Budget 2025 : comment le gouvernement entend ponctionner 6,5 milliards d'euros sur les collectivités
Par A.W.
Les collectivités vont finalement devoir contribuer grandement au redressement des finances publiques en 2025. C’est ce qu’a décidé le gouvernement afin de ramener le déficit à 5 % du PIB dès l’an prochain alors que la situation budgétaire du pays dérape. Un « hold-up », a déploré, hier midi, le président du Comité des finances locales (CFL), André Laignel après les décisions prises par le gouvernement pour l’année 2025.
Quelques heures plus tôt, la ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation, Catherine Vautrin, et le ministre chargé du Budget et des Comptes publics, Laurent Saint-Martin, présentaient aux membres du CFL un plan demandant aux collectivités un effort « d'économies » (ce terme est contesté par l'AMF, lire article ci-contre) de 5 milliards d'euros en 2025, sur les 40 milliards prévus au global.
De quoi saisir les élus puisque rien, ou presque, n’avait filtré jusque-là des intentions de l’exécutif. Outre la réduction de 1,5 milliard d’euros du Fonds vert (qui avait déjà été éventée), ce plan se décompose en trois mesures : la création d’un « fonds de précaution » qui impacterait les plus grosses collectivités, « un rabotage » de la TVA et « l’amputation » du FCTVA.
Un « fonds de précaution » de 3 milliards d’euros
Le dispositif principal prévu est donc ce « fonds de précaution » qui « taxera les collectivités à hauteur de 3 milliards d’euros » et serait imposé à celles « qui ont un budget de fonctionnement supérieur à 40 millions d’euros ». Une mesure qui portera sur « un peu plus de 400 » d’entre elles, mais qui prendrait toutefois en compte « la situation financière des collectivités », a détaillé André Laignel.
Ce système « d'auto-assurance » permettrait ainsi la mise en réserve du fonds afin d’en restituer l’épargne plus tard, mais ses modalités restent encore inconnues. Il reste donc pour l’heure encore particulièrement flou.
« Ce sera un prélèvement mais on ne sait pas exactement comment il sera effectué », a expliqué André Laignel qui dénonce « une spoliation de 3 milliards d’euros a priori (...) sans qu’on sache ni comment ni quand ce sera restitué ».
Ce serait même « pire que [les contrats de] Cahors », selon lui, puisque le prélèvement se ferait immédiatement. À la différence des contrats de Cahors, pour lesquels la ponction n’avait lieu que si les engagements n’étaient pas tenus.
À ses yeux, il n’y a d’ailleurs « plus aucune raison de croire en la parole de l’État » : « On nous dit que c’est un prélèvement provisoire, mais, dans ce domaine, le provisoire dure souvent longtemps… »
Alors qu’un certain nombre de départements serait d’ores et déjà « hors d’état de répondre » à cet effort, au regard des difficultés financières qu’ils rencontrent aujourd’hui, entre vingt et trente d’entre eux en serait exonérés.
Une première liste de ces départements qui seraient exemptés de contribuer à ce fonds a d’ailleurs été diffusée hier. Parmi eux, on retrouve l'Aisne, les Ardennes, l'Ariège, l'Aude, l'Aveyron, la Creuse, la Corse, le Gard, la Guadeloupe, la Guyane, l'Hérault, la Lozère, la Martinique, Mayotte, la Nièvre, le Nord, le Pas-de-Calais, les Pyrénées-orientales, la Réunion et la Seine-Saint-Denis.
« Rabotage » de la TVA et du FCTVA
Deuxième mesure annoncée par les membres du gouvernement, dans le cadre de cet effort de 5 milliards d’euros : le plafonnement de l’évolution annuelle des recettes de TVA distribuées aux collectivités afin de compenser notamment la suppression de la CVAE. Il constituerait « un rabotage » de 1,2 milliard d’euros sur le montant de TVA qui devait être versé aux collectivités.
« D’habitude, l’État met plusieurs années avant de toucher à ce qui est censé compenser des suppressions. Là, on attend pas, c’est dès la deuxième année qu’on le fait », a déploré le président du CFL.
Enfin, le troisième étage du plan de l’exécutif prévoit l’amputation du fonds de compensation de la TVA (FCTVA) – qui permet de compenser la TVA acquittée par les collectivités – de 800 millions d’euros. « C’est un hold-up ! », s’est emporté le maire d’Issoudun, en rappelant que « le problème, c’est que les élus ont déjà fait leurs plans de financement en intégrant le remboursement de la TVA ».
