Maire-info
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Édition du lundi 24 novembre 2025
Budget de l'état

Budget 2026 : pour sortir de l'impasse budgétaire, l'hypothèse d'une nouvelle loi spéciale se précise

Presque unanimement rejeté par les députés ce week-end, le projet de budget passe désormais aux mains des sénateurs qui comptent bien réduire sérieusement la ponction imposée aux collectivités en 2026. Mais la suite s'annonce très incertaine.

Par A.W.

Fait inédit dans la Ve République, l'Assemblée nationale a rejeté à la quasi-unanimité, dans la nuit de vendredi à samedi, le projet de loi de finances (PLF) pour 2026, lors de sa première lecture. Un vote qui augure mal de l’adoption de ce texte essentiel à la vie du pays d’ici la fin de l'année, en conformité avec les délais constitutionnels. 

Il n’y a guère qu’aux yeux du député d’Eure-et-Loir Harold Huwart (Liot) que la partie « recettes »  de ce « budget Frankenstein », mélange fourre-tout sans orientation politique précise, a trouvé grâce. Après des semaines de débats, c’est le seul des 577 députés à avoir choisi de voter en sa faveur. Pour le reste, 84 députés issus pour l’essentiel du MoDem et de Renaissance se sont abstenus quand 404 autres (de toute la gauche, du RN, de LR, d’Horizons et une poignée de macronistes notamment) l’ont rejetée. 

« Symbole ravageur » 

Résultat, en refusant d’adopter cette partie « recettes »  du projet de loi, les députés ont par là-même rejeté le texte dans sa totalité sans examen de leur part de la partie « dépenses », renvoyant ainsi la version initiale du gouvernement au Sénat. 

« Je ne comprends pas par quelle logique vous arrivez à trouver une majorité sur chaque article et une unanimité contre le texte (...) C'est inouï, inédit », a tenté de faire valoir Harold Huwart dont la loi de simplification du droit de l’urbanisme vient d’être en partie censurée par le Conseil constitutionnel. Assurant que ce texte était « plus présentable que celui de l’an dernier à la même époque », il estime que le rejet est un « symbole ravageur » : « On ne peut pas passer un mois à bosser sur un texte, et ensuite refuser de l’assumer. J’étais hier dans mon département, et tout le monde me dit qu’on marche sur la tête ! », a déploré l'ancien maire de Nogent-le-Rotrou.

« Incohérents et bordélisateurs, même la macronie et les socialistes n'ont pas défendu leur œuvre », a taclé le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon, dont les députés ont largement fustigé le texte. Malgré un certain nombre de victoires décrochées lors des débats, les socialistes ont en effet estimé que « le compte n'y [était] pas », jugeant que les recettes n’étaient pas « suffisantes pour effacer les coupes budgétaires [...] sur [les] services publics ». 

Le camp gouvernemental a, de son côté, invoqué les « horreurs économiques »  votées par les oppositions pour justifier son absence de soutien au projet de budget. Alors que la cheffe de file des députés RN, Marine Le Pen, a pour sa part estimé que ce vote « ne peut avoir qu'une conclusion : la démission du gouvernement et la dissolution afin que le peuple se choisisse une majorité d’alternance ».

Au Sénat, l’effort des communes « divisé par trois » 

C’est donc désormais au Sénat de s’attaquer, dès cette semaine, à la copie du gouvernement. Et il compte bien entièrement la récrire.

Le président de la chambre haute, Gérard Larcher (LR), a déjà annoncé sa volonté de réduire sérieusement la ponction infligée aux collectivités via « un plafond maximal [de] 2 milliards d’euros, hors CNRACL », au lieu des 4,6 milliards évalués par le gouvernement et des « plus de 7 milliards »  calculés par les associations d’élus. Les communes pourraient même voir leur effort total « divisé par trois » , selon l’ancien maire de Rambouillet. 

Pour y parvenir, les sénateurs prévoient d’exonérer totalement les communes du nouveau dispositif d’épargne forcée et de revoir les modalités de reversement de la version 2026 du Dilico en les calquant sur sa version 2025. Il ne se ferait donc pas sur cinq ans ni sur la base de 80 % de son montant, mais bien sur une période de trois ans et via un remboursement de 90 % de la somme prélevée, a assuré Gérard Larcher la semaine dernière lors du congrès des maires.

La chambre des territoires souhaite également réintégrer les dépenses d’entretien des bâtiments publics, de voiries et des réseaux au sein de l’assiette du FCTVA, mais aussi « réduire de moitié »  la diminution de la compensation de l’abattement sur les valeurs locatives industrielles dans la contribution foncière des entreprises (CFE). Surtout, elle compte empêcher la création du fonds d'investissement pour les territoires (FIT) voulu par le gouvernement et qui fusionnerait la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l'investissement local (Dsil) et la dotation politique de la ville (DPV).

La loi spéciale, l'hypothèse la « plus probable » 

Reste qu’une fois adoptée, la copie sénatoriale devra encore être rediscutée en commission mixte paritaire où rien ne garantit que sénateurs et députés arrivent à se mettre d’accord sur un texte définitif. Dans ce contexte, le vote d'un budget pour 2026 d’ici la fin de l’année apparaît de plus en plus incertain et le scénario d’un recours à une loi de finances spéciale commence à prendre sérieusement forme.

Ce serait même l’hypothèse la « plus probable », selon le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, Éric Coquerel (LFI). Une voie également défendue par le président des Républicains Bruno Retailleau, ce week-end. Sorte de budget d’urgence reconduisant le budget 2025 et autorisant la perception des impôts existants, ce dispositif empêcherait la paralysie budgétaire et éviterait un « shutdown ». Ce serait la troisième fois que le pays y aurait recours, après 1979 et l’an passé.

Si l'exécutif semble préférer cette option à celle d'une adoption par ordonnance ou à un recours à l'article 49.3 (qu’il a exclu), Sébastien Lecornu continue d’affirmer que son objectif est toujours de trouver un compromis et de passer par un vote. Il a d’ailleurs mis en garde les maires, jeudi, en clôture de leur congrès : « En cas d’absence d’adoption d’un budget », il n’y aurait « aucune dotation d’investissement »  versée en 2026. 

C’est ce qu’il s'était déjà passé l’an dernier lorsque le pays a fonctionné quelques semaines avec une loi spéciale. Si la DGF avait bien été versée sur la base de son montant et des règles d’attribution de l’année 2024 – tout comme les dotations de solidarité urbaine (DSU) et rurale (DSR) – , les subventions avaient été suspendues et seuls les paiements des précédents engagements avaient été assurés. Dans cette hypothèse, les élus locaux bénéficieraient de la Dsil ou de la DETR pour leurs dépenses déjà engagées, mais ils seraient contraints d’attendre l'adoption d’un budget 2026 pour percevoir ces dotations sur leurs nouvelles dépenses.

Pour qu’il voie le jour, le projet de loi spéciale devrait, en théorie, être présenté avant le 19 décembre. Mais il s'agit d'un « parachute de dernier ressort », a prévenu hier la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin. Cet « outil »  permet d’éviter « le défaut »  de paiement de l'État et des collectivités en continuant à payer les créanciers, les fonctionnaires, les politiques sociales, mais il ne permet « pas d'économies, pas d'investissements », a martelé la ministre, en estimant que ce type de texte « met dans une position où on s'affaiblit nous-mêmes ».

D’autant que le problème principal ne sera pas résolu, les débats parlementaires devant in fine reprendre en début d'année afin de trouver un budget pour 2026.

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