Pour échapper à un nouveau dérapage, Bercy vient de geler 8 milliards d'euros sur le budget de l'État
Par A.W.

Face à la détérioration de la conjoncture, le gouvernement vient de geler plusieurs milliards d’euros de crédits dans les budgets de l’État et de la Sécurité sociale. C’est ce qu’ont annoncé, hier, les ministres de l’Économie et des Comptes publics, Éric Lombard et Amélie de Montchalin, devant la commission des finances du Sénat. L’objectif, éviter un nouveau dérapage des finances publiques, après deux dernières années de dérives importantes.
Malgré des prévisions de croissance pour 2025 finalement moins bonnes que prévu et un contexte international incertain, les deux ministres ont assuré que « la stabilité des finances publiques demeur[ait] une priorité impérative ».
Mise en réserve pour « gérer les aléas »
Mais avec « de plus faibles recettes » et une « augmentation des dépenses de défense », est-il encore possible de tenir les 5,4 % de PIB de déficit inscrits dans la loi de finances pour 2025 ? C’est la question posée par le président de la commission des finances, Claude Raynal, à l’occasion de cette audition portant sur l’exécution du budget 2025, la préparation du budget 2026 et la trajectoire des finances publiques.
Publiées la veille, les prévisions de croissance de l’Insee s’annoncent, en effet, moins bonnes que prévu pour les deux premiers trimestres. Selon l’institut, « l’économie française tournerait au ralenti au premier semestre (+0,1 % au premier trimestre puis +0,2 % au deuxième) et l’acquis de croissance pour 2025 atteindrait seulement +0,4 % à mi-année ».
« Nous avons de très nombreux aléas », à la fois « en recettes » et « en dépenses », a reconnu la ministre des Comptes publics, insistant sur le fait que « ces aléas ne peuvent pas devenir un prétexte à ne pas tenir notre engagement ». Pour éviter un nouveau dérapage du déficit, Amélie de Montchalin a donc présenté plusieurs « ajustements » et « mesures prudentielles » décidés par l’exécutif.
Afin de réduire les dépenses publiques et « gérer ses aléas », ce dernier a donc « déjà » mis en réserve « un peu plus de 8 milliards d’euros » à l’échelle « interministérielle ». Des sommes inscrites dans la loi de finances qui sont ainsi bloquées. « Ces 8 milliards d’euros concernent l’Etat, les collectivités sont chacune libres et autonomes de faire les réserves qu’elles souhaitent », a précisé la ministre.
Le gouvernement de Gabriel Attal avait gelé, de la même manière, 16,5 milliards d’euros durant l’été dernier, avant qu’une grande partie de ces crédits ne soient tout simplement annulés en fin d’année. Pour rappel, cette « réserve de précaution » avait intégré les coupes claires décidées tout au long de l’année 2024. Des ponctions qui avaient notamment visées le Fonds vert, l'ANCT et MaPrimRénov'.
En outre, et « peut-être pour la première fois », l'exécutif a mis en place une « réserve » dans « le cadre de la Sécurité sociale, et en particulier les dépenses d’Assurance-maladie ».
Bercy prévoit également de mettre fin à la « pratique abusive » des reports de crédits qui, chaque année, ne sont pas utilisés. Venant « aggraver le déficit », « cette mécanique de report qui était montée jusqu’à 43 milliards d’euros en 2021 explique, en grande partie, la difficulté à tenir l’exécution budgétaire » depuis lors, a justifié Amélie de Montchalin.
Le Fonds climat remonte à 200 millions ?
Très rapidement, la ministre est revenue sur les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) et le « débat qu’il y avait eu sur la manière de les mettre en place ».
Mais « il n’y a pas de débat en fait ». « Vous avez voté 200 millions d’euros, ces 200 millions seront bien mis en œuvre », a-t-elle déclaré, alors qu’il y a un mois la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, avait annoncé que l’enveloppe du fonds climat territorial – accordée aux intercommunalités dotées d'un plan climat – serait diminuée de moitié, à hauteur de 100 millions d’euros.
Un énième épisode dans la mise en œuvre chaotique de ce fonds, mais à en croire la ministre des Compte publics, « Agnès Pannier-Runacher a[urait] permis dans les derniers jours que la loi soit bien respectée ». Sans plus de détail.
Pour rappel, la part du Fonds vert dédiée au soutien des PCAET sera répartie par les préfets de région entre tous les EPCI dotés d’un PCAET, « sur la base du nombre d’habitants ». Selon l’instruction sur les règles d’emploi des dotations d’investissement publiée récemment, « les EPCI destinataires des crédits financent les actions inscrites dans leur PCAET [et ces dernières] ne sont pas soumises au contrôle a priori du préfet de département. »
Alors que le gouvernement souhaite « sortir de la logique d’opposition entre l’État et les collectivités (ou entre l’État et la Sécurité sociale) » pour le budget 2026, Éric Lombard a indiqué avoir « d’assez bonnes nouvelles du côté des dépenses des collectivités locales » en 2024.
Amélie de Montchalin a ainsi indiqué que les derniers éléments laissent à penser que « les 6 % de PIB de déficit en 2024 pourraient être un peu meilleurs que prévu ». En cause, « un déficit de la Sécurité sociale qui s’établirait à 15,3 milliards d’euros » (contre 18,2 milliards d’euros initialement prévus) et « un ralentissement, en fin d’année, d’un certain nombre de dépenses de fonctionnement des collectivités ».
« En rythme annuel, cette croissance de la dépense de fonctionnement des collectivités va s’établir entre 4,5 et 5 %, c’est-à-dire moins que les 8 % qui avaient été estimés à la fin du premier semestre 2024 ». En 2025, « la dépense de fonctionnement des collectivités augmenterait d’environ 2,6 % », à un rythme « plus élevé que le PIB nominal », a toutefois souligné la ministre. Elle souhaite ainsi ouvrir « une conférence de financement » avec « un mot clé : la prévisibilité ».
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2