En l'absence de budget en 2026, le gouvernement agite un « grand risque » pour le pays et prévient des « répercussions » pour les collectivités
Par A.W.
« Ne pas adopter de budget avant la fin de l’année serait faire prendre un grand risque au pays tout entier […] L’heure du compromis est donc arrivée. » Devant le Sénat qui a entamé hier dans l’hémicycle l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2026, les membres du gouvernement ont largement alerté sur les conséquences d’une absence d’accord sur ce texte budgétaire fondamental.
« Le compromis est urgent »
« Le temps nous est compté », ont ainsi averti les ministres de l’Économie et des Comptes publics, Roland Lescure et Amélie de Montchalin, en préambule des débats, estimant qu’un « compromis global » et « raisonnable » est « nécessaire », et même « urgent ». Le nombre d’occurrences de ce fameux mot de « compromis » – pour l’heure tout à fait hypothétique – a sans doute atteint un record, tant le terme a parsemé les allocutions des deux représentants du gouvernement.
Ces derniers ont ainsi appelé les sénateurs à se montrer « constructifs » vis-à-vis de l'Assemblée nationale (qui a déjà rejeté le texte en première lecture), malgré leurs importantes divergences. Alors que le Sénat débattra du texte jusqu'au 15 décembre, les deux chambres du Parlement n’ont plus guère de temps puisqu’elles devront avoir finalisé son examen d’ici le 23 décembre, pour respecter les délais constitutionnels.
Appelant les parlementaires et l’exécutif à se « mettre d’accord sur l’essentiel », Amélie de Montchalin a dit voir « une majorité […] pour donner une base de stabilité pour le pays et lui redonner un cap prévisible ». « Les dernières semaines ont montré qu’un chemin était possible », a-t-elle estimé, en souhaitant « aboutir à un texte équilibré qui pourra ensuite être adopté ».
Car « ne pas adopter de budget avant la fin de l’année serait faire prendre un grand risque au pays tout entier », a-t-elle prévenu, ajoutant qu’« échouer, ce serait acter l'affaiblissement durable de notre pays plutôt que son sursaut ». À ce stade, le compromis apparaît toutefois bien éloigné alors que les députés viennent de rejeter à la quasi-unanimité ce projet de budget et que le Sénat, dominé par la droite, reste intransigeant en refusant la plupart des accords votés à l'Assemblée nationale et en critiquant les concessions faites aux socialistes.
Les « répercussions » d’une loi spéciale
Réfutant l’idée que la situation ne serait « pas si grave » et que le pays pourrait se « contenter d’une loi spéciale à compter du 1er janvier », Amélie de Montchalin a énuméré une liste des « répercussions » d’une telle décision.
Pour la transition écologique d’abord, « cela voudrait dire des retards dans la décarbonation » de l’économie, des logements et des transports. Pour l’Éducation nationale et « les solidarités », il faudrait s’attendre à « un report » à la fois de « la réforme des formations des enseignants » et du « soutien à l’aide sociale à l’enfance alors que les besoins sont criants ». La défense serait, elle aussi, menacée « de retards dans [les] investissements [alors que] la guerre est à nos portes » tandis que les viticulteurs devraient faire sans le soutien de l’État malgré « la crise qu’ils traversent ».
Pour les collectivités enfin, « cela voudrait dire une interruption du soutien de l'État à l’investissement de nos communes, départements et régions », « pas de soutien aux départements pourtant tant en difficulté alors qu’ils font face à la progression de leurs dépenses sociales et que le gouvernement a proposé de remonter le fonds de sauvegarde à 600 millions d’euros ».
La semaine passée déjà, Sébastien Lecornu avait mis en garde les maires, en clôture de leur congrès. Il les avait ainsi prévenus du risque qu’il n’y ait « aucune dotation d’investissement » versée en 2026, comme l’an passé lorsque le pays avait dû fonctionner quelques semaines grâce à une loi spéciale. Les subventions avaient été suspendues et seuls les paiements des précédents engagements avaient été assurés.
Sur ce point, on peut d’ailleurs rappeler que les sénateurs comptent balayer le projet de l’exécutif de créer un fonds d'investissement pour les territoires (FIT) dans lequel seraient fusionnées la DETR, la Dsil et la dotation politique de la ville (DPV) tout en réduisant sérieusement l’effort réclamé aux collectivités en 2026. Le rapporteur général du budget, Jean-François Husson (LR), a ainsi prôné hier « une contribution raisonnée et raisonnable » au redressement des comptes publics, celui-ci pointant au passage « la méthode du gouvernement » qui « doit être grandement améliorée ».
Accord trouvé sur un autre texte budgétaire
Reconnaissant que « la voie est étroite », le président de la commission des finances Claude Raynal (PS) a convenu, de son côté, que « le Sénat sortirait grandi s’il créait les conditions […] non seulement de permettre une commission mixte paritaire conclusive, mais surtout [de le faire au travers] d’un texte qui pourrait être adopté par une Assemblée nationale que nous savons divisée ». Roland Lescure a donc insisté pour que « ces débats conduisent à la construction d'un compromis avec des élus à l'Assemblée nationale qui ne pensent pas comme la majorité sénatoriale », celui-ci espérant, « pourquoi pas – on peut toujours rêver – parvenir à une commission mixte paritaire conclusive ».
Si, la veille, sénateurs et députés ont échoué à trouver un accord sur le projet de budget de la « Sécu » pour 2026, le ministre de l’Économie a pu voir ses minces espoirs ravivés hier après que les parlementaires ont réussi – à l’issue d’une autre commission mixte paritaire (CMP) – à trouver un accord sur un autre texte budgétaire moins connu : le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) pour 2025.
« Loin de ceux qui entretiennent le récit de l’immobilisme et du blocage, un compromis a bel et bien été trouvé entre députés et sénateurs », s’est d’ailleurs félicitée la ministre des Comptes publics dans la foulée, espérant que « cet accord [soit] voté ce mardi ». Pour rappel, ce nouvel outil budgétaire permet d’ultimes ajustements de crédits sur l'exercice en cours afin de tenir l'objectif de déficit pour 2025. Le texte n'ayant été rendu public qu'en fin de matinée, Maire info rendra compte de son contenu exact dans une prochaine édition.
Rejeté initialement par les députés, on peut rappeler que la copie déposée par le gouvernement proposait de nouvelles coupes claires, notamment pour les collectivités. Il était prévu qu’elles subissent une annulation de crédits de 65 millions d’euros de crédits de paiement sur la mission qui leur est consacrée (après 116 millions d’euros supprimés en début d’année). Différents autres programmes (urbanisme, politique de la ville, sport, plan très haut débit…) étaient également concernés par des baisses, tout cela portant « essentiellement » sur la réserve de précaution des ministères, avait assuré le gouvernement.
Entretemps, les sénateurs avaient adopté leur propre copie en majorant notamment les crédits du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT), ceux destinés à La Poste dans le cadre de sa mission de service public d’aménagement du territoire ou encore pour renforcer le financement par l’État des pôles de compétitivité.
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