3, y voyant « un problème pour la démocratie et la marque d’un gouvernement qui est faible et minoritaire » et estimant que « ça ne pourra pas recommencer comme ça l’an prochain ».
Les « contrats de confiance » retirés… en attendant la programmation budgétaire
De son côté, l’AMF s’est félicitée, ce matin dans un communiqué, des « avancées » pour les collectivités qui restent toutefois « insuffisantes » à ses yeux. La première satisfaction est la confirmation du retrait des « contrats de confiance », concrétisant l’intention du gouvernement de ne pas maintenir le mécanisme de sanctions qui leur est associé.
La première ministre avait toutefois fait part, lors du congrès des maires, de sa volonté de préserver la « trajectoire » d'évolution des dépenses des collectivités et l’alignée sur celle de l’Etat. Si le Sénat s’est félicité de la « confirm[ation] » de « la suppression du dispositif de contractualisation avec les collectivités territoriales », celui-ci devrait vraisemblablement revenir dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour 2023 à 2027, texte sur lequel la commission mixte paritaire (CMP) - qui réunissait, hier, sénateurs et députés - a échoué à trouver un accord.
CVAE réduite en 2023, puis supprimée en 2024
Autre mesure particulièrement critiquée par les élus locaux : la suppression de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) attendue en 2024, avec une réduction de moitié dès 2023. Cette disparition représenterait ainsi une baisse d’impôt pour les entreprises et de recettes pour les collectivités de l’ordre de 4 milliards d’euros l’an prochain et de 8 milliards d’euros en 2024.
Le montant de la compensation pour les collectivités sera déterminé sur la base d’une moyenne quadriennale des recettes engrangées par les communes et les intercommunalités en 2020, 2021, 2022 et 2023, et non sur les trois premières années comme initialement envisagé.
Dans un rapport publié à la suite du vote d’hier, le Sénat estime que la mesure « ne s’accompagne toujours pas de meilleures garanties quant aux modalités de compensation prévues pour les collectivités territoriales », celles-ci se voyant « une nouvelle fois privées, dans un contexte déjà difficile, d’une ressource fiscale locale et craignent d’être victimes de la perte de lien entre leurs ressources et le dynamisme économique de leurs territoires ».
« Au vu des enjeux majeurs de définition des critères de répartition de la dynamique, la mise en place du nouveau système semble prématurée sous peine d’engendrer d’importants effets de bords sur les ressources des communes et EPCI, eux-mêmes déjà fragilisés par la conjoncture actuelle ». L’AMF ne dit pas autre chose ce matin et alerte sur « les effets collatéraux d’une suppression rapide et non préparée » de cette ressource. « La compensation des collectivités reste partielle et le mécanisme de répartition territoriale demeure inconnu », selon elle.
Energies : filet de sécurité et amortisseur
Devant la flambée des prix de l’énergie, un « filet de sécurité » sera mis en place pour les collectivités territoriales confrontées à la hausse de leurs dépenses d’énergie l’an prochain.
Après l’avoir simplifié tout au long de la discussion budgétaire, le gouvernement a finalement décidé que celui-ci bénéficierait notamment aux communes et aux EPCI qui auront subi en 2023 une perte d’épargne brute de « plus de 15 % ». Un critère « non pertinent » selon les sénateurs, qui le jugent « très fortement excluant, générateur de forts effets de seuil ».
Pour être éligibles à ce dispositif, les communes devront, en outre, avoir un potentiel financier par habitant « inférieur à deux fois le potentiel financier moyen par habitant de l’ensemble des communes appartenant au même groupe démographique ». Pour les EPCI leur potentiel fiscal par habitant devra être « inférieur, l’année de répartition, à deux fois le potentiel fiscal par habitant moyen des établissements appartenant à la même catégorie ».
Le montant de la dotation correspondra à « 50 % de la différence entre l’augmentation des dépenses d’approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain entre 2023 et 2022 et 50 % de celle des recettes réelles de fonctionnement » sur la même période.
