Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 12 décembre 2024
Budget de l'état

Dotations, Fonds vert, FCTVA... : ce que contient la loi spéciale

En attendant un budget pour 2025, cette loi d'urgence permettra aux collectivités de percevoir « par douzièmes » une DGF basée sur le montant et les règles de 2024. Mais pas de reconduire la DETR ou le Fonds vert, entre autres multiples conséquences.

Par Aurélien Wälti

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« Parer à l'urgence. »  Dans l’attente d’un nouveau budget à la suite de la censure, le gouvernement démissionnaire de Michel Barnier a présenté, hier, le projet de loi spéciale (PLS) visant à « assurer la continuité de la vie nationale et l'exécution des services publics »  à compter du mois de janvier. 

C’est la deuxième fois depuis 1979 que le pays est confronté à une telle situation, à l'époque le budget n'avait pu être adopté avant le 31 décembre car il contenait des mesures rejetées par le Conseil constitutionnel. Le pays se retrouve donc dans une situation quasi inédite. 

« En l’absence de possibilité d’aboutir à la promulgation d’un projet de loi de finances (PLF) pour 2025 avant le 31 décembre »  et après le rejet du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) par les députés, la semaine dernière, cette loi spéciale doit ainsi permettre de faire la transition entre 2024 et 2025 en empêchant la paralysie budgétaire et en évitant un « shutdown ».

Levée de l’impôt et recours à l’emprunt

Mais pour cela, elle doit encore être adoptée par les parlementaires qui l’examineront à compter de lundi, à l'Assemblée, et de mercredi, au Sénat. S’il paraît peu probable, un éventuel rejet entraînerait donc le pays dans une impasse budgétaire et bloquerait ses administrations dès le début d’année prochaine.

Que contient ce PLS ? « Il n’y a pas de choix politique dans cette loi », a d'abord coupé court hier le ministre démissionnaire du Budget, Laurent Saint-Martin, lors de son audition devant la commission des finances de l’Assemblée, avant de résumer : « C’est lever de l’impôt et lever de la dette. Point. » 

Particulièrement succinct, ce texte d’urgence ne comprend que trois articles relatifs à « des dispositions indispensables au fonctionnement régulier de l’État, des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale, nécessaires à la continuité de la vie nationale et au fonctionnement des services publics ». 

Il prévoit ainsi d’autoriser le gouvernement à lever les impôts existants et dépenser les crédits sur le fondement du dernier budget voté (celui de 2024). Grâce à lui, l’Etat et les organismes de sécurité sociale pourront donc emprunter afin de financer leurs futures dépenses. L'Acoss (Agence centrale des organismes de sécurité sociale), les caisses dédiées au personnel ferroviaire (CPRPF) aux mines (CANSSM) ainsi que celle des agents territoriaux (CNRACL) seront ainsi autorisées à recourir à l'emprunt « dans la stricte limite de leurs besoins ».

Une fois le PLS adopté, un décret sera publié dans la foulée. Il ouvrira « les crédits applicables aux seuls services votés ». Des crédits qui « ne pourront pas excéder les montants des crédits ouverts de la loi de finances de 2024, mais ils pourront être en deçà ».

La DGF au même montant qu’en 2024

Pour les élus locaux, c’est le premier article de ce texte (portant sur les recettes de l’Etat et l’autorisation de lever l’impôt) qui donne la possibilité de reconduire des prélèvements sur les recettes au profit des collectivités territoriales pour une « durée temporaire, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de finances de l’année »  2025.

Concrètement, c’est ce qui permettra aux collectivités de percevoir la dotation globale de fonctionnement (DGF), sur la base de son montant et des règles d’attribution de l’année 2024, c’est-à-dire un peu plus de 27 milliards d'euros, prévus également dans le projet de budget initial du gouvernement Barnier. Même chose pour ce qui est des dotations de solidarité urbaine (DSU) et rurale (DSR).

La DGF sera donc « bien versée par douzièmes dès le début de l'année », tout du moins pour les enveloppes faisant l’objet d’un versement mensuel, avant que son montant ne soit « régularisé lorsque le projet de loi de finances sera voté », indique-t-on à Bercy. Toutefois, il n’y aura « pas forcément les mêmes montants »  que l’an passé pour chaque collectivité puisque certaines variables d’attribution ont pu « bouger », comme la population par exemple. 

Pour ce qui est du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), les règles ne changent pas pour l’heure. Comme habituellement, les crédits attribués « dépendent des demandes des collectivités auprès de l'État ». Pour rappel, le projet de budget du gouvernement Barnier proposait de l’amputer de 800 millions d’euros et de le recentrer.

