Budget 2023 : les sénateurs suppriment les contrats de confiance
Par A.W.
Après les avoir vidés de leur substance dans le cadre de la loi de programmation budgétaire, les sénateurs ont supprimé, cette nuit, les fameux « contrats de confiance » souhaités par le gouvernement. Cette fois dans le cadre de la discussion, en première lecture, du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, texte qu’ils ont d’ailleurs achevé d’examiner dans la foulée.
Le revers est d’autant plus important pour l’exécutif que le rejet de ces contrats – qui limiteraient les dépenses de fonctionnement de quelque 500 collectivités et qui ont été rebaptisés « Cahors 2 » par les associations d’élus – s’est décidé à une très large majorité, par 302 voix contre 38.
« Entêtement coupable »
Particulièrement agacés, les différents groupes d'opposition ont ainsi dénoncé tour à tour « un coup de force » ou encore un acte de « défiance » vis-à-vis des collectivités qui ne peuvent formellement présenter de comptes déficitaires.
Pour rappel, le nouveau dispositif de limitation des dépenses des collectivités, intégré dans le PLF par le gouvernement grâce au 49.3, est un savant mélange entre les contrats de confiance initiaux et les anciens contrats de Cahors puisqu’il table sur la trajectoire budgétaire fixée par les premiers, tout en reprenant le système de sanctions des seconds.
« Je ne comprends pas cet entêtement coupable », a lancé le rapporteur général, Jean-François Husson (LR), à l’encontre du ministre des Comptes publics, Gabriel Attal, venu défendre cette mesure qui imposerait aux collectivités de participer à l’effort de redressement des dépenses publiques. « Vous ne tenez même pas compte, dans une forme de désobéissance civile, de ce qu’a déclaré la Première ministre au Congrès des maires », lors duquel Élisabeth Borne avait assuré vouloir renoncer aux sanctions tout en maintenant la trajectoire budgétaire imposée aux collectivités (qui correspondrait à une évolution des dépenses « à un rythme inférieur de 0,5 point au taux d’inflation » durant les cinq prochaines années).
Un choix qu’avait pourtant également fait la chambre haute, début novembre, lors de l’examen du projet de loi de programmation budgétaire. Cette fois, cependant, les sénateurs ont balayé l’ensemble du dispositif, mécanisme de sanctions et trajectoire budgétaire comprise, à travers cinq amendements identiques portés par les groupes socialiste, centriste, communiste ainsi que par le sénateur LR François Bonhomme (Tarn-et-Garonne) et la commission des finances.
Le groupe centriste a toutefois rappelé, dans son amendement, qu’il « soutient l'objectif d'une maîtrise renforcée des dépenses publiques des collectivités territoriales ainsi que de l'État », mais « refuse tout dispositif coercitif d'encadrement ».
« Tourner la page » des contrats de Cahors
La socialiste Isabelle Briquet (Haute-Vienne) a ainsi critiqué un dispositif qui ne serait « ni plus ni moins que la résurrection d'un article dont personne n'a voulu, qui porte atteinte à la libre administration des collectivités locales ». « Nous ne voulons pas de ces contrats de Lourdes, puisque l'on parle de résurrection ! », a raillé, de son côté, le sénateur LR François Bonhomme (Tarn-et-Garonne), sous les rires de ses collègues, rappelant que « cette année est particulièrement difficile pour construire les budgets communaux ».
« Nous avons tous l'objectif que les collectivités puissent continuer à investir et que l'État puisse les y aider [et] cela suppose de maîtriser les dépenses de fonctionnement », a défendu le ministre des Comptes publics en se voulant toutefois rassurant : « Le premier objectif et le préalable [de ces contrats de confiance] étaient de tourner la page des contrats de Cahors ». À ses yeux, « la logique est bien différente », puisque, « dans le cas où un décalage fort avec le contrat est constaté pour une strate de collectivités, on ouvre le capot et on s'accorde avec les collectivités responsables sur un retour à la trajectoire ».
Pas vraiment l’analyse du sénateur communiste du Val-de-Marne Pascal Savoldelli, qui a enjoint le ministre à « jouer aux cinq différences » : « Y a-t-il, comme dans les contrats de Cahors, un objectif contraignant des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités ? Oui ; un objectif de réduction de leurs besoins d'autofinancement ? Oui ; une trajectoire de réduction de leur capacité de désendettement, alors que les collectivités territoriales ne représentent que 9 % de la dette publique ? Oui ; un mécanisme de correction en cas de dépassement de la trajectoire d'austérité fixée par le préfet ? Oui ; une sanction financière en cas de non-respect ? Oui ! »
Bouclier tarifaire et « amortisseur » : c’est « le brouillard »
Autre point important pour les collectivités, le Sénat a adopté, dans la nuit de vendredi à samedi, le bouclier tarifaire et « l’amortisseur » électricité, destiné à aider les entreprises et les collectivités à payer leurs factures d’électricité, dans un contexte de flambée des prix.
Là aussi, très agacés, les sénateurs ont fustigé la complexité du dispositif et le manque d’informations sur « un article qui pèse pourtant 50 milliards » et dont la chambre haute « sera certainement la seule qui aura l’occasion de le discuter ». En cause notamment, un amendement du gouvernement de simplification et d’amélioration des deux dispositifs, dont « les premiers éléments » ont été reçus par les sénateurs seulement 48 heures avant le vote. « Le gouvernement n’est pas au rendez-vous de la situation, notamment de la gravité de l’instant. [….] C’est juste inadmissible ! », a déploré le rapporteur général. « Dans les temps », selon la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher qui a rappelé qu’il a « surtout été déposé à l’Assemblée nationale ».
Reste que les sénateurs se sont plaints de la « technicité » et du « brouillard » qui règnent autour de ces mécanismes. « Vous balayez tous les aspects techniques et finissez par nous endormir ou nous inquiéter, en nous renvoyant vers la foire aux questions du site du ministère », a fustigé le sénateur du groupe LR, Fabien Genet (Saône-et-Loire).
« Deux présidents de commission, un rapporteur général, plusieurs rapporteurs sont parmi nous, mais nous sommes nombreux à n'avoir rien compris. […] Je vous en prie, clarifiez les choses. Faîtes en sorte que les préfets aient des informations claires, à la fois pour les collectivités et les professionnels. Sinon, à l’inquiétude va s’ajouter la colère… », a assené la sénatrice de l’Orne Nathalie Goulet (centriste).
Concernant les collectivités, « certaines petites communes - je pense à l'une d'elles, qui a 400 habitants et 3 ETP - auraient dû entrer dans le bouclier tarifaire, mais sont passées aux pompes à chaleur, avec un compteur de plus de 36 KVA, et s'en trouvent punies. Ne peut-on y remédier ? », a notamment demandé Sophie Primas, sénatrice LR des Yvelines.
On peut également retenir plusieurs autres mesures adoptées par amendements : l'attribution des dotations du Fonds vert après consultation de la commission consultée en matière de DETR, la perception d'une part du produit de l'Ifer par les communes au titre des éoliennes implantées avant 2019 ou encore la possibilité pour un syndicat mixte de recevoir des subventions pour l’établissement d’un réseau de communications électroniques de la part des communes ou EPCI membres.
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