Les collectivités qui s’estiment éligibles pourront également « demander un acompte », « avant le 30 novembre » 2023, sur le fondement « d’une estimation de leur situation financière ». Le montant de cet acompte pourra « être enregistré en recettes prévisionnelles de fonctionnement de leur budget primitif pour 2023 ou des décisions modificatives de leur budget pour 2023 ».
« Pour que les collectivités concernées soient informées de ces dispositifs », l’AMF propose d'ailleurs que « le ministère des Finances mobilise son réseau départemental ».
Par ailleurs, un « amortisseur électricité » sera mis en place dès le 1er janvier 2023 et bénéficiera à toutes les collectivités non-éligibles au bouclier tarifaire, quelle que soit leur taille. Celui-ci consiste à la prise en charge par l’État de la moitié de la différence entre le prix payé par le client par mégawattheure et un prix de référence, qui ne figure pas dans la loi mais doit être fixé par décret. Selon les informations données par le gouvernement, le dispositif prendra effet à partir de 180 euros par MWh, mais sera plafonné à partir de 500 euros par MWh.
Majoration étendue de la TH sur les résidences secondaires
Afin de lutter contre la crise du logement qui s’étend à un certain nombre de territoires souvent touristiques, le PLF pour 2023 met en place un nouveau zonage applicable à la taxe sur les logements vacants et à la majoration de taxe d’habitation sur les résidences secondaires.
Le nombre des communes autorisées à majorer leur taxe d’habitation sur les résidences secondaires sera donc étendu et devrait potentiellement concerné près de 4 000 nouvelles communes (soit environ 5 000 au total), celles principalement situées sur les façades atlantique et méditerranéenne, en Corse et dans les zones de montagne.
En première lecture, le Sénat avait adopté sans modification cette disposition, qui n’était donc plus en discussion en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, tout comme celle relevant d’un tiers les taux de la taxe sur les logements vacants, afin de les porter à 17 % la première année d’imposition, et à 34 % à partir de la deuxième.
Concernant la fiscalité locale, on peut également retenir le report à 2025 de l’actualisation des valeurs locatives des locaux professionnels et le maintien du dispositif légal de revalorisation des bases.
DGF : 320 millions d’euros supplémentaires
Du côté de la dotation globale de fonctionnement (DGF), le gouvernement a décidé, pour « la première fois depuis 13 ans », de l’abonder de 320 millions d'euros. Une revalorisation qui « permettra à une très grande majorité de communes de voir leur DGF augmenter en 2023 », et plus particulièrement de « renforcer le soutien aux communes rurales » via une enveloppe de 200 millions d’euros fléchée exclusivement sur la dotation de solidarité rurale (DSR). « La cohésion et l’équité territoriale » auraient exigé un abondement de la dotation de solidarité urbaine (DSU) « au moins équivalent », selon l'AMF, alors que celle-ci ne sera augmentée que de 90 millions d’euros.
Une hausse de 1,7 % qui ne compensera toutefois pas l’inflation. Raison pour laquelle les représentants de l'AMF avaient proposé d’indexer la DGF sur l’inflation, comme l’avait d’ailleurs voté les sénateurs lors de la discussion budgétaire, permettant une progression de la dotation de près de 800 millions d’euros. « Ce n’est pas un cadeau, c’est un dû. Et un dû, ça doit être payé en euros constants sinon c’est une dégradation », avait regretté le président du Comité des finances locales (CFL), André Laignel, lors du dernier congrès des maires.
Par ailleurs, on peut également retenir le maintien de la DSR de certaines communes nouvelles pour 2023 et le soutien à la dotation d’intercommunalité des communautés de communes les plus fragiles.
A noter que la réintégration des dépenses d’aménagement et d’acquisition de terrains dans le champ du FCTVA défendue par l’AMF n’a finalement pas été prise en compte dans les dispositions du PLF. « C’est pourtant une mesure indispensable pour soutenir l’investissement local », explique l’association.
Plus globalement, celle-ci prévient que « les difficultés financières des collectivités conduisent, dès à présent, à revoir à la baisse tous les programmes d’investissement ».
Consulter le texte définitif sur lequel le gouvernement a engagé sa responsabilité.
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