DETR, Dsil et fonds vert en suspens

Ce texte présente, toutefois, une série de limites sur lesquelles les ministres de l’Economie et du Budget ont en partie répondues, hier, lors de leur audition devant les députés.

Laurent Saint-Martin a ainsi confirmé que le gouvernement ne pouvait pas procéder à « de nouveaux investissements ni à des dépenses discrétionnaires, qui concernent notamment les fonds de soutien pour les entreprises, les collectivités et les associations ».

« Sauf exceptions qui correspondrait à une situation d’urgence », les subventions sont suspendues. Si les élus locaux pourront bien bénéficier de la dotation de soutien à l'investissement local (Dsil), la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ou encore du Fonds vert pour leurs dépenses déjà engagées, ils devront attendre l'adoption d’un budget 2025 pour percevoir ces dotations sur leurs nouvelles dépenses.

« On peut assurer les paiements des précédents engagements, et c’est tout », a clarifié le ministre du Budget. Tant qu’un PLF n’est pas voté, ces dépenses dites « discrétionnaires »  ne peuvent donc pas être exécutées. « Les collectivités qui avaient reçu des subventions liées au Fonds vert en 2024 recevront le paiement des subventions déjà attribuées, mais il ne pourra pas y avoir de nouvelles subventions attribuées »  pour l’heure, explique-t-on par exemple à Bercy. 

« Ce qu’on va essayer de faire, c’est respecter au mieux l’appréciation du caractère d’urgence pour les associations qui assurent un certain nombre de services publics qui leur sont confiés », a assuré l’ancien rapporteur général du budget.

On peut aussi signaler que la réduction progressive de la part restante de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) - dont la suppression est toujours prévue en 2027 - n’est finalement plus annulée pour l’instant, alors que le projet de budget prévoyait de la reporter de trois ans et de la supprimer définitivement en 2030. Ce sera donc au prochain gouvernement de déterminer s’il souhaite ou non ajuster cette mesure.

Nouvelle Calédonie, FRR, meublés de tourisme…

Parmi les autres conséquences de la censure du gouvernement Barnier, Laurent Saint-Martin et Antoine Armand, le ministre de l'Economie, ont assuré qu’il ne sera « pas possible »  de débloquer un prêt de 1 milliard d’euros destinée à la Nouvelle-Calédonie pour « sécuriser le paiement des situations d'urgence, le paiement des fonctionnaires ou certaines aides critiques », qu’il n’y aura « pas de mesures catégorielles de fait pour les fonctionnels en 2025 »  et ont rappelé que « la mise en œuvre des mesures fiscales relatives au zonage (FRR), notamment pour les 2 800 collectivités concernées, relève désormais de la décision d’un prochain gouvernement ».

De la même manière, certaines dispositions de la loi sur les meublés de tourisme ne pourront être appliquées. « Pas de PFL, pas de transcription fiscale sur cette proposition de loi. Il faudra attendre la prochaine loi de finances », a détaillé le ministre du Budget, alors que ce texte rabote fortement la niche fiscale très favorable des meublés de tourisme.

Laurent Saint Martin s’est ainsi désolé de « tous les manques qu’il y a pour les collectivités, les agriculteurs, les entreprises… et qui étaient prévus dans les textes financiers »  qui ont été mis en suspens. Le gouvernement ne pourra ainsi pas augmenter des budgets prévus en hausse (armée, justice, intérieur, recherche). « C’est ce que j’appelle la facture de la censure », a-t-il déploré. « Ce n’est pas la censure qui a mis le chaos, mais l’utilisation du 49.3 », a rétorqué une partie des députés, le renvoyant à la politique « d’austérité »  mise en place par le gouvernement.

Reste que le point central qui suscite le plus de remous est l'impôt sur le revenu. Sans l'indexation initialement prévue, « 380 000 nouveaux foyers »  pourraient se retrouver imposables l'an prochain, et « un peu plus de 17 millions d'entre eux »  pourrait subir une augmentation de cet impôt, selon les ministres. 

Interrogé sur un possible amendement de la loi spéciale pour remédier à cette situation, Laurent Saint-Martin a renvoyé à « l'avis très clair et très précis du Conseil d'Etat »  sur la loi spéciale : « Il ne peut pas y avoir de nouvelles dispositions fiscales »  dans ce texte. La gauche et le RN entendent, toutefois, bien l'amender pour s'assurer, notamment, que le barème de l'impôt sur le revenu soit indexé sur l'inflation, entraînant une possible saisie du Conseil constitutionnel et, avec elle, d'éventuelles nouvelles incertitudes.
 

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