Après avoir augmenté la DGF, la commission rejette la partie « recettes » du budget 2026Â
Par A.W.
Il fallait s’y attendre, tant les divergences sont profondes au sein de l’Assemblée nationale. Réunis en commission, les députés ont largement rejeté, cette nuit, la partie recettes du projet de loi de finances (PLF) pour 2026. Juste après l’avoir grandement amendé et redonné des marges de manœuvre aux collectivités.
Mais « le compte n'y [était] pas ». Toute la gauche et le RN ont ainsi voté contre, tout comme les LR, dont plusieurs ministres du gouvernement sont issus. Finalement, seuls les élus Renaissance ont soutenu ce texte, les autres s’abstenant.
Budget « Frankenstein »
Les députés devront donc le reprendre en séance, dès demain, en repartant de la copie initiale du gouvernement. Scénario qui serait, de toute façon, advenu (comme toujours pour les textes budgétaires) si la commission avait adopté le projet de budget dans sa version remaniée puisque les débats en commission servent, avant tout, de répétition générale.
Cependant, son rejet augure mal de la suite et d’une issue favorable pour ce texte sans davantage de compromis dans l’hémicycle. « Nous avons fait un grand chemin, mais il y a beaucoup à faire parce que le budget tel qu'il est n'est pas un budget crédible. Il va falloir le retravailler », a fait valoir à l'issue des débats le rapporteur général du budget, Philippe Juvin (LR), qui s'est abstenu au vu des « grandes incertitudes qui demeurent » et d'un « certain nombre d'impasses ».
« Si ce budget est peu crédible, c’est parce que la copie de départ est peu crédible », a rétorqué de son côté le président de la commission des finances, Eric Coquerel (LFI), qui a qualifié ce texte de « Frankenstein ». « Comme notre assemblée est nourrie de contradictions, nous arrivons avec un texte patchwork dans lequel personne ne va complètement se reconnaître à la fin […] au point de le rejeter ». Selon lui, ce budget « sera battu » dans l'hémicycle.
Après son passage en commission et la suppression de plusieurs « gros articles » (dont celui des Outre-mer et celui portant sur les transferts du budget de l'État aux collectivités territoriales), le texte aurait subi une réduction de la pression fiscale de « 7 milliards d'euros » (avec 13 milliards de recettes en baisse, et 6,3 milliards de recettes supplémentaires) par rapport à la copie gouvernementale, a calculé Philippe Juvin. Pour ne pas dégrader l'objectif de déficit annoncé (4,7%), ce gain devra donc être financé « non pas par de la dette, mais par une baisse des dépenses », a espéré le député des Hauts-de-Seine.
Revalorisation de la DGF à hauteur de l’inflation
Quelques heures avant, la commission s’est penchée sur les crédits alloués aux collectivités et a décidé de s’opposer au gel de la dotation globale de fonctionnement (DGF) inscrit dans ce projet de budget.
Malgré l’avis défavorable du rapport général du budget, les députés « insoumis », Liot et RN ont fait ainsi adopter des amendements similaires visant à revaloriser la DGF à hauteur de l’inflation prévisionnelle pour 2026 (+1,3 %). Ce qui représenterait un gain « d’environ 248 millions d’euros » pour le bloc communal. « Une telle mesure permettrait de préserver les équilibres financiers locaux, de soutenir la péréquation sans pénaliser les collectivités contributrices, et de maintenir la capacité d’investissement des communes et intercommunalités, essentielle à la vitalité économique et sociale du pays », ont-ils défendu.
Déplorant une « stabilité en trompe-l’œil » depuis le premier mandat d’Emmanuel Macron, ils ont rappelé que, « chaque année, l’écart entre inflation et DGF se creuse : 1,4 milliard d’euros manquaient en 2022, 1,3 milliard en 2023, plus de 500 millions en 2024, et encore 500 millions en 2025 ». Sans compter que les précédentes revalorisations n’ont pas forcément couvert la progression de la péréquation (financée par les communes et intercommunalités), provoquant « une nouvelle baisse de DGF pour 36 % des communes » en 2025.
« Dans [le] contexte [actuel], il faut malheureusement regarder les choses en face : les collectivités doivent participer à l’effort de redressement des comptes publics. Et ce, même si elles ont une vertu dont est dépourvue l’État, la règle d’or », a défendu le rapporteur Philippe Juvin, plutôt favorable au gel de la DGF.
Taxe foncière : exonération réduite pour les bailleurs HLM
De leur côté, les socialistes se sont mis d’accord avec le reste de la commission pour supprimer le dispositif prévoyant une réduction de 25 % des allocations compensatrices relevant des locaux industriels (l’abattement de 50 % sur la base de ces locaux assujettis à la taxe foncière), et qui représenterait un coût de près de 800 millions d’euros pour les territoires concernés.
La baisse voulue par le gouvernement « revient à remettre une fois encore en cause un engagement pourtant inscrit dans la loi, au moment de la réforme, au motif que l’évolution des bases est dynamique », ont fustigé les députés PS, dans l’exposé des motifs de leur amendement.
Ces derniers ont également fait supprimer la règle de liaison des taux entre la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS) et la taxe foncière. À leurs yeux, « il n’y a aucune logique à ce qu’une évolution de taux de THRS, levier de politique du logement visant notamment à réduire la sous-occupation et à promouvoir l’occupation des logements à titre de résidence principale, ait des effets de bord sur les populations dont les logements sont occupés ».
Jusque-là plutôt calmes, les débats se sont tendus lorsque l’ancien ministre du Logement, Guillaume Kasbarian (RE), a réussi à convaincre ses homologues de réduire de moitié l’exonération de taxe foncière dont bénéficient les bailleurs sociaux. Ce qui permettrait de dégager « 400 millions d’euros » pour les collectivités et d’empêcher que cette taxe n’agisse comme « une désincitation à la production de logements sociaux », a défendu l’élu macroniste, en assurant que les bailleurs auront « des leviers de compensation ».
Une mesure jugée « mauvaise » et « scandaleuse » par certains députés de gauche, car elle viendrait « mettre encore plus en difficulté » les organismes HLM qui pourraient déjà subir une hausse de la ponction sur leurs recettes en 2026.
Par souci de « simplification », un amendement LR a enfin été adopté pour éviter que les collectivités soient « redevables de l’impôt qu’elles se payent à elle-même », conformément à une demande de longue date de l'AMF. Il prévoit ainsi « d'exonérer de droit de taxe foncière sur les propriétés bâties l’ensemble des locaux communaux et intercommunaux ou loués par la collectivité, et situé sur le territoire de la collectivité pour la part d’impôt qu’elle se paye à elle-même ».
Pour rappel, les députés travaillent sous la pression des délais constitutionnels (ils ont 70 jours pour adopter le budget de l'État et 50 jours pour celui de la Sécurité sociale). S’ils ne les respectent pas, les projets de budgets pourraient passer directement par voie d'ordonnances.
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