« Non seulement, on nous supprime ces crédits, mais en plus c’est nous qui, à travers la TVA, allons financer l’État », s’est agacé celui qui est aussi premier vice-président délégué de l’AMF.
Le Fonds vert réduit drastiquement
À ces 5 milliards d’euros, on le sait depuis un certain temps, il faudra également ajouter une réduction de 1,5 milliard d’euros du Fonds vert, celui-ci passant de 2,5 à 1 milliard d'euros.
Une décision qui intervient au moment même où les collectivités vont devoir « plus que doubler » leurs investissements climatiques actuels si elles veulent tenir les objectifs affichés à l’horizon 2030.
« C’est même plus la peine d’en parler ! Parce que si l’on nous supprime 1,5 milliard d’euros de subvention, cela représente en gros 5 milliards de travaux en moins », a balayé le président du CFL. « Nous sommes, une fois de plus, dans des injonctions contradictoires. On nous demande de faire des efforts considérables en matière transition écologique, mais on nous réduit de 60 % les crédits. »
Enfin, André Laignel a ajouté à la note déjà salée concoctée par l’exécutif « environ 3 milliards d’euros de perte » pour les collectivités dus à l’inflation et à l’absence d’indexation des concours financiers de l’État sur celle-ci.
« Coup de frein » à l’investissement
Au final, ce sont une baisse de « 9,5 milliards d’euros » qui frapperaient les collectivités en 2025. « C’est une ponction sans précédent », a dénoncé André Laignel, ajoutant que « c’est inutile de nous tenir des discours sympathiques sur la confiance à retrouver alors que les actes immédiats sont l’inverse (...) : des manquements additionnés à la parole de l’État qui ne tient pas ses engagements ».
En outre, cette suppression de quasiment 10 milliards d’euros de ressources en euros constants pourrait mettre « un coup de frein brutal » aux investissements des collectivités. Selon lui, « il y a un cumul récessif : l’État va avoir une politique de récession en matière financière et, en plus, il demande aux collectivités d’être des acteurs de la récession ».
Alors que l’adoption du projet de loi de finances pour 2025 par une majorité des députés est on ne peut plus hypothétique, compte tenu de la composition de la nouvelle Assemblée nationale, le président du CFL « n’ose penser que le Sénat sera favorable à ces ponctions qui mettent en difficulté les collectivités ».
À ses yeux, rien n’est encore figé et « tout peut bouger » étant donné la configuration parlementaire.
Alors que la dette des collectivités ne représente que 208 milliards d'euros sur les 3 228 milliards de la dette publique dans son ensemble, les collectivités n’acceptent donc aucune de ces mesures, non pas « par mauvaise volonté », mais parce que « l’on y a déjà tellement participé de manière massive avec les 71 milliards d’euros de baisse de DGF des dernières années ». « Est-ce que vous avez remarqué une amélioration des comptes de l’État ? Je n'en ai pas l’impression », a soufflé le maire d’Issoudun.
DGF et DETR stables
Du côté des dotations, la DGF resterait stable et serait maintenue à hauteur d’un peu plus de 27 milliards d’euros, comme en 2024 (en entendant les décisions sur les variables d'ajustement). Tout comme les dotations d’investissement : la DETR et la dotation de soutien à l'investissement local (Dsil) seraient ainsi stabilisées au même niveau que 2024.
Mais, « en euros constants, elles sont en recul », a rapidement nuancé André Laignel, cette stagnation ne compensant pas la hausse des prix portée par l’inflation (qui vient de repasser sous la barre des 2 %, selon l’Insee). Selon les calculs des services de l'AMF, la non-indexation de la DGF sur l'inflation devrait conduire environ une commune sur deux à voir sa DGF diminuer l'année prochaine – contre une sur dix seulement cette année.
Pour ce qui est des dotations de solidarité urbaine (DSU) et rurale (DSR), en revanche, aucune information n’a filtré.
Le projet de budget pour 2025 doit être désormais dévoilé, dans sa globalité, demain en Conseil des ministres, avant son arrivée à l’Assemblée dans laquelle les débats s’annoncent houleux.
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