Budget de la transition écologique : une hausse en trompe-l'oeilÂ
Par Franck Lemarc
« La France n’a jamais autant investi pour la transition écologique ! ». À l’instar de plusieurs de ses collègues du gouvernement, la ministre Barbara Pompili s’est réjouie, hier, d’un budget « historique » et de moyens financiers « massifs ». « Il faut investir, investir, investir, a martelé la ministre. C’est ce que fait le gouvernement depuis cinq ans, de manière croissante ». Sauf qu’à y regarder de plus près, il n’y a peut-être pas tant de raisons de se réjouir.
Trompe-l’œil
La somme de 50 milliards est certes importante, mais il ne faut pas oublier que le ministère de la Transition écologique chapeaute aujourd’hui bien d’autres activités que la seule transition écologique. Il a en particulier absorbé, depuis le remaniement de 2020, le ministère du Logement.
C’est d’ailleurs bien le budget du logement qui, dans le total, pèse le plus lourd : il drainera en 2022, à lui seul, plus de 17 milliards d’euros. Une grande partie de ce budget (13,1 milliards) ira aux aides et à l’accès au logement – ce qui, à proprement parler, n’a pas grand-chose à voir avec de la transition écologique.
Plus directement dans le cœur de cible de la transition écologique, les mobilités bénéficieront de 8 milliards d’euros, dont 6,9 milliards pour les infrastructures, opérateurs et services de transport.
La transition écologique elle-même représente, dans ce budget, 15,9 milliards d’euros, dont environ la moitié pour le service public de l’énergie, 2,5 milliards pour les paysages et la biodiversité et 3,2 milliards pour « l’énergie et le climat ».
Deux milliards d’euros seront consacrés au seul dispositif MaPrimeRenov’, comme l’avait annoncé le Premier ministre il y a quelques jours. Le budget alloué à la rénovation des bâtiments des particuliers fait donc plus que doubler. S’y ajouteront les crédits spécifiques du Plan de relance, qui incluent le financement de « 6 000 projets de rénovation de bâtiments publics », pour un total de 4 milliards d’euros. Les associations de défense de l’environnement ne se montrent toutefois pas pleinement satisfaites sur le terrain de la rénovation énergétique, arguant que MaPrimeRenov’ est essentiellement utilisée pour le remplacement des chaudières au fioul, et passe ainsi en grande partie à côté de la cible de la rénovation des passoires thermiques.
Mobilités
Côté mobilités, le gouvernement annonce 100 millions d’euros en 2022 pour déployer les installations de recharge pour les véhicules électriques sur les autoroutes et routes nationales. Le budget consacré à la remise à niveau des petites lignes ferroviaires a été doublé par rapport à ce qu’il était au début du quinquennat, pour atteindre la somme (néanmoins modeste au regard des besoins) de 180 millions d’euros. Une enveloppe de 100 millions d’euros a par ailleurs été débloquée pour la relance des trains de nuit, une autre de 175 millions pour « le verdissement des ports ».
Énergie et biodiversité
Pour ce qui concerne l’énergie, petite surprise au menu : le budget de soutien aux énergies renouvelables est en baisse assez marquée, passant de 6,9 à 6,1 milliards d’euros. Dans le dossier de presse du gouvernement, ce chiffre n’est évidemment pas mis en avant, mais si l’on additionne les sommes consacrées aux énergies renouvelables électriques (4,7 milliards d’euros), au développement du biométhane, à la cogénération et aux études pour l’éolien en mer, on obtient bien 6,1 milliards. Les associations de défense de l’environnement ont d’ores et déjà, depuis hier, critiqué cette baisse qu’elles qualifient de « scandale ».
Quinze millions d’euros supplémentaires sont consacrés au budget eau et biodiversité. Mais là encore les efforts apparaissent relativement modestes : 20 postes supplémentaires vont être créés pour les parcs nationaux, et le budget consacré « à la gestion des écosytèmes forestiers » augmente de 2,3 millions d’euros. Les moyens des agences de l’eau sont « confortés », écrit le gouvernement. C’est un peu exagéré : en réalité, il a été choisi de ne plus supprimer de postes au sein des agences de l’eau qui, depuis quinze ans, perdent environ 2 % de leurs effectifs chaque année.
« Moins pire que pire »
D’un point de vue général, Barbara Pompili a certes raison lorsqu’elle parle d’un « ralentissement » des suppressions de postes dépendant de son ministère : seuls 350 équivalents temps plein seront supprimés en 2022, contre une moyenne de 1 000 à 1 500 par an ces dernières années. Mais cela suffit-il pour autant à se réjouir ? On pourrait attendre, lorsque l’on regarde les prévisions apocalyptiques des climatologues pour les décennies à venir, à un effort nettement plus volontariste en matière de transition écologique. « C’est moins pire que pire. Mais au regard des besoins de la transition écologique, nous avions besoin d’une inversion franche et d’une augmentation des effectifs », commentait par exemple hier Patrick Saint-Léger, secrétaire national du Syndicat national de l’environnement.
Les réseaux d’associations environnementales ne mâchent d’ailleurs pas leurs mots depuis hier : « Le PLF 2022 signe l’échec de la politique de transition énergétique du gouvernement », lâchait hier, déçu, le réseau Action climat.
Télécharger le dossier de presse du ministère de la Transition écologique.
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